Lundi 4 décembre 2023, la Coordination Rurale accueillait au Palais des Congrès de Nancy (54), ses adhérents et sympathisants pour assister à un moment syndical, ponctué par les présentations de qualité de nos différents intervenants :

2023, année de succès
pour la section Agricultrices

Natacha Guillemet, responsable de la section Agricultrices, a présenté le bilan des principales actions menées pendant l’année 2023 ayant permis de sensibiliser le grand public à la place occupée par les femmes dans le monde agricole.

À l’occasion de dates symboliques, la section a ainsi organisé plusieurs évènements nationaux comme la Journée internationale des femmes rurales et Octobre rose le 15 octobre dernier. Plus localement, une journée de rencontre a été organisée à l’échelle du Grand-Ouest pour les adhérentes de la Coordination Rurale le 27 octobre. La section a également participé à l’émission Écrans Publics en février ainsi qu’au forum « Bouge les lignes » organisé par l’association Vox Demeter, ayant pour sujet l’égalité femmes/hommes au sein de la profession agricole.

Que ce soit lors des salons ou par la création de son propre calendrier, la section Agricultrices a cette année plus que jamais contribué à promouvoir le travail des agricultrices et mis en avant le rôle des femmes dans un environnement majoritairement masculin.

Néanmoins et malgré cette forte activité, certains constats perdurent d’années en années : 41 % des agricultrices vont au bout de leur grossesse sans service de remplacement. Même si la mixité avance, il reste donc des écueils.

Natacha Guillemet, responsable de la section Agricultrices congrès 2023

Natacha Guillemet, responsable de la section Agricultrices

Concurrences de toutes parts…
mais la Coordination Rurale reste inflexible

Du côté des grandes cultures, Damien Brunelle, président de FGC (France Grandes Cultures), a débuté par un point d’attention. Les livraisons de céréales sont accompagnées de cotisations volontaires obligatoires (CVO) et de cotisations volontaires (CV). Dans ce dernier cas, l’agriculteur choisit quel organisme syndical il souhaite financer. Il s’avère que sur beaucoup de factures, seules les officines de la FNSEA apparaissent à la rubrique CV. Si la manipulation douteuse n’a rien de surprenante, il convient de prévenir tous les professionnels que ce choix leur appartient et que personne ne peut leur forcer la main.

Concernant l’activité de FGC, le syndicat céréalier martèle la défense des prix rémunérateurs et pas des primes. La concurrence ukrainienne a fait dégringoler les cours. Leur modèle de fermes couvrant des centaines de milliers d’hectares n’est pas le nôtre. Enfin, nous réaffirmons notre opposition aux jachères obligatoires, au pire, nous demandons des dérogations jachères pour pouvoir traiter.

Enfin, les débats révèlent l’aberration des contrôles subis par les agriculteurs.

Damien Brunelle congrès 2023 Nancy FGC

Damien Brunelle, président de FGC Grandes Cultures

L’agriculture biologique en déclin

Frank Olivier, responsable de la section Bio, a alerté les congressistes sur les conversions en baisse (- 32 %) et l’augmentation plus que sensible des déconversions (+ 35 %). L’hémorragie concerne toutes les productions de l’agriculture biologique. Les ventes s’écroulent, l’offre surpasse la demande, avec pour conséquence logique l’effondrement des prix. Comme pour tout problème qu’on ne veut pas résoudre, on cherche un responsable. C’est le label HVE qui a été désigné coupable par les agences et la Confédération paysanne. De fait, ils réclament plus de conversions alors que les professionnels abandonnent. La CR propose de produire uniquement les denrées manquantes. La région Grand-Est, de son côté a décidé, en accord avec les professionnels, d’accompagner les nouveaux installés quel que soit le mode de production, l’essentiel étant le renouvellement des générations.

Section bio agriculture biologique Frank Olivier congrès 2023 congrès 2023

Frank Olivier, responsable de la section Bio

Les fruits et légumes
menacés par les importations !

