Ecophyto 2018

« Réduire de 50 % l’usage des phytosanitaires au niveau national en 10 ans, si possible. »

Les discussions du Grenelle de l’environnement ont été conclues, le 25 octobre 2007, par un brillant discours de Nicolas Sarkozy qui, entre autres propositions, a demandé au ministre de l'Agriculture de l’époque, Michel Barnier, de lui proposer un plan pour réduire de 50 % l'usage des pesticides, si possible dans les dix ans qui viennent.

logo Grenelle de l’environnementLes écologistes présents ne s’attendaient pas à un plan si volontariste.

C’est le ministre de l’Agriculture qui a donc été chargé de la mise en œuvre du plan, en retenant la Direction Générale de l’ALimentation (DGAL) comme pilote. Le ministère de l’Ecologie, le secrétariat d’état à l’Outre-mer, les ministères de la Santé, de l’Economie et de la Recherche ont été associés à ce plan.

Le cadre règlementaire européen

L’utilisation des produits phytosanitaires fait l’objet depuis 2002 d’une stratégie communautaire dont l’objectif est « la réduction des pesticides dans une mesure compatible avec la protection des cultures».

Lors de la Présidence française de l’UE, Michel Barnier a fait voter en janvier 2009 le « paquet pesticide », qui est constitué du règlement 1107/2009 et de la directive 2009/128/CE.

Pour permettre la mise en œuvre de ces dispositions, il a été demandé à chaque état membre de fournir son plan d’action national. Ecophyto 2018 constitue la contribution française.

Le cadre national

Lancé donc dès 2007, l’étude Ecophyto R&D était fondée sur une gouvernance organisée selon trois piliers :

Un Comité National d’Orientation et de Suivi (CNOS)

Présidé par le ministre, il est chargé de la mise en œuvre opérationnelle du plan. Il est composé de professionnels de l’agriculture, du conseil, de la distribution et de l’application de produits phytopharmaceutiques (PPP) en zones agricoles et non agricoles, de représentants des producteurs de PPP, d’agences d’évaluation, d’instituts techniques et de recherche, d’associations de protection du consommateur et de l’environnement, de l’office de l’eau et des milieux aquatiques, des services de l’administration centrale et régionale.
Chaque acteur membre du CNOS a eu la possibilité d’exprimer, sous la forme d’un cahier d’acteur, ses remarques sur l’étude réalisée, ses attentes et ses propositions ou contributions. Les 68 pages de ce document sont consultables sur le site internet de l’INRA (http://www.inra.fr/l_institut/etudes/ecophyto_r_d/ecophyto_r_d_resultats); elles sont riches d’enseignements sur les positions de chaque syndicat, entre autres.

Un comité d’experts

D'abord chargé de l’élaboration des propositions d’action (comité opérationnel), il a ensuite évolué, et suit aujourd'hui la mise en œuvre du plan.

Un Comité consultatif de gouvernance

Chargé d’étudier et de rendre son avis sur la proposition et la répartition des aides de l’ONEMA  (Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques), il est constitué de membres du conseil d’administration de l’ONEMA et de membres du CNOS.

Le cadre régional

La mise en œuvre est confiée aux préfets de région qui s’appuient sur les Directions Régionales de l’Alimentation, de l’Agriculture, de la Forêt (DRAAF) et les Directions de l’Agriculture et de la Forêt des DOM.

Elle s’organise autour de Comités Régionaux d’Orientation et de Suivi (CROS) réunissant au niveau régional les représentants de la profession agricole, les associations de défense des consommateurs et de l’environnement et les collectivités territoriales.

Son budget

Le financement du plan est assuré par une mobilisation de crédits du budget de l’Etat, des fonds de formation et autres crédits et par une fraction de la redevance pour pollution diffuses (payée par les agriculteurs) sur la base d’un programme annuel.

En 2009, les crédits engagés étaient de 9,887 M€. Pour 2010, ils sont de 21,272 M€.

Les Axes du plan Ecophyto


Le plan est organisé en neuf axes (un dernier axe vient d’être ajouté pour la sécurité des utilisateurs), rassemblant à ce jour 114 actions.

