Depuis plusieurs années les plans de soutien à l’agriculture se sont succédé et ont tous lamentablement échoué. Pour preuve : la crise que nous vivons aujourd’hui est d’une gravité sans précédent et elle se généralise à la plupart des secteurs de l’agriculture. Ainsi, même en grandes cultures, secteur pourtant considéré comme « très favorisé » par la PAC, certains agriculteurs n'ont pas eu de revenus depuis 4 ans !

Les agriculteurs français sont pris en étau et aujourd’hui nous assistons impuissants à la FAILLITE de l’agriculture française, principal secteur productif français sur lequel repose l’agro-alimentaire, considéré comme l’un des fleurons de notre économie.

Il est indispensable de prendre toutes les mesures possibles pour éviter ce naufrage, en mobilisant la solidarité nationale à travers l’État lui-même, mais aussi celle de l’ensemble des acteurs gravitant autour de l’agriculture (banques, coopératives, assurances, MSA, consommateurs, etc.) : seul un véritable élan national pourra sauver les agriculteurs et avec eux, l’ensemble de l’économie française !

Plutôt que de s’en tenir à faciliter la reconversion et la retraite anticipée des exploitants, comme le font tristement certaines organisations agricoles, la Coordination Rurale souhaite que, au-delà des mesures d’urgence, des mesures structurelles soient prises rapidement pour redonner un nouveau souffle à notre agriculture, restaurer la confiance des agriculteurs en l’avenir et faire cesser leur disparition, parfois dramatique.

Ainsi, alors que les ministres de l’agriculture européens se réunissent pour échanger sur l’avenir de la Politique agricole commune, la position de la Coordination Rurale est claire : nous réclamons une réorientation de la PAC ! Il est indispensable de revenir aux fondamentaux pour assurer l'autosuffisance alimentaire de l’Europe et surtout offrir des débouchés rémunérateurs à nos agriculteurs.

Mesures financières d’urgence

Afin de soutenir efficacement les agriculteurs, la Coordination Rurale demande à l’État la mise en œuvre immédiate des mesures-phares suivantes :

  • 500 € de subvention par hectare, attribués par les DDT et avancés par les banques, en dehors du dispositif de minimis et directement à l’agriculteur ;
  • financement d’un plan de sauvetage national de l’agriculture avec la mise en place d’un grand emprunt d’État comme dernièrement pour la souscription de capital d’Areva à hauteur de 5 milliards d’euros, ou d’un apport de fonds européens et français comme pour le plan de sauvetage des banques ;
  • affranchissement total pour les aides aux agriculteurs du plafond de minimis de 15 000 € sur 3 ans glissants, ainsi que du plafond national de 722 millions d’euros, en invoquant les exceptions de l’article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) permettant de rendre compatible les aides d’État avec le marché intérieur européen en cas de dommages causés par les calamités naturelles et en cas de perturbation grave de l’économie d’un État membre.
  • prêts de trésorerie au taux de 0 %, avec prise en charge des intérêts par l’État et les banques et cautionnement par Unigrains et Sofiprotéol (structures financières agro-industrielles alimentée par des CVO prélevées aux agriculteurs)
  • paiement dans les plus brefs délais des aides de la PAC (solde 2015 et 2016).
 

Pour ne pas gréver plus encore la trésorerie des exploitations, il nous apparaît indispensable de les assortir de mesures complémentaires d’allègement des charges :

  • année blanche pour les remboursements d’emprunts, avec report en fin de tableau (capital + intérêts), sans frais pour l’agriculteur et prise en charge par l’État et les banques (qui avaient elles-mêmes été bénéficiaires d’un grand plan de sauvetage payé par le contribuable) ;
  • exonération durant 12 mois des frais bancaires en cas d'irrégularités de paiement ;
  • exonération totale du paiement des cotisations MSA (et non un simple report du paiement), sans perte des droits à la retraite, avec financement par le régime général (solidarité nationale) ;
  • exonération totale de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB) ;
  • sortie de l’assiette d’imposition des indemnisations pour les dommages causés aux récoltes et pour perte d’éléments de l’actif immobilisé ;
  • un moratoire sur toutes les taxes et CVO, pour les régions touchées par les fortes baisses de rendement, prélevées sur nos livraisons de grains par les organismes collecteurs.
 

Mesures réglementaires et administratives

Au quotidien, les agriculteurs font face à de nombreuses contraintes administratives, à la fois lourdes et coûteuses en termes de mise en place. Dans le contexte actuel, une certaine « souplesse » nous semble indispensable. Aussi, nous demandons à l’État de revoir certains dispositifs réglementaires et administratifs, avec en outre une attention particulière pour les agriculteurs les plus récemment installés :

  • la mise en suspens des contrôles PAC et Directive Nitrates ;
  • une dérogation généralisée (et pas seulement des dérogations au cas par cas, limitées aux communes touchées par les intempéries) à l’obligation d’implanter des CIPAN, laissant à chaque agriculteur le soin d’en juger la faisabilité et l’utilité, notamment vu les conditions de sécheresse extrême qui ont succédé à l’excès de précipitations ;
  • la libéralisation du commerce des grains permettant aux producteurs de vendre leurs récoltes à qui ils le souhaitent et particulièrement aux éleveurs qui sont intéressés par un fort taux de protéines (sans obligation de passer par un organisme collecteur ou de créer une SARL à cette fin) ;
  • la suppression de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) ;
  • l’exonération des redevances sur l’eau d’irrigation prélevées par les agences de bassin, qui se justifient d’autant moins que les réserves sont très abondantes ;
  • le maintien des zones défavorisées actuelles, pour ne pas pénaliser davantage les agriculteurs des zones intermédiaires et peu productives par une suppression de l’ICHN (et ce d’autant plus que la PHAE y a été intégrée et qu’elle disparaîtra alors également).
 

