Dès 2008, la CR a participé activement aux discussions au sujet d’Ecophyto 2018 et avait transmis sa contribution écrite au groupe de travail. Hélas, la plupart de ses propositions de bon sens et simples d’application n’ont pas retenu l’attention des décideurs.

La CR estime que les agriculteurs sont demandeurs dans le projet de réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, car les prix de ces produits sont élevés et leur application représente donc des charges importantes pour les producteurs. Toutefois, il ne s’agit pas de prendre des risques inconsidérés sur le plan économique, qui pourraient avoir de graves répercussions pour notre sécurité alimentaire, qu’il s’agit en premier lieu d’assurer. Les produits phytopharmaceutiques contribuent largement à l’obtention et à la sécurisation des rendements agricoles et de la qualité sanitaire des produits, donc à la formation du revenu des agriculteurs.

Pour la CR, l’objectif est de revoir profondément l’approche de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en agriculture. C’est dans cet esprit que peut être réduite la consommation sans chercher à procéder à des mesures trop restrictives qui pourraient s’avérer très pénalisantes. Les conditions climatiques, en particulier en 2007 ont été riches en enseignements : ce sont alors les nombreux traitements fongicides qui ont permis de sauver les récoltes de raisin, tomate et pomme de terre. Voici les propositions faites par la CR pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires :

Interdiction ou contrôle de la publicité sur les pesticides

Les produits phytopharmaceutiques (PPP) sont inscrits sur des tableaux de toxicologie comme les médicaments, pour lesquels la publicité est contrôlée par l’AFSSA (aujourd’hui AFFSET). Il est évident que la publicité incite à la consommation. Dans les revues professionnelles, de nombreuses pages sont consacrées à la publicité sur les PPP. On rencontre également des affiches apposées sur les panneaux publicitaires dans les communes rurales. La publicité existe aussi sous d’autres formes : stylos, casquettes, bloc notes... Les firmes font enfin du sponsoring au niveau de structures associatives ou techniques agricoles. La CR souhaite donc un contrôle efficace, voire une interdiction de la publicité au profit d’espaces de communication objective et informative.

Recadrage des missions des SRPV pour un conseil étendu et gratuit auprès de l’ensemble des agriculteurs

La protection des végétaux est un service public. Les conseils promulgués par ses responsables sont donc censés être indépendants de toute considération économique. Alors que certaines régions avaient mis en place un service payant d’abonnement au bulletin d’Avertissements agricoles qui, de fait, en restreignait la diffusion, la CR a demandé et obtenu la diffusion de Bulletins régionaux de Santé du Végétal dont elle a souligné l’importance qu’ils conservent leur caractère objectif (indépendamment de toute considération économique), largement diffusé (internet, mail, fax) et de service public gratuit pour l’ensemble des agriculteurs conformément à l’esprit du Grenelle.

Les agents de la protection des végétaux consacrent une partie de leur temps à des contrôles de conditionnalité des aides. Pour la CR, ils seraient beaucoup plus efficaces en termes de réduction de phytosanitaires ou de protection de l’environnement en passant ce temps à leur mission d’origine : la surveillance des cultures et les conseils aux agriculteurs. La mission d’épidémio-surveillance, mission de service public auparavant assurée par les Services régionaux de la protection des végétaux (SRPV), a été déléguée à un réseau de structures régionales en cours de constitution et dont le financement serait assuré par une taxe appliquée sur les produits phytosanitaires, et donc payée par les agriculteurs « conventionnels ». D’une part, cela ne correspond absolument pas à notre conception de gratuité du service public et ce désengagement de l’Etat est en pleine contradiction avec l’esprit du Grenelle. Par ailleurs, il est aberrant de constater que les agriculteurs biologistes et les exportateurs profiteront pleinement de ce nouvel outil auquel ils n’ont pas participé. Quant au débat existant entre les structures impliquées dans le futur réseau d’épidémio-surveillance sur le droit de propriété quant à telle ou telle observation, la CR estime que l’éthique doit se substituer à cette question. Il est prévu que le montant de cette redevance atteigne 120 millions d’euros en 2010/2011. Pour mémoire, l’ancienne TGAP sur les phytos payée par les firmes et qu’elle remplacerait,  n’a jamais dépassé les 43 millions d’euros. Cette inflation très forte nous semble disproportionnée et décalée par rapport à la situation des agriculteurs aujourd’hui. En outre, tout achat de produits phytos réalisé hors de France échappe à cette redevance. Aux mesures de baisses des aides et aux taxes, viennent ainsi s’ajouter les distorsions de concurrence avec nos collègues européens. La CR s’est toujours opposée à une fiscalisation sur la vente des produits phytos (TGAP ou redevances) pour plusieurs raisons :
  • l’utilisation de ces produits est homologuée par les pouvoirs publics qui sont donc mal venus de les taxer ensuite sous prétexte qu’ils seraient nocifs. ces mesures fiscales nationales entraînent des distorsions de concurrence,
  • le principe même de cette fiscalisation « bête et méchante » de la vente des produits phytos, résonne comme un aveu d’échec de mise en place de solutions alternatives,
  • l’utilisation des produits de cette fiscalité est très critiquable.