Axe 1 : Evaluer les progrès en matière de diminution de l’usage des pesticides (ministère de l’Alimentation de l’Agriculture et de la Pêche – MAAP, sous-direction qualité et protection des végétaux)

  • Cet axe a pour objet de collecter les données, de suivre l’utilisation des pesticides sur l’ensemble des cultures, y compris outre-mer. Voir page suivante l’indicateur retenu : le NODU.

Axe 2 : Recenser et généraliser les systèmes agricoles et les moyens connus permettant de réduire l’utilisation des pesticides en mobilisant l’ensemble des partenaires de la recherche du développement et du conseil (MAAP - sous-direction biomasse et environnement).

  • Il s’agit ici de l’inventaire des dispositifs disponibles de protection intégrée, de l’expérimentation sur des systèmes économes en intrants.

Axe 3 : Innover dans la conception et la mise au point des itinéraires techniques et des systèmes de cultures économes en pesticides (MAAP – sous-direction innovation)

  • Partenariat entre recherche publique et recherche privée.
  • Des réseaux mixtes technologiques (RMT) associent acteurs de la recherche, de la formation et du développement pour soutenir la mise au point d’innovations.
  • Un RMT visant à favoriser l’agriculture biologique.
  • Participation du ministère de l’Environnement sur les effets des pesticides et sur la mise au point d’itinéraires techniques diminuant l’usage des intrants.
  • Au sein du MAAP, programme d’action du développement agricole (PNDA) et mission DAR (Développement agricole), financée par le CASDAR.
  • Effort de recherches dans les semences par un « contrat de branche ».
  • Participation de l’Agence nationale de la recherche (ANR) avec plusieurs projets dont DynRurBio sur le développement de l’agriculture biologique et VirAphid sur l’utilisation de la résistance des plantes pour gérer l’évolution des virus et des pucerons.

Axe 4 : Former à la réduction et à la sécurisation de l’utilisation des pesticides (MAAP – sous-direction des politiques de formation et d’éducation).

  • Orienter la formation des professionnels vers les productions et protections intégrées.
  • Adapter les formations de la profession agricole.
  • Agréer les distributeurs et applicateurs (Certiphyto).

Axe 5 : Renforcer les réseaux de surveillance sur les bio-agresseurs et sur les effets non intentionnels de l’utilisation des pesticides (MAAP– sous-direction qualité et protection des végétaux).

  • Analyse des services d’épidémio-surveillance.
  • Une évaluation auprès des agriculteurs, du conseil et des autres acteurs de terrain évaluera les comportements et leurs évolutions.

Axe 6 : Prendre en compte les spécificités des DOM (délégation générale de l’outre-mer – service des politiques publiques).

  • Disposer d’indicateurs adaptés aux DOM.
  • Orienter les programmes de recherche vers la réduction de l’utilisation des pesticides.
  • Développer les réseaux de surveillance du territoire.

Axe 7 : Réduire et sécuriser l’usage des produits phytosanitaires en zone non agricole (ZNA) – (ministère de l’Environnement – sous-direction de la protection et de la gestion des ressources en eau)

  • Améliorer la qualification professionnelle des applicateurs professionnels en ZNA.
  • Sécuriser l’utilisation par les amateurs.
  • Encadrer strictement l’usage des phytosanitaires dans les lieux publics.
  • Développer des outils pour réduire l’usage des pesticides en ZNA.

Axe 8 : organiser le suivi national du plan et sa déclinaison territoriale et communiquer sur la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires (MAAP – DGAL service de la prévention des risques sanitaires).

  • Mise en place d’un suivi national du plan Ecophyto.
  • Mise en place d’un plan de communication national.

Axe 9 : Sécurité des utilisateurs (MAAP – secrétariat général).

  • Equipement de protection.
  • Veille sanitaire.
  • Conception et maintenance du matériel de pulvérisation.
  • Les zones d’incorporation.

Quelques éléments du plan Ecophyto

Le Nombre de Doses Unités (NODU): l’indicateur de référence

Pour mesurer la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, l’objectif principal du plan Ecophyto, il était indispensable de définir un indicateur de référence.

