A l'approche des élections présidentielles, les candidats défendent chacun leur programme. La CR a réalisé le programme agricole qu'elle souhaiterait voir défendu par notre futur président de la République.

Ce programme se décline en 5 points principaux. Le deuxième : promouvoir l’indépendance et la sécurité alimentaires de l'Europe.

Pour atteindre cet objectif, la CR propose plusieurs préconisations :

  • Exiger des autres états de l’UE une profonde réforme de la PAC pour la mettre en conformité avec les missions que lui assignent les traités de Rome et de Lisbonne, et ainsi faire face aux défis stratégiques qui se présentent (préférence communautaire, régulation des productions et des marchés à l'échelle européenne, souveraineté alimentaire avec un rééquilibrage des productions vers plus de protéines, prix couvrant les coûts de production dans tous les secteurs, gestion responsable et durable du carbone).
  • Lutter contre la diminution des surfaces agricoles en accordant à l’agriculture l’intérêt économique et stratégique qu’elle mérite.
  • Mettre en place un grand programme de stockage de l'eau pour éviter les conséquences des sécheresses et assurer une meilleure régularité des rendements.
  • Plus globalement, favoriser la prévention des conséquences des aléas climatiques en soutenant les investissements adéquats, plutôt que gérer leurs effets catastrophiques avec de coûteuses assurances privées et des indemnisations (publiques et privées) très limitées.
  • Imposer un moratoire sur la culture d'OGM tant que l’ensemble des risques n’a pas été correctement évalué.
  • Faire cesser immédiatement le risque d’asservissement des agriculteurs en abrogeant la loi qui leur impose de payer des royalties aux semenciers sur le fruit de leur travail.

Réformer la PAC pour répondre aux missions assignées par les traités de Rome et de Lisbonne

La France est un acteur agricole de premier plan au sein de l’Europe et elle doit assumer les responsabilités que lui confère cette place, plutôt que de sans cesse courber l’échine face aux décisions technocratiques et dogmatiques de la Commission européenne. Qui aurait pu, dans les années 80, imaginer que des décisions européennes soient prises en matière d’agriculture sans le consentement du premier pays agricole européen ?

C’est à la France qu’il incombe de dénoncer les échecs de la PAC dans les missions qui lui étaient assignées par les traités, et à qui il revient de faire partager ce constat d'échec pour engager une réflexion commune  afin de revenir à leurs fondamentaux.

Article 39 du Traité de Lisbonne, qui n’est qu’une reprise de celui de Rome

  1. La politique agricole commune a pour but :
  2. d’accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique et en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main d'œuvre ;
  3. d’assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ;
  4. de stabiliser les marchés ;
  5. de garantir la sécurité des approvisionnements ;
  6. d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.


1/ Au niveau de la productivité, l’agriculture n’a pas à rougir car la croissance a été forte depuis les années 60, et ce bien plus que dans l’industrie, en particulier l’industrie agro-alimentaire. Hélas, la stagnation depuis la fin des années 90 est nette. Serait-ce là un des effets de la réforme de la PAC de 1992 ? En tout cas, on ne peut pas dire qu’elle a initié une dynamique nouvelle en termes de gains de productivité pour l’agriculture.

Pour consulter le graphique sur la productivité globale entre 1978 et 2004, cliquer ici.

2/ La courbe de l’évolution du revenu agricole montre à l’évidence que le niveau de vie des agriculteurs n’est pas équitable. Au contraire, non seulement l’écart n’a cessé de se creuser relativement aux autres secteurs, mais en outre il a baissé en valeur absolue (termes réels) depuis la fin des années 90. Encore un échec de la PAC !

3/ Encore une fois, l’observation de la courbe d’évolution du prix du blé au producteur est criante : depuis le début des années 2000, les fluctuations qui auparavant étaient cantonnées dans un « tunnel » en sont largement sorties pour atteindre des sommets (et des creux !) comparables à ceux connus dans les années 30-40. Le projet de PAC 2014-2020 qui pérennise la gestion des risques plutôt que leur prévention, manifeste la volonté de continuer à laisser-faire stupidement et dangereusement le marché et de se désengager des conséquences désastreuses de ce choix pour les producteurs comme pour les consommateurs.

Pour consulter le graphique sur le prix du blé, cliquer ici.

4/ L’Europe n’est pas auto-suffisante que ce soit pour les seules grandes cultures (75 % de nos protéines végétales pour l’alimentation animale sont importées) ou pour l’ensemble des produits agricoles. Une étude de 2010 de l’Université de Berlin (étude qui jusqu’alors a été ignorée par les responsables agricoles et les pouvoirs publics, mais jamais contestée) chiffre à l’équivalent de la surface agricole française les terres qui nous manquent pour atteindre l’autosuffisance. Dans ces conditions, la garantie des approvisionnements ne peut en aucun cas être assurée et la ponction sur les disponibilités alimentaires des pays tiers est indéniable.
5/ C’est sans doute le point où la PAC a le moins échoué. Il est vrai  que la réforme de 1992 et celles qui ont suivi visaient précisément à fournir de la matière première agricole pas chère pour les industries, sous prétexte de fournir de la nourriture au plus bas prix possible pour le consommateur. Mais lorsqu’on observe l’écart grandissant entre l’évolution des prix à la production et ceux à la consommation, on doit bien admettre que le caractère « raisonnable » n’est plus respecté.