Pour la CR, la baisse du recours aux produits phytos et la suppression massive de nombreuses matières actives diminuent d’autant les solutions en cas de problème sanitaire sur les cultures, et aggrave les risques de dégâts. Plutôt qu’augmenter la redevance payée par les agriculteurs pour financer le plan français d’épidémio-surveillance, la CR souhaite que l’on étudie les possibilités de financement par l’UE.

Comme le souhaitait la CR, le problème des résistances aux produits phytos sera intégrée aux protocoles de surveillance et les espèces exotiques envahissantes seront surveillées de manière spécifique. La CR soutient ainsi la proposition de créer un « Interpol » de l’épidémio-vigilance végétale. Pour anticiper les crises, il faut connaître les bio-agresseurs, pas forcément classés comme organisme nuisible dans leur pays d’origine, mais qui le deviennent en Europe si leurs prédateurs n’existent pas (le charançon rouge du palmier en est un exemple).

Rupture de toute relation entre les instituts techniques et les firmes

Les instituts techniques doivent avoir une approche neutre et désintéressée. Leurs travaux et de surcroît leurs résultats ne doivent pas être influencés par le lobbying des firmes.

Informations sur les réductions de doses

Les firmes et les autorités compétentes doivent communiquer leurs connaissances sur les possibilités de réduction de doses et apporter des modifications au niveau des AMM (exemple du glyphosate pour lequel les doses d’utilisation ont fortement diminué au fil des années). Dans ce même esprit, il faut réhabiliter la technique des réductions de doses mise à mal par la réglementation sur les mélanges de produits phytos.

Mutation d’une distribution incitative aux achats précoces de produits phytos, donc à leur utilisation préventive, vers une distribution basée sur l’observation des parasitismes ou leurs très probables apparitions

A quoi servirait de réglementer le conseil et la formation si les ventes de produits phytos aux utilisateurs continuent d’être promotionnées entre les mois d’octobre et décembre à travers les fameuses ventes de « morte saison » ?

Un conditionnement adapté aux différentes utilisations

Certains produits phytosanitaires, notamment les produits de traitement des semences, sont proposés par les firmes en conditionnements trop importants par rapport aux besoins des agriculteurs. Il serait préférable que les agriculteurs puissent bénéficier de conditionnements qui correspondent à leurs utilisations, au lieu de les forcer à acheter une quantité trop importante qui ne sera utilisée que sur plusieurs années et dont une proportion risque d’être perdue si une des matières actives vient à être retirée du marché (PPNU).

