Deux chiffres à première vue contradictoires circulent sur Internet actuellement : ces dix dernières années, d’après certains, l’usage des « pesticides » aurait augmenté de 25 %, et d’après d’autres, il aurait diminué de 36 %. Démêlons le vrai du faux.

Dans un rapport d’étude du 9 février 2021 , la Fondation pour la Nature et pour l’Homme (FNH, anciennement Fondation Nicolas Hulot) a écrit noir sur blanc que “les usages de pesticides ont augmenté de 25 % en 10 ans”, entre 2009 et 2018. Le chiffre a été largement repris et quelquefois contesté, notamment par Géraldine Woessner pour Le Point et Emmanuelle Ducros pour L’Opinion , qui affirment qu’en réalité la quantité de produits phytosanitaires utilisés a diminué de 36 % sur la même période.

La réalité : ces deux affirmations sont vraies

Premièrement, il est important de noter que les deux résultats sont issus des données brutes d’Agreste, à savoir le service statistiques du ministère de l’Agriculture. Autant dire que ces données sont fiables. Alors comment deux analyses issues de la même source peuvent-elles autant diverger ?

Il y a plusieurs manières d’analyser des données brutes

Afin d’apprécier l’évolution des usages des produits phytosanitaires dans le cadre du plan Ecophyto, deux indicateurs ont été définis : le NODU et le QSA.

Tout d’abord, rappelons qu’un produit phytosanitaire est composé d’une ou plusieurs substances actives, d’un diluant ou solvant, et d’adjuvants (substances dépourvues d’activité biologique mais qui modifient la qualité et la facilité d’utilisation du produit). Compte-tenu des préoccupations sociétales concernant l’impact des produits phyto sur la santé et sur l’environnement, le plan Ecophyto s’attache au suivi des substances actives.

À noter : si le produit phytosanitaire dépend des normes françaises, la substance active, elle, répond aux règles européennes.

Le QSA correspond à la Quantité de Substances Actives vendues en France. Cet indicateur permet d’effectuer un suivi simplifié de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cependant, il est susceptible de masquer la réalité compte-tenu des arrivées de nouvelles substances actives efficaces à des doses plus faibles.

Le NODU, appelé ainsi pour NOmbre de Doses Unités, a été construit de façon à s’affranchir des éventuelles substitutions liées aux progrès de la recherche des entreprises pharmaceutiques. Le NODU est calculé par le rapport entre la quantité vendue d’une substance (QSA, mesurée en kg) et la dose unité de cette substance (en kg/ha).

Ainsi, rapporté à la SAU (Surface Agricole Utile), le NODU permet de déterminer le nombre moyen de traitements par hectare, tandis que le QSA donne la quantité de substance active vendue. L’importance de connaître l’indicateur utilisé est illustrée par notre exemple actuel : la FNH a calculé le NODU à partir des données brutes d’Agreste, tandis que ses contestataires se sont basés sur le QSA.

Dit en clair, les données d’Agreste nous apprennent que la quantité de substances actives vendues en France a diminué de 36 % entre 2008 et 2019, tandis que le nombre moyen de traitements par hectare a augmenté de 25 % sur la même période. On comprend alors que ces deux informations sont compatibles.

Sachant qu’entrent également dans ces calculs : les biocontrôles et plus généralement tous les produits de traitement homologués pour l’agriculture biologique, et que ces produits sont moins dosés, souvent plus lourds et qu’ils nécessitent plusieurs passages ; il est normal que le NODU augmente.

Une polémique inutile ?

La question que Jean-Paul Pelras pose dans sa tribune est légitime : les médias sont-ils en train de précipiter le déclin de l’agriculture française ? À force de relayer des sujets qu’ils ne maîtrisent pas et de ne pas vérifier les informations au préalable, certains journalistes contribuent à créer des polémiques qui n’ont pas lieu d’être. L’agriculture est un sujet suffisamment entravé de méconnaissances pour que les médias ne le plombent pas encore avec de la désinformation. À quand la fin des copier-coller de l’article du voisin ? Nous avons grand besoin d’une information fiable et complète, en particulier pour ce sujet intrinsèquement complexe qu’est l’agriculture.

Fondation Nicolas Hulot. Réduction des pesticides en France : pourquoi un tel échec ? 09/02/2021.

Le Point. Les faux chiffres de la Fondation Nicolas Hulot. 10/02/2021.

L’Opinion. Pesticides : les étranges petits calculs de la Fondation Hulot. 09/02/2021.

Ministère de l’Agriculture et de l'Alimentation. Ventes de produits phytopharmaceutiques pour l’année 2019. 01/02/2021.

Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Qu’est-ce que le NODU ? 07/01/2020.

Le Point. Les médias sont-ils en train de précipiter le déclin de l’agriculture française ? 11/02/2021.

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