Mesures de « solidarité » des partenaires de l’agriculture

Véritable fleuron de notre économie, l’agriculture est l’affaire de tous ! La solidarité doit donc être de mise pour permettre à ce secteur de se redresser et tous les acteurs gravitant autour de l’agriculture doivent aujourd’hui jouer la carte de la solidarité. Ainsi, les interprofessions, coopératives et organismes collecteurs doivent eux aussi contribuer à la gestion de la crise avec :

  • la mise en place d’une bonification (alors qu’il n’existe aujourd’hui que des grilles de réfaction) afin de valoriser les protéines dans les grains ;
  • l’assouplissement des conditions de paiement des intrants : au-delà de la date limite de paiement, abaisser au maximum le taux d’intérêt de retard ;
  • la revalorisation des prix d’achat des grains (notamment dans les contrats basés sur les marchés à terme, baisse du différentiel trop élevé entre la base et la cotation marché à terme) ;
  • le maintien du taux d’huile de base à 40 % pour l’établissement du prix de référence du colza, au lieu des 42 % souhaités par Avril ;
  • la rétrocession aux agriculteurs des bonifications « huile » pour colza et tournesol (habituellement conservées par les organismes collecteurs pour gonfler leurs marges) ;
  • pas de hausse des frais de collecte par les organismes collecteurs, sous prétexte d’une baisse importante du volume collecté ;
  • pour les jeunes installés aidés : la réalisation par les Chambres à titre gracieux des éventuels avenants aux PDE ou PE rendus nécessaires par la conjoncture

Dans le cas des grandes cultures, il est souvent reproché aux agriculteurs de ne pas s'assurer face aux aléas climatiques. Si près de 75 % des agriculteurs assurables ne le sont pas, c'est qu'il y a un souci… Certes, dans un contexte de restriction des charges, cela fait une facture de moins à payer, mais ce n'est pas tout ! Bon nombre d'agriculteurs étaient au préalable assurés, mais en cas de besoin, n'étaient pas indemnisés (franchises, seuil de pertes...), par conséquent, pourquoi continuer à payer ?

Au lieu de leur jeter la pierre, les assureurs, doivent se montrer solidaires des agriculteurs, et en particulier de leurs assurés, à travers les mesures suivantes :

  • indemniser la perte de rendement réelle, constatée après récolte, plutôt que baser l’indemnisation sur l’estimation effectuée par l’expert avant la récolte ;
  • à titre exceptionnel, indemniser les pertes de rendement dues aux maladies ;
  • ne pas augmenter le tarif des primes d’assurance sur les campagnes suivantes.
 

Apprenons de cette crise : mettons en place des mesures structurelles de prévention !

La situation catastrophique dans laquelle se trouve l’agriculture doit faire comprendre à nos décisionnaires que d’importantes mesures structurelles sont à adopter rapidement. La Politique agricole commune telle qu’elle est menée depuis plusieurs années nous mène droit dans le mur, c’est pourquoi la Coordination Rurale demande au gouvernement de prendre les mesures suivantes :

  • mettre en place une TVA sociale en agriculture, en éliminant les charges sociales des exploitants et des salariés de l’agriculture, pour les compenser par une augmentation de la TVA sur les produits consommés, hausse qui sera entièrement affectée au financement de la protection sociale agricole (en déficit chronique et générant donc des charges sociales très lourdes, qui grèvent la compétitivité des produits agricoles) ;
  • simplifier la DPA (dotation pour aléas, à rendre proportionnelle à la moyenne de l’EBE), sans contrainte de cumul avec la DPI (dotation pour investissement) ni obligation de dépôt sur un compte bancaire bloqué, avec libre-choix des exercices de réintégration de cette épargne et suppression des pénalités liées à cette réintégration ;
  • exiger des autres partenaires européens la réorientation immédiate de la PAC vers une véritable politique agricole et alimentaire assurant l’autosuffisance alimentaire de l’Europe, à travers la régulation des productions et la protection des marchés face aux perturbations mondiales (et non une gestion des risques elle-même hasardeuse, inefficace et très coûteuse).

Au-delà de ces mesures « nationales », la Coordination Rurale demande également la mise en place du principe d’exception agriculturelle à l’OMC et d’exclusion de l’agriculture des accords de libre-échange afin de sortir l’agriculture des marchandages pénalisants du commerce international.

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