Obligation de mises en œuvre des innovations

La rétention pour des raisons marketing d’innovations portant sur des formulations ou des produits phytos moins dangereux prive les agriculteurs d’alternatives qualitatives aux produits phytos plus anciens. Il est également arrivé à des industries de l’agrochimie de ne pas mettre en œuvre une innovation favorable à l’environnement sur un produit tant que le brevet protégeant le produit en l’état actuel n’est pas échu. Tout cela pour rallonger la durée de protection potentielle du produit. Si ce sujet n’influe pas sur la réduction d’utilisation des produits phytos, il agit tout de même sur la quantité des résidus. Cette notion de mise en œuvre des innovations n’est d’ailleurs pas prévue dans Ecophyto 2018 qui vise exclusivement une réduction de 50 % sans envisager qu’à un volume égal d’utilisation de produits phytos présentant une plus grande innocuité, les objectifs de santé publique et d’environnement pourraient également être atteints.

Usages mineurs

De nombreuses petites cultures sont dites « orphelines » car elles ne bénéficient d’aucun produit  homologué. Cette question doit être réglée afin que les producteurs ne se retrouvent pas sans aucune possibilité d’utilisation d’herbicides ou autres produits sur ces cultures. Elles représentent une faible surface et donc de très faibles quantités de produits phytos, compte tenu que par manque de sélectivité des produits sur ces plantes, les agriculteurs sont contraints d’avoir recours à de faibles doses de produits.

Améliorer et accroître la recherche publique

Une implication volontariste de l’Etat est nécessaire pour que les alternatives ne dépendent pas exclusivement des intérêts commerciaux de l’industrie.

Réorienter la sélection variétale vers des variétés plus résistantes

La réglementation sur l’inscription variétale doit prendre plus en compte la résistance aux maladies ou la vigueur du développement végétatif dans le cadre de la compétitivité avec les adventices, quitte à être moins exigeant sur des critères comme l’homogénéité variétale ou sa stabilité. En arboriculture, le fait que certaines nouvelles variétés de pommes résistantes à la tavelure, comme Ariane - dont, de surcroît l’obtenteur est Agri Obtentions, donc l’INRA - soient réservées à une élite au sein de clubs fermés, est pour la CR tout à fait inacceptable.

Développer les cultures de mélanges variétaux pour régulariser les rendements à moindre coût, selon les travaux de l’INRA

D’après des travaux menés par l’INRA (pôle « Epidémiologie végétale et écologie des populations », département de Biologie de l’INRA-AgroParis Tech), malheureusement trop peu connus et divulgués, la technique de l’association de variétés en céréales à pailles permet de réduire fortement les applications de fongicides. Le principe de cette pratique ancestrale est simple : il s’agit d’associer en culture différentes variétés ayant des points communs comme la précocité, la hauteur des pailles et la résistance à la verse. Ces variétés mélangées présentent des résistances ou des sensibilités différentes selon les souches de rouille qui se propagent. Les plantes résistantes forment des barrières qui limitent la propagation des spores, de plus, elles développent des réactions immunitaires qui les protègent d’attaques ultérieures d’autres souches auxquelles elles seraient spontanément sensibles.

Les résultats sont significatifs : les performances de l’association sont supérieures à la moyenne des variétés cultivées séparément, que ce soit en termes de résistance aux maladies, rendement ou teneur en protéines. Le bon état sanitaire permet effectivement une meilleure valorisation de l’azote. Il faudrait donc encourager le développement de cette pratique, autorisée par la réglementation européenne, dans un contexte de réduction de l’utilisation des fongicides. C’est maintenant à chaque Etat-membre de lever les obstacles à son utilisation sur son territoire. Il existe cependant de fortes résistances du côté des semenciers, que les instituts techniques et les Chambres d’agricultures ne semblent pas prêts d’outrepasser.

Favoriser certaines pratiques fermières

L’utilisation des semences fermières

Les semences fermières sont moins traitées que les semences commerciales et même parfois pas du tout traitées. Les firmes semencières, à la fois pour ne pas prendre de risque mais également pour couvrir les problèmes présents dans l’ensemble des régions, offrent une protection unique mais très complète avec plusieurs molécules utilisées dans l’enrobage des semences. La CNDSF a, par ses études, montré que 41 % des semences certifiées sont traitées avec un insecticide contre seulement 17 % en semences fermières (source : Semences et Progrès et STAFF), et que le taux actuel d’utilisation de semences fermières permet d’économiser 400 tonnes d’insecticides par an. Une grande majorité des agriculteurs a donc recours à l’utilisation de semences fermières. Dans un souci d’économie et par rapport aux risques sanitaires de leurs zones, ils utilisent des traitements avec uniquement les molécules nécessaires, voire ne traitent pas du tout en cas de risque nul.