Trois indicateurs étaient envisagé : la quantité de substances actives (QSA), l’indicateur de fréquences de traitement (IFT) et le nombre de doses unités (NODU).Le Nombre de Doses Unités (NODU): l’indicateur de référence

En confondant des substances actives utilisées à des doses différentes de quelques grammes à plusieurs kg par hectare, la QSA ne pouvait traduire une intensité dans les pratiques de traitement. Quand à l’IFT, il ne prend en compte que les quantités de produits réellement appliquées mais cet indicateur est fourni par les enquêtes régionales « pratiques culturales » du service de la statistique et ne repose que sur des moyennes d’échantillons d’exploitation. Il n’est pas généralisé et certaines régions n’ont aucune référence d’IFT.
Le NODU qui a été retenu, est calculé annuellement sur des niveaux de ventes nationales transmis à partir des données des distributeurs, dans le cadre de la déclaration au titre de la redevance pour pollutions diffuses. Il prend en compte toutes les cultures. Le NODU pondère la quantité vendue de chaque substance par la dose qui lui est propre.

Dans le but d’affiner le suivi du plan, le NODU est décliné en fonction des catégories de substances actives (herbicides, fongicides…) et des profils toxicologiques des matières actives.

En 2009, le NODU ne prenait pas en charge les traitements de semences et les appâts. A partir de 2010, cette anomalie sera corrigée.

Certiphyto : une formation sur laquelle Ecophyto fonde de grands espoirs !

L’axe 4 est l’axe de la formation. Il prévoit une réforme de l’agrément à la distribution et à l’application en prestation de service des produits antiparasitaires à usage agricole.

Pour les fonctions essentielles (décideur, applicateur pour tiers, vendeur, conseiller), il est prévu la délivrance d’un certificat capacitaire par les pouvoirs publics qui remplacera le certificat DAPA actuel.

Les référentiels de formation au sein de l’enseignement agricole vont évoluer et prendre plus sérieusement en compte les pratiques agro-environnementales. Un réseau « agronomie- Ecophyto 2018 » est installé au cœur du réseau des lycées agricoles.

Pour les agriculteurs, un certificat (Certiphyto) obtenu à la suite d’une formation ou d’une évaluation sera nécessaire pour l’achat de produits phytopharmaceutiques à usage professionnel et pour la détention d’un agrément d’entreprise. Cette exigence, largement inspirée par la FNSEA, cautionnée par la confédération paysanne n’a rencontré pour seules critiques que celles de la CR qui demandait qu’au minimum soit reconnue l’expérience des agriculteurs en activité.

Il est prévu quatre voies d’accès au certificat :

  • La voie A : voie académique par obtention du diplôme ou titre (dont la liste est en cours d’élaboration) donnant accès directement au certificat.
  • La voie B : accès au certificat suite à la réussite d’un test (questionnaire à choix multiples).
  • La voie C : formation au module « santé et sécurité » suivie d’un test et prescription éventuelle d’une formation.
  • La voie D : participation à l’action d’une formation spécifique d’une durée variable suivant le certificat visé. La réalité risque donc d’être que des agriculteurs maîtrisant parfaitement l’utilisation des pulvérisateurs et des PPP (parfois depuis plus de 40 ans) mais peu habiles en informatique soient formés par des gens très compétents dans le maniement des claviers et des souris mais n’ayant jamais eu à utiliser un pulvérisateur !

La délivrance de ce certificat est actuellement en cours d’expérimentation en usage agricole et non agricole. Le certificat délivré durant cette période expérimentale est désigné sous le terme Certiphyto 2009-2010. Il sera valable 10 ans.

Entre octobre 2009 et décembre 2010, 3 253 formations de deux jours auront été organisées. Sur la période octobre 2009 – juillet 2010, 17 196 Certiphyto ont été délivrés.

Les frais de formation sont pris en charge par le VIVEA et l'Europe (FEADER) pour les voies C et D sous réserve d'éligibilité. Pour la voie B, le coût du passage du test devrait a priori être à la charge de l'exploitant.

Pourquoi la CR s’est-elle montrée très réservée à l’égard d’Ecophyto 2018 ?

