Depuis toujours, l'homme a pratiqué la chasse. A l'origine, cette activité revêtait un caractère vital, car d'elle dépendait son alimentation, en plus de la cueillette. Petit à petit, l'homme a « domestiqué » la nature en développant l'agriculture. Pouvant se procurer sa nourriture sans avoir recours à la chasse, cette dernière est devenue au fil du temps une activité de loisir.

Ainsi l'agriculture et la chasse ont connu des développements très interdépendants, ce qui est toujours vrai de nos jours car elles occupent un même territoire.

Elles ne doivent cependant pas s'opposer, et devraient même au contraire agir ensemble dans leurs intérêts communs. Et pourtant, dans de nombreuses régions, les problèmes s'accumulent et conduisent à des relations de voisinage complexes. L'enquête que nous avons réalisée auprès de toutes nos instances départementales le montre. Aux quatre coins de la France, les exemples d'agriculteurs se sentant démunis face aux dégâts sur culture se multiplient. Outre cet impact sur les parcelles agricoles, la faune sauvage représente également un danger pour nos cheptels (transmission de maladies, comme la tuberculose par exemple). Enfin, les agriculteurs ne sont pas les seuls à redouter la faune sauvage, il faut y associer toute la population rurale pour qui le gibier représente un risque quotidien sur les routes.

Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, le bon sens devrait naturellement conduire à un respect des pratiques de chacun. Cependant, lorsqu'un choix s'impose, une hiérarchie très claire des priorités doit être établie : la chasse reste une activité de loisir dont certains ont fait une activité commerciale, mais l'agriculture a une vocation beaucoup plus importante, celle de nourrir les hommes. Pour la CR, la régulation des espèces sauvages est la pierre angulaire des relations délicates entre les organisations de chasseurs (FNC – FDC) qui veulent diminuer le montant des indemnisations des dégâts occasionnés, et les agriculteurs qui  doivent être protégés et remboursés à la hauteur des  préjudices subis.

Hélas, ce n'est pas l'option choisie en ce début d'année 2012 par la FNSEA et l'APCA, qui, lors de négociations directes avec la FNC, ont accepté au nom de tous, une baisse des indemnisations et une responsabilisation accrue des agriculteurs. Autrement dit, la double peine ! Ils ont scellé cette décision dans un accord présenté aux pouvoirs publics comme base d'une future législation. Dès qu'elle en a eu connaissance, la CR a fortement contesté cet accord auprès des ministères concernés, autant sur la forme (exclusion des discussions des autres syndicats agricoles) que sur le fond (augmentation des contraintes et des  coûts potentiels pour les agriculteurs).

A l'image de sa présidente de section « dégâts de gibiers », la CR est totalement impliquée dans la résolution de ces problèmes fondamentaux pour les agriculteurs.

Lydie Deneuville est la présidente de la section « Dégâts de gibier » de la Coordination Rurale qui a été créée sous son impulsion. Agricultrice en Bourgogne, elle milite pour que les agriculteurs puissent cultiver leurs champs en toute sérénité.

Q : Mme Deneuville, qu'est-ce qui vous a poussée à vous engager dans le syndicalisme et en particulier dans le domaine des dégâts de gibiers ?

R : Pour moi, le syndicalisme est indispensable pour la défense de notre métier. La France est un des pays d’Europe où le nombre de syndiqués est des plus faibles. Rester chez soi et attendre des autres qu’ils vous défendent n’est pas un acte loyal et responsable. Mon installation en tant que femme qui de surcroît pratique le Non Labour a suscité des réflexions mesquines. A ces dires, soit vous baissez les bras et faites profil bas,…soit ça vous donne la pêche pour démontrer le contraire ! J’ai voulu m’installer à condition de garder mon indépendance et ma liberté de décision. Comme chacun, j’ai eu des déboires, et mon objectif a toujours été de faire en sorte que ce qui m’arrive personnellement ne se reproduise pour aucun d’entre nous. Pour ma part, ma carrière est tracée et bon an mal an, j’arriverai à la retraite sans trop de problèmes. Ce qui m’inquiète beaucoup plus, c’est ce qu’on laisse aux générations futures en  matière de qualité de sols, de travail, de vie sociale,…. Pour moi, la gestion à court terme est néfaste pour l’agriculture alors qu'elle prend de plus en plus de place, sans préoccupations des risques sanitaires, écologiques ou humains à long terme.Quant aux dégâts de gibiers, dans notre département ils augmentent tous les ans et deviennent insupportables. Au lieu de gérer et restreindre les populations de gibiers, la FDC impose sa loi par des poses de clôtures obligatoires pour certains (et pas pour d’autres!) et se permet d’appliquer arbitrairement des abattements allant jusqu’à 80% sur les indemnisations. Je parle en connaissance de cause, puisque cela m’est arrivé. Pour éviter que d’autres ne soient affligés de telles sanctions, mon but est d’alerter et prévenir, voire d’entrer en justice pour que ça serve.