En toute objectivité, la semence de ferme consomme moins de produits phytos que la semence certifiée ramenée au quintal de semence. Si l’on retourne le problème, la semence certifiée "sur consomme" des produits phytosanitaires par rapport au réel besoin agronomique. Par exemple, comment expliquer que la principale station de production de semences du Nord de la France, qui produit 15 000 tonnes de semences certifiées, vend 80 % de ses semences en traitement Austral. L’emploi de cet insecticide est préconisé pour un semis de blé après une culture de betterave, alors qu'il n'y a que 15 % à 20 % de betteraves dans l'assolement régional. Les trieurs à façon dans cette région ne traitent à l'Austral que 25 à 30 % des blés à la ferme, ce qui est déjà plus conforme aux besoins réels. En revanche, avec 80 % de traitement insecticide pour une station de semences, cela signifie que les 3/4 de ces 80 % sont traités inutilement, sans aucune justification agronomique. Il s’agit d’une politique déraisonnée qui laisse toute la place au « systématique ». Si les 6 millions d’hectares de semences certifiées vendues basculaient en semence de ferme, il y aurait une économie potentielle d'environ 600 tonnes d'insecticides. Dans cet esprit, il faudrait fixer aux stations semencières un objectif chiffré de réduction de produits incorporés à la semence pour 2018.

Le stockage des grains à la ferme

Contrairement aux grands silos qui généralement appliquent de manière systématique des insecticides pour la conservation des récoltes, les agriculteurs stockeurs utilisent ces insecticides uniquement en présence de parasites, en privilégiant d’abord le refroidissement par ventilation. Pour des lots qui ne sont pas destinés à l’export, il est inutile de traiter de manière préventive ; le stockage à la ferme permet donc de limiter le recours aux insecticides des grains stockés.

Rotations culturales

Il est certain qu’avec un meilleur assolement agronomique, il serait possible de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires en grandes cultures. Les différentes PAC, répondant aux exigences des accords commerciaux internationaux, ont incité à la spécialisation de la culture des céréales en Europe. Les cultures d’oléoprotéagineux et de la luzerne ont été délaissées, car non rentables, au profit d’importations de soja et tourteaux. La situation actuelle du marché des céréales fait craindre pour l’avenir une nouvelle augmentation des surfaces en blé, cette fois aux dépens du maïs. Si l’Union européenne rééquilibrait son assolement en fonction des besoins de son marché, cela ne pourrait qu’aller dans le sens d’une réduction des produits phytos. Jusqu’à maintenant, la logique du libre échange a incité à la spécialisation dans la culture la plus compétitive à l’export ; il est à espérer qu’avec les tensions sur les marchés mondiaux, l’UE revoie sa politique agricole.

Solutions alternatives de désherbage mécanique

Les nouvelles technologies sont prometteuses mais, pour le moment elles sont très chères et manquent d’efficacité : capteurs optiques de guidages sur les rangs, guidage des tracteurs par GPS. Ce sont généralement des PME qui s’investissent dans ce secteur ; un effort de la recherche publique devrait être fait car les progrès à réaliser sont d’un immense intérêt commun. Le désherbage mécanique classique n’a pas été favorisé dans la conjoncture actuelle : manque de main d’œuvre agricole, diminution du nombre des exploitations et par voie de conséquence, augmentation de la surface moyenne des structures. Donc des agriculteurs saturés de travail…

Les instituts techniques n’ont jamais fait la promotion des techniques de binage. Il nous semble qu’avec des aides à l’investissement à l’achat de bineuses, il devrait être possible d’augmenter sensiblement les surfaces binées en cultures en lignes et ainsi développer parallèlement le désherbage chimique localisé sur le rang. Dans certains secteurs de productions, ces pratiques sont de fait plus répandues, par exemple en plantes aromatiques ou médicinales où il n’existe que très peu de matières actives sélectives ou homologuées, et bien évidemment dans toute l’agriculture biologique. Les techniques de désherbage mécaniques ont été occultées des études sur les pratiques alternatives. Or c’est dans ce domaine qu’il y a le plus de recherches à faire et de techniques à vulgariser si l’on veut que le désherbage mécanique se substitue largement aux utilisations d’herbicides.

