Pour freiner la bétonisation qui fait disparaître, chaque année, 30 000 hectares de sols principalement agricoles, il avait été imaginé le concept du Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Le principe fixé dans une loi d’août 2021 était simple : pour chaque m² bétonné, le responsable devait générer 1m² d’ENAF (Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers) en compensation.

La Coordination Rurale avait souligné les faiblesses du texte. D’une part, il prévoyait l’application pleine et entière du principe ZAN en 2050. D’autre part, aucune distinction n’était faite entre les différentes zones naturelles, si bien qu’il était possible de bétonner des dizaines d’hectares de terres agricoles, dès lors qu’on créait des dizaines d’hectares de jardins publics. Pour les promoteurs du projet, un abricotier ou un platane, c’est plus ou moins la même chose. Que l’un permette de nourrir la population et pas l’autre, ne rentre pas en ligne de compte.

La CR insiste pour que les élus locaux et les pouvoirs publics travaillent à valoriser prioritairement les friches, qu’elles soient industrielles ou agricoles, en terrain à bâtir pour éviter au maximum la perte de terres agricoles. La CDPNAF est la bonne instance pour valider le changement de destination quand il s’agit de friches agricoles (anciens poulaillers ou hangars à veaux par exemple ) en veillant à ce qu’il n’y ait pas d’abus.

Nous en étions là de nos réflexions, lorsque le 21 juillet dernier est publié, au Journal Officiel, une loi : « visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux ».

La facilitation dont il est question se résume à une liste de dérogations et d’atténuations. On citera en pêle-mêle : un droit à construire d’un hectare pour toutes les communes sans condition et mutualisable à l’échelle intercommunale, un forfait de 12 500 hectares pour permettre la construction des projets d’envergure nationale ou européenne (autoroutes, centrales nucléaires, prisons…). Notez qu’au sein de cette catégorie des chantiers ouvrant droit à bétonnage on trouve : « Les projets industriels d’intérêt majeur pour la transition écologique ainsi que ceux qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable ». Vous avez bien lu, toutes celles et ceux qui souhaitent défendre la nature disposent d’un forfait béton pour mener à bien leur projet. Enfin, on citera la création d’un énième comité Théodule, consultatif et entièrement composé d’élus locaux.

À peine deux ans après la promulgation de la loi d’origine, et alors même que les principes défendus par ces textes ne seront pas pleinement opérationnels avant 2050, voici qu’apparaissent les premières exceptions. La Coordination Rurale s’était interrogée sur ce temps long et sur sa pertinence face aux dizaines de milliers d’hectares bétonnés chaque année.

Nos craintes ne seront sans doute jamais vérifiées ou infirmées. Au rythme où vont les choses, en 2050 le « Zéro Artificialisation Nette » aura été vidé de sa substance depuis longtemps.

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