Q : Dans votre département, comment tentez-vous de faire évoluer la situation ?

R : La Coordination Rurale 58 a demandé (août 2011) en vain de faire partie de la commission de renouvellement du schéma cynégétique départemental. Ni la FDC, ni même le préfet ne nous ont répondu et se cachent derrière la réglementation qui consiste à ne reconnaître que les représentants agricoles désignés par le président de la Chambre d’agriculture.
La CR58 a demandé au Président de la Chambre qu’un de ses membres fasse partie de la commission des dégâts de gibier renouvelée en septembre dernier…toujours aucune réponse... Nous avons créé une association pour pouvoir intervenir auprès des instances administratives.
Une avancée positive récente : la DDT nous a consultés lorsque la FDC départementale a voulu déclasser le sanglier en tant que nuisible dans le département…c’est une 1ère ! Grâce à la CR58, cette ineptie n'a pas pu aboutir ! En nous montrant persévérants et en maîtrisant nos sujets, nous avançons et nous parvenons à faire évoluer la situation dans le bon sens.

Une faune sauvage toujours plus abondante

Les études sur les populations de gibiers « communs » tels que le sanglier, le cerf ou encore le chevreuil, sont peu nombreuses et il est donc difficile de connaître les effectifs réels. Cependant, les spécialistes indiquent une augmentation générale du nombre d'individus, qui doit toutefois être nuancée en fonction des espèces et des secteurs géographiques. Ces évolutions sont à mettre en lien avec divers facteurs dont certains nous paraissent essentiels :

  • l'augmentation des zones boisées (ou en taillis) au détriment bien souvent des surfaces cultivées (déprise agricole, parcellaire morcelé, éloigné, pression de la faune sauvage, … et aujourd'hui obligation d'un minimum de surfaces ayant un « intérêt écologique ») est souvent corrélée à la recrudescence des populations de gibier. Là aussi, il faut être prudent, car il ne s'agit pas d'une vérité absolue. Pour le cas du sanglier, il se développe également dans les secteurs où les cultures progressent car il se nourrit aussi bien en zone boisée qu'en zone cultivée.
  • le nombre de chasseur en perpétuelle baisse.

Lorsque la pression de prédation diminue, les populations de proies augmentent. Or, l'homme est le seul prédateur des grands gibiers sur la quasi totalité de territoire métropolitain. Entre 1981 et 2005, le nombre de permis a diminué de 35 % ce qui a induit une baisse de la prédation. Cependant cette dernière diminue moins vite que le nombre de chasseurs du fait de l'amélioration des techniques de chasse. Ce gain d'efficacité sur le grand gibier par le recours à la chasse collective en particulier, induit cependant un délaissement du petit gibier, tel que le lapin pourtant également responsable de nombreux et importants dégâts sur les cultures.

Une transition démographique qui éloigne encore chasseurs et agriculteurs

Dans les années 60, les chasseurs étaient essentiellement ruraux et agriculteurs. Petit à petit, leur nombre a diminué du fait de la désertification des campagnes. La compensation par des chasseurs que l'on pourrait qualifier d'urbains et qui pratiquent pour certains d'entre eux une chasse plus ou moins commerciales ne suffit pas à maintenir un effectif stable. De plus ce phénomène s'observe principalement en zones péri-urbaines ou dans les grandes régions de chasse françaises. Les agriculteurs représentent aujourd'hui environ 12 % des chasseurs (source Cemagref). Cette transition démographique accentue les problèmes entre chasseurs et agriculteurs, car pour les uns la nature est source de loisir alors que pour les autres, il s'agit d'un outil de travail.