Les grandes lignes du projet de la CR pour une « PAC sous bonne protection »

Cette PAC se fonde sur une préférence communautaire mise en œuvre par des droits de douane variables comme nous l’avons exposé dans la première partie. Ceci pour éviter que la concurrence déloyale et insoutenable, notamment avec les pays d’Amérique du Sud, ne détruise plus encore notre agriculture déjà très mise à mal par 20 ans de dogme libéral, censé améliorer globalement le bien-être des populations. Au vu de la situation actuelle, l’erreur dogmatique est patente quand  plus d’un milliard d’êtres humains souffre dramatiquement de la faim et de l’extrême pauvreté.

La sécurité alimentaire passe obligatoirement par l’autosuffisance alimentaire : vu notre déficit global, nous sommes loin de cette autosuffisance. Il s’agit d’abord de rééquilibrer au mieux nos productions en fonction des besoins des Européens, en commençant par développer nos productions d’oléo-protéagineux et en réduisant d’autant nos productions de céréales. Mais cela n’aura d’effet que si nous mettons aussi en place une régulation effective des productions et des marchés, car il s’agit de donner des signaux positifs aux producteurs avec des prix équitables et stables, régulés par l’offre et couvrant les coûts de production, pour tendre vers cette autosuffisance. Ces prix seraient basés sur celui du blé et interconnectés, pour redonner une cohérence économique globale à l’agriculture et pour que l’agriculteur ne soit pas obligé de gérer sa ferme au jour le jour en fonction des opportunités économiques sans cesse changeantes. La situation actuelle est basée sur cette incertitude permanente ce qui n’incite pas les agriculteurs à retrouver des assolements équilibrés, sur le plan économique mais aussi agronomique, puisque l’obligation de compétitivité les pousse à se spécialiser.

Cet intérêt économique et stratégique donné à l’agriculture endiguera naturellement le gaspillage des surfaces agricoles. Au-delà, il faut absolument mobiliser l’ensemble de la surface agricole européenne pour tendre au mieux à couvrir nos besoins. A cet égard, le projet inique et absurde de la Commission pour la PAC 2014-2020 est une aberration et même un crime contre l’humanité qui a faim, puisqu’il va jusqu’à imposer la mise en réserve écologique de 7 % des surfaces. C’est totalement irresponsable !

Enfin, la régulation des productions et des marchés permettra, outre la sécurisation de l’environnement économique des agriculteurs qui favorise les investissements,  d’éviter de recourir à une coûteuse assurance privée sur le revenu ou à un non moins coûteux fonds de mutualisation et de stabilisation où il faudra obligatoirement cotiser, pour toucher des indemnités dérisoires au regard des pertes économiques engendrées. Cette orientation vers la prévention plutôt que la gestion des risques s’applique également, pour la CR, aux aléas climatiques : il faut donc que les pouvoirs publics favorisent les investissements permettant d’atténuer les conséquences des aléas climatiques : stockage de l’eau, irrigation, para-grêle, etc.

OGM et semences de ferme

L’indépendance et la sécurité alimentaires de l’Europe dépendent non seulement de la quantité, mais aussi de la qualité de ce qui est produit. Ainsi, la CR a toujours estimé que la culture des OGM en plein champ ne devait pas être autorisée en Europe et a fortiori en France, avant d'avoir toutes les garanties sur leur innocuité pour l'environnement et la santé.

Pour le MON810 au sujet duquel le gouvernement a saisi la Commission européenne fin février, les données scientifiques ne permettent pas de lever les doutes, notamment pour ce qui concerne  les effets potentiels liés à la présence de toxines insecticides dans le sol ou dans les cours d'eau. C’est au gouvernement de prendre ses responsabilités en prenant immédiatement une mesure conservatoire d'interdiction de la culture du maïs MON810 sur le territoire français, et ce sans attendre une réponse formelle de la Commission européenne, qui pourrait arriver après le début de la période des semis de maïs.

Sur le fond, la CR rappelle l'intérêt économique et stratégique que peut représenter la garantie de production sans OGM pour les agriculteurs, face à des demandes de consommateurs de plus en plus tournées vers la qualité et la recherche de garanties sanitaires, et ce d'autant plus qu'il n’est aujourd’hui toujours pas scientifiquement prouvé que l’utilisation des OGM permettrait de réduire de manière substantielle l’utilisation des produits phytosanitaires. Or des études montrent tout à fait le contraire et laissent craindre une complexification de la protection des plantes due à la capacité de contournement et d’adaptation des organismes vivants organisant leur propre résistance.

Le sujet des semences de ferme est lié à celui des OGM. Il s’agit d’une forme d’appropriation du vivant par les semenciers, qui entrave la liberté des agriculteurs de produire. C’est pourquoi il est important de redonner aux agriculteurs la liberté de ressemer gratuitement le fruit de leur récolte, en abrogeant la loi sur les COV adoptée de nuit à main levée par une poignée de députés.

Extrait du dossier "La CR présente son programme agricole pour les élections présidentielles"

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