La réunion de suivi du plan EMAA (Energie, Méthanisation, Autonomie et Azote) s'est tenue au ministère de l'agriculture le 19 février 2015. La Coordination Rurale dresse un bilan réaliste de l'avenir de la méthanisation agricole placée au centre des projets politiques.


L'objectif des 1000 méthaniseurs en 2020 annoncé par les ministres est maintenu. Même si pour l'instant le nombre de projets a du mal à décoller, l'administration avance sur la simplification des dossiers. Il était temps, les agriculteurs en ont bien besoin !


Le problème de la méthanisation en France, c'est qu'on veut suivre les Allemands dans leur course mais qu'on part avec des boulets aux pieds :


- Le coût exorbitant de la normalisation des digestats limite l'exportation de ce fertilisant vers des zones de culture. La diversité de leur composition est un premier frein à la standardisation mais le statut de déchet attribué aux digestats en est le second. Rien n'empêche de définir un produit standard pour les installations agricoles qui produisent essentiellement du digestat à partir de lisier et de fumier.


- Une partie de la population rurale (y compris certains agriculteurs) s'oppose à la mise en place de projets de méthanisation à cause d'un manque de communication autour de ces procédés et de leurs avantages économiques dans les territoires (valorisation de chaleur, recyclage des biodéchets, autonomie électrique). L'image des usines à gaz promue par les installations collectives nuit aux projets à l'échelle de l'exploitation qui sont peu impactants pour les habitants locaux.


- Il y a des incohérences dans la volonté politique du développement du biogaz. D'une part, les graisses d'abattoir sont destinées essentiellement à faire des biocarburants alors que ces graisses sont issues de l'élevage. Leur fort potentiel méthanogène devrait pouvoir améliorer les rendements de production d'énergie à la ferme. En l'état, les processus d'autorisation sont si complexes que les graisses animales vont systématiquement dans les outils industriels.

D'autre part, après la transformation de maïs alimentaire en bioéthanol, on se félicite maintenant d'interdire les sacs plastiques pour les consommateurs sans considérer les conséquences économiques de la forte demande en amidon de maïs pour les remplacer. Tandis que côté méthanisation, la polémique est virulente dès qu'on évoque la possibilité d'introduire le moindre épi de blé dans un digesteur !


- Les banques sont frileuses pour financer la méthanisation vu les montants à investir et l'incertitude des retours sur investissements faute de prix de rachat de l'électricité suffisant. Les tarifs incitatifs et garantis sur la durée sont le meilleur levier pour développer la méthanisation agricole. Aujourd'hui, tous les projets sont pénalisés, y compris ceux des jeunes qui voudraient s'installer et s'assurer un complément de revenu pour la ferme avec la production d'énergie.


- Il y a un manque de professionnalisme chez les entreprises françaises pourvoyeuses de matériel et de service pour la méthanisation. L'offre a besoin d'être structurée et certifiée pour fournir des garanties aux porteurs de projets sur le long terme.


Au final, les méthaniseurs basés sur le système allemand ne s'adaptent pas au modèle français et stagnent économiquement faute de rentabilité. En effet, pour deux projets de taille équivalente, le méthaniseur allemand produira plus de biogaz du fait des matières riches qu'il incorpore.


Pour la CR, l'objectif n'est pas de pouvoir intégrer massivement du maïs dans les méthaniseurs car cela impacterait immanquablement le prix des terres et l'alimentation. Cependant il faut enlever nos boulets en permettant le recours marginal à des céréales pour réguler la production du méthaniseur et distribuer les moyens financiers de manière efficace et équitable :
assouplir les règles, favoriser les projets individuels et pouvoir implanter le biogaz partout en France, pas seulement dans les grandes zones d'activité. Il est urgent de penser le développement du biogaz selon notre propre fonctionnement et exploiter au mieux notre potentiel dans les territoires ruraux pour réellement concilier agriculture, économie, environnement et société.

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