Sébastien Héraud, responsable de la section Fruits et Légumes, a présenté la situation préoccupante du marché français : en effet, 50 % des fruits et légumes sont importés, ce chiffre atteignant même 70 % pour les fruits. L’envie de consommer local s’évapore devant les prix en rayon. Non seulement la France impose des normes drastiques pour ses producteurs, mais elle admet l’entrée sur son sol de denrées obtenues par des moyens qu’elle juge inappropriés.

On observe d’une part que le nombre d’agriculteurs diminue ainsi que leurs revenus, et d’autre part que les importations toxiques augmentent ! Il est urgent d’agir, de protéger l’agriculture et d’éviter les distorsions de concurrence. À cela, il convient de rajouter la francisation des produits, qui bénéficie d’une absence de contrôles faute de ressources pour les effectuer et de sanctions à la hauteur du délit. Ces fraudes ont évidemment un impact pour la filière touchée et ce sont des tromperies du consommateur qui lèse aussi les producteurs. La section Fruits et Légumes de la CR n’a pas l’intention de voir disparaître la production française !

Sébastien Héraud, responsable de la section Fruits et Légumes congrès 2023

Sébastien Héraud, responsable de la section Fruits et Légumes

Filière laitière :
les marges ne sont pas dans le bon camp…

La section Lait de la CR est intervenue par la voix de sa responsable, Sophie Lenaerts, sur le déclin de l’élevage tant en France qu’en Europe. La baisse de production est incontestable, mais les prix à la production restent inexorablement bas, en dessous des coûts de production au regard de l’augmentation des charges (alimentation et énergie en particulier). Il convient alors de s’interroger sur l’avenir de l’élevage laitier dans les prochaines années si l’attitude des industriels et des distributeurs ne change pas.

Rappelons par exemple que 20 % des exploitations ont disparu en 10 ans, ce qui représente une baisse de la collecte de 300 millions de litres. À ce rythme, l’autonomie alimentaire pour cette filière aura disparu en 2027. Mais la morosité n’est pas de mise pour tout le monde. De 2021 à 2022, les marges des distributeurs ont augmenté de 188 % et de 64 % pour la transformation. Seuls les producteurs sont dans le rouge avec une baisse des marges de 4 %. Mais où iront ces entreprises pour faire des bénéfices lorsqu’ils auront poussé à la faillite les éleveurs ?

L’intervention s’est conclue par une mise en perspective de différents scénarii d’évolution de la production allant d’une intensification de la production pour exporter, à une extensification pour une consommation de niche, laissant les produits d’entrée de gamme dépendants des importations.

Sophie Lenaerts, responsable de la section Lait congrès 2023

Sophie Lenaerts, responsable de la section Lait

La TVA dans le viseur de la filière équine

La filière équine, représentée par Amélie Rebière, présidente de la CR de Corrèze, est confrontée à l’écheveau confus de la TVA. Le projet de loi de finances 2024 prévoit en effet de réduire le taux de TVA applicable à l’enseignement des pratiques équestres, apportant ainsi une simplification et une sécurisation fiscale en particulier aux centres équestres. Néanmoins, cela n’occulte en rien le refus du Gouvernement à appliquer un taux réduit à l’ensemble des activités équines, comme le rend possible la directive TVA depuis sa modification en avril 2022. Cette obstination, malgré les demandes répétées de la CR, pénalise fortement les éleveurs professionnels qui doivent facturer un taux plein sur une partie de leur vente, face à la concurrence des amateurs.

Amélie Rebière, présidente de la CR de Corrèze congrès 2023

Amélie Rebière, présidente de la CR de Corrèze

Directive nitrates :
une double réglementation qui ne passe pas !

Joseph Martin, président de la CR Bretagne, a posé la question des nitrates, un sujet largement débattu en comité GENEM (Gestion des éléments nutritifs et des émissions vers les milieux). La directive nitrates s’applique aux zones vulnérables, soit les 2/3 du territoire. Le PAN7 va entrer en application en janvier prochain en alourdissant les contraintes sur les agriculteurs, alors même que dans la plupart des régions, les adaptations régionales (les PAR7) ne sont pas finalisées. Une double réglementation va co-exister, sans que cela semble inquiéter qui que ce soit.