Pratique des couverts végétaux et des TCS

Des agriculteurs de plus en plus nombreux ont modifié leur approche du travail du sol et utilisent les techniques culturales simplifiées (TCS) dans le but de mieux respecter leurs sols, d’économiser du temps de travail, de l’énergie et du matériel. Vis-à-vis de l’érosion, de la vie microbienne et du bilan carbone ces techniques apportent des avantages incontestables. Les agriculteurs qui maîtrisent bien ces techniques assurent ne pas être confrontés à des problèmes spécifiques d’enherbement et donc ne pas avoir recours à un emploi plus important d’herbicides qu’avec les techniques faisant appel au labour.

La gestion des intercultures en TCS avec un couvert végétal est une pratique fréquente, amélioratrice de la qualité biologique des sols et de leur stabilité, qui permet une meilleure maîtrise de la flore indésirable mais se pose le problème de la destruction de ce couvert qui est généralement résolu par l’application de glyphosate. Il conviendrait de développer et soutenir les expérimentations de couverts adaptés aux régions, aux sols et au climat qui s’autodétruiraient ou qui seraient destructibles mécaniquement au moment où ils deviennent nocifs pour le développement de la culture implantée. Dans ce domaine aussi les expériences des agriculteurs existent, sont précieuses mais ne sont pas exploitées ni soutenues par les instituts techniques et les organismes chargés de développement agricole.

Recherche d’adjuvants qui améliorent l’efficacité des produits en fonction de la qualité des différentes eaux

Il circule dans les campagnes de nombreuses recettes non officielles de réduction des doses de produits. Les agriculteurs entendent parler de correction du pH de l’eau des cuves de pulvérisateurs, d’addition d’eau de javel, ou de sulfate d’ammoniaque… Ces pratiques devraient être vérifiées sur le plan scientifique et divulguées si elles permettent effectivement de réduire les doses sans faire perdre d’efficacité au traitement.

Adapter les taxes, contraintes et délais administratifs aux demandes d’AMM portant sur des alternatives

Tout produit, y compris le plus naturel, doit faire l’objet d’une AMM dès lors qu’il a un effet phytosanitaire (polémique récente sur le purin d’ortie ). Cette obligation ne doit pas être un frein à la substitution des produits phytos de synthèse par des substances naturelles.

Nombre de molécules

Pour réduire l’utilisation des produits phytos, les pouvoirs publics peuvent être tentés par une mesure facile à mettre en œuvre : le retrait de nombreuses molécules (déjà largement effectif depuis le Grenelle). L’industrie découvre de moins en moins de nouvelles molécules qui répondent aux exigences actuelles. Réduire le nombre de molécules reviendrait à :

  • réduire le nombre d’outils à la portée des agriculteurs,
  • utiliser plus fréquemment les mêmes molécules avec un risque accru d’apparition de résistances,
  • augmenter de manière quantitative la présence de résidus des molécules encore plus utilisées.

Le retrait de molécules pour lesquelles il n’y a pas de problème particulier, n’est donc pas une solution pour limiter l’utilisation des produits phytos. La CR tient à signaler que des molécules sont parfois retirées, tout simplement parce qu’elles sont sorties de la période de protection des brevets et perdent de leur attrait rémunérateur pour la firme qui les détenait.

Les démarches volontaires fondées sur la réglementation

Il faut arrêter d’envoyer une multitude d’informations difficiles à saisir pour le consommateur. A ce titre les chartes qui ne vont pas au-delà du respect des obligations réglementaires en matières d’utilisation de produits phytosanitaires ne valorisent pas le métier d’agriculteur. De même, les citoyens ne sont pas demandeurs en matière de certification des exploitations agricoles (comme la certification HVE).