Tout comme le faisait très justement remarquer Daniel Roques, le président d’AUDACE, le taux de réduction des phytosanitaires envisagé par Nicolas Sarkozy est ambitieux, mais il n’est fondé sur aucune base technique. C’est un chiffrage politique qui avait comme seule logique de satisfaire un parterre d’environnementalistes lors du Grenelle de l’environnement.

Les études l’ont montré par la suite : des économies sont certes possibles sur les intrants, mais atteindre les 20 %, sans toucher aux rendements, constitue déjà un objectif difficile à atteindre.

Comme le montre un rapport de l’INRA de janvier 2009 qui étudie plusieurs stratégies pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, il ne serait possible d’atteindre le seuil d’économie de 50 % qu’en «mettant en œuvre des systèmes totalement revisités conduisant à des modifications d’assolement sur le territoire qu’il est important d’évaluer ».

Un léger resserrement des phytos en France ?

Apres une première année de suivi du NODU, la DGAL, pilote d’Ecophyto, a tenté d’apprécier l’évolution entre 2008 et 2009 de l’indicateur. La note de suivi publiée le 8 octobre 2010 a conclu à un « léger resserrement de l’utilisation des phytos en France». (http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/101005-noteDEsuivi-2.pdf).

Evolution en NODU des quantités vendues entre 2008 et 2009 :
(ne considérant pas pour cette campagne les TS et appâts)

On voit en effet sur ces graphes une réduction de moins de 10 % des NODU entre 2008 et 2009.
L’évolution par catégorie de substances actives révèlerait que ces économies ont été surtout opérées sur les fongicides, grâce à une année 2009 plus clémente que 2008. La stabilité sur les herbicides aurait tendance à montrer que les systèmes culturaux n’ont subi aucune modification.
Il fallait s’attendre à une première année sans efficacité, d’autant plus que le message est tout juste « arrivé » dans les régions et chez les agriculteurs ; mais le facteur « prix des céréales » ne doit pas être sous-estimé. D’après les statistiques du ministère, en 2007-2008, le prix du blé rendu Rouen est en moyenne de 237,69 €/t, alors qu’il n’est que de 146,45 €/t en 2008-2009. Il est très vraisemblable que la corrélation entre le prix du blé et le NODU soit hautement significative.

Nous attendrons donc les résultats à venir pour porter une analyse plus précise sur les résultats d’Ecophyto.

Quelle voie pour une réduction d’intrants ?

Les agriculteurs tentent depuis toujours d’économiser leurs intrants. Le prix prohibitif des produits a été le meilleur catalyseur des réductions de doses. Il y a bien longtemps que la dose homologuée de l’index ACTA ne constitue qu’une référence très relative… réputée très élevée.

Ces économies sur l’utilisation des phytosanitaires ont été bien étudiées chez les agriculteurs… du moins chez ceux qui ont suffisamment d’autonomie par rapport aux systèmes commerciaux de l’agrodistribution. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la recherche a plutôt freiné ces études et les suggestions plus ou moins empiriques du terrain (adjuvants de pénétration, mélanges de produits…).

Les agriculteurs savent aussi que la marge de réduction d’intrants la plus significative ne sera atteinte que par une réflexion sur les rotations culturales. Seul un tel concept permettra d'atteindre les objectifs énoncés par Nicolas Sarkozy. Mais pour être efficiente, la mise en œuvre d’un tel système ne pourra se faire qu’avec un rééquilibrage des marges brutes entre cultures, pour garantir le maintien du revenu de l’agriculteur.

Les assolements sont en effet d'abord dictés par des contraintes économiques. Si les potentiels de marges brutes entre différentes cultures sont relativement proches, le panel sera élargi et à l’image des agriculteurs bio, un véritable système rotationnel pourra être mis en place….
La réflexion nous renvoie donc à une PAC équilibrée et maîtrisée avec une hiérarchie des prix entre productions qui encourage les agriculteurs à diversifier leurs cultures. La voie de la réussite sera là.

En l’absence d’une telle possibilité, nous en serons toujours à présenter Ecophyto 2018 comme le plan de réduction de 50% des phytosanitaires…, SI POSSIBLE !

Dans la même catégorie

Environnement
Alimentation
Économie
Élevage