Le GENEM ne s’intéresse pas uniquement aux émissions d’azote dans les sols et dans l’eau, il aborde également les émissions d’ammoniac dans l’air. La France est à ce stade en conformité avec ses engagements de réduction, mais c’est essentiellement en lien avec la disparition de l’élevage, il n’y a donc pas de quoi se féliciter. Pour aller plus loin, l’administration envisage dans les prochaines années d’interdire l’épandage des effluents liquides avec les buses palettes et d’imposer l’incorporation dans les 12h. Ces mesures, très coûteuses, apparaissent contre-productives, car avec une disponibilité moindre en matériel, les chantiers d’épandage se feront dans des conditions moins optimales.

Joseph Martin, président de la CR Bretagne

La CR attend toujours des mesures concrètes face aux conséquences de la MHE

Il était impossible de ne pas aborder la situation sanitaire des élevages bovins et ovins avec la présence de la MHE (maladie hémorragique épizootique) depuis le mois de septembre dans le sud-ouest comme l’a rappelé Stéphane Charbonneau, responsable de la section Viande.

Si la maladie n’est pas contagieuse, elle cause des ravages dans les cheptels, la mortalité pouvant atteindre 30 %. Venue d’Espagne, elle impacte principalement le Pays Basque français, mais plusieurs cas ont été signalés en Bretagne, Nouvelle-Aquitaine et région Centre. L’État a donc établi deux zones, la zone réglementée (ZR) et la zone indemne. Pour la ZR, les restrictions et interdictions de mouvements sont la règle, et à cela s’ajoutent des obligations de désinsectisation et de test PCR.

La CR s’associe à la détresse des éleveurs qui font face à de nombreux cas cliniques, essentiellement sur des bêtes adultes et engendrant de lourds frais vétérinaires. Cette maladie vectorielle provoque également de la mortalité malgré les soins apportés par les éleveurs. Si les éleveurs commencent à cerner les impacts sanitaires à courts termes (affaiblissement, congestion, ulcération, œdème, …), il est très difficile de cerner à ce stade les effets à moyen terme, sur la reproduction par exemple. L’État n’est pas resté sans agir en tentant de maintenir les flux commerciaux vers l’étranger et en prenant en charge les frais d’analyse de détection des foyers, mais cela est largement insuffisant au regard des coûts engendrés par cette maladie.

Face à l’impact économique immense pour les exploitations, la CR demande la mise en place d’indemnisations pour compenser les cas de morbidité et de mortalité (remboursement des frais vétérinaires et des pertes de production), mais également les blocages d’animaux.

Stéphane Charbonneau, responsable de la section Viande congrès 2023

Stéphane Charbonneau, responsable de la section Viande

Quid de la BCAE 1 dans les régions en régime d’interdiction de conversion des prairies permanentes ?

Jean-Jacques Pesquerel, président de la CR du Calvados, a exposé les conséquences de la mise en œuvre de la BCAE 1, un basculement qui impose une réimplantation avant le 31 décembre 2024.
Il faudrait néanmoins qu’un maximum de réimplantations soit effectué avant la clôture de la période de télédéclaration PAC au 15 mai 2024.
Si la dégradation du ratio de prairies permanentes passe sous les 5 % (il est de 6,45 % en Normandie), la région passe en régime d’autorisation.

Pour la région Normandie, la surface minimale à réimplanter est de 13 036 ha, et concerne 4 271 exploitants, pour un pourcentage de réimplantation de 53 % par exploitant.
Pour la région Pays de la Loire, la surface minimale à réimplanter est de 4 222 ha, et concerne 2 499 exploitants, pour un pourcentage de réimplantation de 13 % par exploitant.
L’origine de ces retournements vient des cessations laitières, du monde du cheval qui ne déclarent pas les prairies (lesquelles ne rentrent donc pas dans le ratio), les départs à la retraite, et l’artificialisation des terres.