Indicateurs relatifs à l’utilisation des produits phytos

Les masses de matières actives divisées par la dose homologuée et segmentées par usage des produits ou classes de toxicité, peuvent être un bon indicateur national. La CR accepte l’idée d’une mise en place d’IFT (indice de fréquence de traitement) régionaux ou départementaux pour les grandes cultures qui seraient déterminés par enquêtes statistiques.

Par contre, elle a déjà fait part de son opposition à la mise en place d’un IFT individuel tel que cela est mis en place dans le cadre de certification environnementale (HVE) des exploitations agricoles. En effet, il est fréquent de rater un traitement (orage inattendu…) et de devoir le refaire ultérieurement. Pour ces raisons, l’IFT semble inapplicable en maraîchage et arboriculture. La CR étant un vrai syndicat d’agriculteurs, elle affirme qu’ils ne supporteraient pas qu’on leur impose une limite arbitraire du nombre de traitements, sans compter le caractère ingérable de la mise en place de telles limites individuelles. Concernant le niveau 3 de la HVE, les indicateurs « approche globale » (pourcentage de SAU en infrastructure agro-écologiques) et « poids des intrants dans le chiffre d’affaires » (qui dépend largement du prix de ces intrants et ne reflète pas nécessairement l’évolution de leur utilisation effective) sont tout à fait inadaptés à la réalité technique et économique des agriculteurs. Il est absurde de vouloir faire rentrer tout le monde dans un moule sans considérer les contraintes locales et l’évolution du contexte économique. Hélas, c’est ce qui explique bien souvent l’échec des politiques environnementales mises en place jusqu’alors.

Information au voisinage avant pulvérisation

Bien que n’influant pas directement sur les réductions d’utilisation de produits phytos, cette information au voisinage avant utilisation pourrait devenir obligatoire et liée à l’AMM, s’agissant des exigences relatives à l’utilisation d’un produit phyto. Apparemment socialement correcte, sa mise en œuvre apparaît difficilement réalisable et son omission serait susceptible de transformer les campagnes en espaces de combats judiciaires. L’exigence n’étant limitée qu’à certains PPP et non à tous les produits, les utilisateurs pourraient se voir harcelés par leurs voisins désireux de savoir si l’étiquette du produit utilisé contient l’obligation en question. De plus, cette contrainte présupposerait une infraction aux dispositions réglementaires relatives aux distances de protection du voisinage et aux précautions contre la dérive lors de la pulvérisation. Il s’agirait donc d’une mesure résultant d’un procès d’intention.

Des fruits et légumes sans défaut toute l’année

Si les consommateurs et les responsables qualité des acheteurs admettaient que le prix à payer pour avoir des pommes sans défaut ou des fraises toute l’année, c’est la multiplication des traitements fongicides et insecticides, les agriculteurs feraient des économies d’intrants et les teneurs en résidus diminueraient. Les mentalités semblent très difficiles à faire bouger sur ce sujet. Des campagnes de communication pourraient être mises en place par l’interprofession, car c’est bien le comportement des consommateurs qu’il s’agit de faire évoluer.

Réduire les utilisations de PPP prescrites par les industries agro-alimentaires

Afin de limiter les réclamations des consommateurs, les industriels des légumes transformés demandent aux agriculteurs de réaliser certains traitements insecticides dont l’objectif n’est pas d’avoir un effet sur le rendement de la parcelle, mais d’éviter certains problèmes visuels minimes sur le plan quantitatif : présence d’une larve dans une boîte de légumes, nécrose ou oxydation modifiant la couleur d’un grain de maïs doux, trou dans un haricot vert à l’issue d’une attaque d’insecte… Des solutions alternatives, telles que les trieurs optiques, existent ; elles demandent à être améliorées pour pouvoir supprimer ces traitements qui deviendraient ainsi superflus.

