Du 18 au 21 octobre avait lieu à Blois le 15e rendez-vous de l'Histoire, consacré cette année aux paysans. Parmi l'offre abondante de conférences, un jeune chercheur, Aurélien Boucher, a proposé une analyse historique du syndicat majoritaire et des autres forces syndicales, dont la Coordination Rurale.

Naissance de la FNSEA et en son sein de ses adversaires

La FNSEA est née en 1946, dans le giron de la CGA (Confédération Générale de l'Agriculture). Son premier cheval de bataille a été l'indexation du prix du blé sur les coûts de production.

En 1951, la FNSEA fait une incursion dans la politique et parraine les candidats paysans aux législatives: 88 députés agriculteurs sont élus. C'est "l'action civique".

En 1957 est créé le CNJA. Au début des années 1960 apparait une nouvelle génération d'agriculteurs qui se voient comme des chefs d'entreprise. Ces jeunes sont formés à la jeunesse agricole catholique et dans les CETA. Dynamiques, ils s'opposent à la génération précédente plutôt portée sur l'agrarisme, c'est à dire la sauvegarde de l'exploitation familiale en tant que tel.

Pour ces jeunes, la politique des prix n'est pas vue comme prioritaire et ils refusent de sacraliser l'exploitation familiale. Pourquoi s'échiner à cultiver pour survivre? Mieux vaut restructurer! Dans les années 1960, la FNSEA change donc elle aussi d'orientation.

La FNSEA a vu naître en son sein tous ses adversaires actuels. Le MODEF est créé en 1959 par des représentants de 23 départements, proches des radicaux, des socialistes et des communistes. Ce syndicat soutient une politique des prix et s’oppose à la FNSEA qui soutient le nouveau pouvoir gaulliste en place.

Décembre 1969 voit l’apparition de la Fédération française de l’agriculture (FFA), avec les fédérations départementales d’Inde-et-Loire et du Puy-de-Dôme. Elle s’oppose aux lois d’orientations agricoles de 1960-62, et défend une politique des prix contre une politique des structures.

Les fondateurs de la Confédération Paysanne sont aussi issus des rangs de la FNSEA. En 1987 deux syndicats issus de la tradition de la gauche paysanne fusionnent : la Confédération nationale des syndicats de travailleurs paysans (CNSTP) créée en 1981 par les Paysans travailleurs des années 1970 et la Fédération nationale des syndicats paysans (FNSP) créée en 1982 par les représentants de cinq FDSEA dissidentes de la FNSEA.

Mode de scrutin aux élections chambre d'agriculture

Dans le but d'imposer le pluralisme syndical, la Ministre Edith Cresson s'oppose au Président de la FNSEA François guillaume. Elle décide de changer le mode de scrutin aux élections des chambres d'agriculture.

En 1988, François Guillaume (président de la FNSEA de 1979 à 1986) devient le Ministre de l'Agriculture de Jacques Chirac dans le gouvernement de cohabitation. Il en profite pour rétablir les anciennes règles du mode de scrutin pour les élections des chambres d'agriculture, ce qui réduit le pluralisme agricole à néant.

Naissance de la Coordination Rurale

En 1991-1992, le GATT (future OMC) oblige l'Europe à réformer sa politique agricole. Le but est de sortir du soutien par les prix, d'aligner les prix européens sur les prix mondiaux, de délaisser la Préférence communautaire, et de mettre en place des primes compensatoires à la baisse des prix.

Jacques Laigneau et d'autres agriculteurs organisent un soulèvement paysan d'une ampleur exceptionnelle qui ébranle la FNSEA ayant refusé de suivre le mouvement. La FDSEA d'Eure-et-Loir subit par exemple une véritable hémorragie au niveau de ses adhérents. D'ailleurs, aux élections chambre de 1995, la CR 28 n'était qu'à quelques voix de la victoire.

Dans les locaux de l'APCA occupés par les paysans de la Coordination Rurale, est retrouvé un document attestant de la totale cogestion de la réforme de la PAC par la FNSEA. Il s'agit du 10e plan.

Comment la FNSEA parvient-elle à maintenir son hégémonie?

A partir de cette époque, la FNSEA s'est décrédibilisée auprès de nombreux agriculteurs. Pourtant, elle parvient toujours à maintenir une certaine hégémonie. Cela est dû à plusieurs critères:

  • l'antériorité historique et la force de son réseau
  • l'offre de services : juridique (déterminant pour beaucoup de ses adhérents), achats groupés, "carte moisson" offrant des avantages commerciaux (avec commissions versées par les FDSEA et rétro-commissions versées par les fournisseurs aux FDSEA)
  • la reprise à son compte des idées et propositions émises par les autres syndicats (allant parfois jusqu'au double-discours)
  • sa collusion avec d'autres intérêts que ceux des agriculteurs : relations avec les politiques (même si dans ses statuts la FNSEA est apolitique), relations ambigües avec le secteur agro-alimentaire et celui de l'agro-fourniture
  • le soutien de les organisations amies : Crédit Agricole, Groupama, Coopératives, Mutualité Sociale Agricole
  • des financements opaques et le contrôle contestable qu'elle exerce sur toutes les interprofessions (voir à ce sujet le rapport du député Nicolas Perruchot)
  • le mode de scrutin aux élections chambre d'agriculture, ultra-favorable à la liste arrivée en tête (50% des sièges et le reste des sièges au prorata)
  • l'illusion d'une unité du monde paysan, que bien-sûr la FNSEA défendrait et que la CR et la Conf' chercheraient à anéantir... Il s'agit là d'un ressort psychologique important dans le monde paysan, sur lequel le tandem FNSEA-JA sait appuyer.

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Le 10e plan

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