Il existe quelques exemptions :

  • JA et NA répondant pour la première fois à cette définition à la date du 15 mai 2023 ou à la date du 15 mai 2022 si la première conversion a eu lieu lors de la campagne 2021/2022
  • Agriculteurs engagés dans le dispositif aide à la relance de l’exploitation agricole (AREA – ex agridiff)
  • Éleveurs dont la surface en PP de l’exploitation est supérieure à 75 % à la surface admissible de l’exploitation avant réimplantation

Les agriculteurs doivent déposer une demande d’exemption auprès de la DDT au plus tard le 15 janvier 2024.
La réimplantation d’une partie des PP converties doit se faire obligatoirement dans la région d’origine (mais la localisation parcellaire peut-être différente).
La surface à réimplanter correspond à la surface minimale pour atteindre une dégradation du ratio de – 4,5 % en 2025 et sortir du RI. La réimplantation ne peut se faire qu’avec de l’herbe ou des plantes fourragères herbacées (ou majoritairement si présence de légumineuses), à l’exclusion des graminées non prairiales et légumineuses pures.
Pour ceux qui ne peuvent valoriser l’herbe et qui ont cessé l’élevage, comment vont-ils pouvoir valoriser l’herbe, à part en méthanisation ?

Jean-Jacques Pesquerel, président de la CR du Calvados, congrès 2023

Jean-Jacques Pesquerel, président de la CR du Calvados

Pour préserver l’agriculture, sauvons l’eau !

La guerre de l’eau est une réalité, comme l’a rappelé François Turpeau, président de la CR de la Vienne. Cela fait des années que les écologistes ont gangrené l’ensemble des structures liées au dossier. Désormais, le piège se referme. Quant aux politiques, certains défilent avec les casseurs quand d’autres incitent à la destruction. La haine contre l’agriculture est totale. Nous savons pertinemment qu’il n’y a pas de production sans eau. La CR doit se battre. L’agriculture représente seulement 10 % des prélèvements annuels tandis que les fuites des réseaux d’eau potable représentent une quantité équivalente. Qu’est ce qui est réellement scandaleux ? Supprimer l’irrigation, c’est supprimer les exploitations à taille humaine. On nous reproche d’irriguer des denrées exportées, alors que la France importe l’équivalent de 3 milliards de m³ d’eau de denrée irriguées (soit l’équivalent de son prélèvement annuel).

Les oppositions se multiplient avec pour conséquence la violence contre les agriculteurs. Les agriculteurs ont peur, c’est pourquoi la CR Nouvelle-Aquitaine s’est portée partie civile aux procès des organisateurs de la manifestation de Sainte-Soline. Nous sommes le seul syndicat agricole à l’avoir fait. Il en va de notre responsabilité. Nous défendrons tous les projets de retenues à venir et dans cet objectif, nous voulons rencontrer nos élus politiques. Ceux qui nous soutiennent font profil bas, il faut les inciter à prendre de réels engagements.

François Turpeau, président de la CR de la Vienne

Un accord pluri-syndical
trouvé sur les dégâts de gibiers

Il a été difficile pour la CR de se faire une place dans un cercle fermé du CNI, tenu par la FNSEA et les JA. Cela étant, Lydie Deneuville, responsable de la section Dégâts de gibiers, y est parvenu. L’ensemble des acteurs viennent d’arriver à un accord historique qui permettra à la FNC de disposer d’un financement de 20 millions et 60 millions d’euros sur trois ans. Les objectifs de l’accord sont simples : élargir les outils pour réguler la surpopulation de sangliers, rendre l’agrainage dissuasif possible, modifier les procédures d’indemnisation, diminuer la population de sangliers de 20 % à 30 %. Ces mesures ont ainsi pour but de résoudre les problématiques de dégâts de gibiers. L’espoir est permis pour une application au 1er janvier 2024, mais pour l’heure, le texte est entre les mains du Conseil d’État.

Lydie Deneuville, responsable de la section Dégâts de gibiers

Comme l’a illustré ce moment syndical, 2023 a été pour la Coordination Rurale une année à la fois jalonnée de succès, mais aussi de combats pour le maintien et surtout l’amélioration des conditions de travail des agriculteurs. Les différentes sections, par leur implication concrète et soutenue dans les projets, réunions et comités techniques, rencontres institutionnelles, évènements et autres manifestations, ont su porter haut et fort la voix du monde agricole et véhiculer les valeurs qui sont les nôtres.

Rendez-vous en 2024 pour continuer la lutte et faire valoir notre vision de l’agriculture, c’est-à-dire la défense d’un métier qui mérite le respect et d’être dignement rémunéré !

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