Prix agricoles

La CR tient à dénoncer et à démonter des affirmations qui commencent à se faire entendre suite aux phases de redressement des prix agricoles (après d’importantes chutes !) que nous avons connues : « la hausse des prix du blé va faire augmenter la consommation de fongicides pour assurer le rendement », « la PAC, avec des prix bas était vertueuse car depuis l’an 2000 la consommation de produits phytosanitaires avait déjà fortement diminué ».

Si les prix des céréales ont augmenté, ils restent inférieurs en monnaie courante à ce qu’ils étaient il y a 20 ans. On ne peut donc pas dire que ces prix sont « trop élevés ». Depuis 1992, cette PAC, en déconnectant les prix agricoles des coûts de production européens, a fait disparaître la moitié des agriculteurs, dévalorisé le métier d’agriculteurs et les emplois dans la production agricole. Cette situation a mené l’agriculture européenne dans une impasse catastrophique et révèle la faillite de cette PAC : la production européenne est déficitaire dans plusieurs secteurs essentiels : sucre, viande bovine, fruits et légumes, et même certaines années céréales. Un tel système de prix bas était inévitablement non viable. Poursuivre dans cette voie reviendrait à marginaliser la production agricole et, pour approvisionner les marchés européens, se fournir sur le marché mondial avec une absence de traçabilité et des risques sanitaires non contrôlés, sans compter les risques de manque d’approvisionnement des populations pour certains produits alimentaires de base. C’est au sein des agricultures pauvres que l’on observe les atteintes les plus fortes sur l’environnement et les plus grands risques sanitaires. C’est, au contraire avec une agriculture riche qu’il est possible de mettre en place des exigences environnementales et sanitaires importantes. Les techniques alternatives à l’utilisation des produits phytosanitaires étant plus coûteuses que la pulvérisation de ces substances, ce n’est donc que dans une politique de soutien des prix agricoles que l’on pourra atteindre l’objectif de 50 % de réduction de l’utilisation des PPP.

Contrôle des pulvérisateurs

La CR s’est opposée par principe aux vérifications périodiques des pulvérisateurs. Le bon sens veut qu’un pulvérisateur ne se contrôle pas tous les 5 ans mais en permanence lors du fonctionnement. Cette mesure n’aura aucun impact ni sur la pollution ni sur les quantités utilisées, car même une irrégularité de débit entre buses ne peut entraîner une infiltration, le sol jouant son effet tampon bien avant que le produit n’atteigne les nappes. Par contre, elle coûtera très cher aux agriculteurs en les poussant à investir dans un nouveau pulvérisateur. Cette mesure présente un côté pervers : un agriculteur équipé d’un pulvérisateur plus moderne ou qui, pour la première fois, investit dans un automoteur, réalisera plus facilement des traitements et donc utilisera plus de produits phytos.

Contraintes dans un objectif d’action sur l’impact

La CR remarque, tout en le déplorant, que l’industrie et hélas certaines organisations agricoles, s’acharnent à vouloir rajouter sans cesse des nouvelles contraintes au niveau de l’exploitation agricole. L’objectif des propositions de mesures sur l’impact sur l’environnement des produits phytos, est de détourner l’attention des matières actives pour ne pas limiter la production, la vente et l’utilisation des produits phytos. La CR tient à préciser qu’elle représente uniquement les agriculteurs et que les industriels ont suffisamment de moyens pour défendre tout seuls leurs positions.

Formation

La CR s’est vigoureusement opposée à l’obligation de détention d’un certificat préalable à l’achat de produits phytosanitaires (Certiphyto). Cette nouvelle contrainte administrative est inacceptable pour les agriculteurs français car elle est méprisante vis-à-vis de leur niveau de technicité.

La formation pour les jeunes doit être réalisée dans les lycées agricoles. Tout jeune qui sort de l’enseignement avec un diplôme agricole de niveau minimum BEP doit pouvoir appliquer des produits phytos en tant que salarié agricole, aide familial ou jeune agriculteur. Nous ne sommes pas d’accord pour des formations obligatoires de type « recyclage » tous les 5 ans ; nous pensons que comme les innovations et les évolutions réglementaires sont permanentes, une information permanente et gratuite doit être diffusée auprès de tous les agriculteurs. Les Chambres d’agriculture semblent être les instances les plus fondées pour rédiger et diffuser vers l’ensemble des agriculteurs des documents qui pourraient se présenter sous forme de fiches à insérer dans un classeur. L’information concernerait les nouveautés et également des rappels pratiques ou réglementaires. Ce type d’information pourrait très rapidement être adressé sous forme de message électronique à tout agriculteur disposant d’un accès à Internet qui en ferait la demande. Pour réduire l’utilisation des produits phytos, l’enseignement le plus important ne consiste pas à former des « pro » de l’application, prêts à mettre en œuvre leur savoir faire dès l’apparition du moindre insecte. L’essentiel de la connaissance des agriculteurs doit être l’agronomie pour faire de la prévention sanitaire et pour savoir mettre en œuvre des méthodes de lutte alternatives aux produits phytos. L’information permanente peut donc également prendre en compte cet aspect. Il faut donc reconnaître les acquis existants chez les agriculteurs déjà installés et leur permettre de faire bénéficier certains de leurs salariés d’une expérience acquise.

Oui aux efforts, à l’observation et à l’expérimentation ; non aux contraintes !

Une étude de l’OCDE publiée en juin 2008 (Les performances environnementales de l’agriculture dans les pays de l’OCDE depuis 1990) montre que la France est le deuxième utilisateur mondial de produits phytos en tonnage total, pratiquement à égalité avec l’Italie en 3e position… mais avec 8.7 millions d’ha cultivés en plus ! Ramené à l’hectare, la France, avec 4,4 kg/ha de substance active se situe en 5e position, loin derrière l’Italie (7,9 kg par hectare), les Pays Bas (9 kg) ou le Royaume-Uni (7,1 kg). L’agriculture espagnole, extensive, en condition sèche sur une grande partie du pays, n’utilise que 2,3 kg/ha, mais pour des rendements nettement plus faibles.

Ainsi, il est bon de relativiser les chiffres qui circulent, en particulier au sujet de l’agriculture, trop souvent accusée d’être la principale responsable des pollutions en France. Les agriculteurs sont intéressés de pouvoir réduire, si possible, de 50 % l’utilisation des produits phytos en 10 ans, car ils n’appliquent pas ces produits par plaisir et, si cela ne porte pas atteinte à leur compétitivité économique au sein de l’UE, ils cherchent à faire des économies d’intrants. Tout comme aux origines de la mise en place de la recherche en agriculture, le travail de découverte de solutions alternatives et de vulgarisation de ces techniques passe par l’observation des pratiques des agriculteurs. Il ne s’agit donc pas d’expliquer, depuis Paris, aux agriculteurs ce qu’ils doivent faire mais bien de comprendre ce que certains d’entre eux font déjà spontanément. Cette réduction représentera un effort sans commune mesure de la profession agricole. En contrepartie, les agriculteurs n’accepteraient pas, si des améliorations sur l’impact ne se font pas suffisamment sentir en 2018, que de nouvelles mesures réglementaires contraignantes leur soient imposées. En fait, il faut payer aujourd’hui les conséquences de 20 années d’immobilisme de la profession agricole sur les produits phytosanitaires. Le syndicalisme officiel, impliqué dans les organisations économiques, proche des firmes, n’a toujours pas réagi pour se démarquer des industriels et fournir aux agriculteurs des propositions singulières. De même, depuis fort longtemps, les Chambres d’agriculture auraient pu, de manière préventive, jouer leur rôle d’information sur ce sujet auprès de l’ensemble des agriculteurs. Il aurait mieux valu « laver le linge sale en famille » avant que toute la société prenne en défaut l’agriculture sur ce dossier des « pesticides agricoles ». Au-delà de la nécessité de la compétitivité économique des agriculteurs, il y a la nécessité alimentaire. Si l’agriculteur a l’obligation d’être compétitif, il a aussi le devoir de nourrir les populations en quantités suffisantes. Cette mission est soudainement revenue au premier plan des préoccupations actuelles, non seulement dans les pays en voie de développement mais aussi en Europe.

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