Le nombre de grands gibiers est donc en augmentation, ce qui traduit le manque d'efficacité des FDC dans leur de gestion des effectifs. Malgré une augmentation des plans de chasse (prévisionnels du nombre de prélèvements par territoire et par espèce), les prélèvements réalisés ne compensent pas l'accroissement naturel des populations. Dans de nombreuses régions même si le nombre d'animaux abattus augmente, les plans de chasse ne sont pas pour autant réalisés, par exemple dans le cas du chevreuil. Evolution des prélèvement de sangliers (ONCFS)

Les abattages de sangliers augmentent en moyenne. Ils ont été multipliés par 3,2 en 20 ans, mais ont diminué légèrement sur les deux dernières saisons de chasse. Les prélèvements en 2011 sont  de 530 000 individus environ. Plus d'un million de grands ongulés (cerfs, chevreuils, etc.)  sont abattus chaque année en France.

Evolution des Prélèvements de Chevreuil (ONCFS)

Plus de gibier, plus de dégâts,  donc plus d'indemnisations

Comme la faune sauvage se développe, il en va de même des dégâts qu'elle inflige aux cultures, aux prairies, aux vergers et aux forêts. Selon les estimations du ministère de l’Écologie, pour le sanglier:
  • 1 % des communes cumulent 25 % des dégâts (en noir sur la carte)
  • 3,5 %  des communes cumulent 50 % des dégâts (en rouge sur la carte)
  • 10 % des communes cumulent 75 % des dégâts (en vert sur la carte)
Plus de gibier, plus de dégâts, donc plus d'indemnisations

Ainsi, tous les territoires ne sont  pas égaux face aux dégâts de gibiers, et dans certaines régions ils représentent un véritable  fléau pour les agriculteurs qui ne peuvent pas  exercer sereinement leur métier. Et encore, il ne s'agit que des dégâts déclarés qui remontent à l'administration !

Plus de 40 000 collisions avec des animaux sauvages

Plus de 40 000 collisions avec des animaux sauvages

Comme nous l'avons évoqué en introduction, le gibier représente un danger important pour les automobilistes. En 2008, on estime à environ 42500 le nombre de collisions, dont 16800 avec des sangliers. Il ne s'agit là que des collisions indemnisées et il ne faut pas oublier que, pour des raisons de franchises d'assurances, certains automobilistes ne déclarent pas ce type d'accident.

Le financement des indemnisations

Il existe trois sources de financement des indemnisations des dégâts de gibier auxquels les fédérations de chasse peuvent avoir recours :

  • les timbres départementaux payés par tous les chasseurs d'un département à la FDC. Ce mode est majoritaire dans 30 % des départements ;
  • les bracelets payés à la fédération pour chaque animal abattu. Cette voie semble plus juste, mais décourage, lorsque son coût est élevé, d'abattre un plus grand nombre d'animaux. Ce mode est majoritaire dans 60 % des départements.
  • l'affectation des dégâts au territoire sur lequel ils ont été générés (taxe payée par les sociétés de chasse à la FDC, à l'hectare en général). Ce système présente l'avantage de responsabiliser les sociétés de chasse dans la gestion des populations. Ce mode est majoritaire dans 5 % des départements.

L'ampleur de ce phénomène affecte fortement les productions agricoles et bien que des indemnisations existent, les pertes financières sont trop souvent à la charge des  agriculteurs. Les fédérations départementales de chasse tirent un revenu de cette abondance de gibier à travers la vente de bracelets. Les sommes ainsi perçues servent normalement à indemniser les producteurs, mais il est très difficile d'obtenir les détails des comptes de ces organismes. La FNC communique essentiellement sur le coût que représentent pour elle les indemnisations, mais oublie de mentionner qu'elles ne couvrent pas la totalité des préjudices. Le montant des indemnisations versées est de l'ordre de 30 millions d'euros en 2008. Le sanglier est responsable de 80 % des dégâts principalement sur les parcelles de maïs, de céréales et sur prairies . Le reste des dégâts répertoriés officiellement est provoqué par le cerf (14 %) et le chevreuil (3 %).

Cependant, les surfaces subissant des dégâts sont forcément sous-estimées car ces données sont établies à partir des déclarations des agriculteurs et des indemnisations qu'ils ont perçues par la suite. Or, de par la complexité des dossiers et des abattements appliqués par les FDC, un grand nombre d'agriculteurs ne déclarent pas tous les dégâts. L'accord conclu entre la FNC, la FNSEA et l'APCA aggravera cette situation. Dépenses indemnisation en euros

La faune sauvage, vecteur de maladies transmissibles aux animaux d'élevage

Le principal risque que fait courir une surpopulation de gibier à notre cheptel bovin est bien évidemment la tuberculose bovine qui, rappelons-le, est transmissible à l'homme. La France est actuellement indemne de tuberculose depuis fin 2000, et ne peut le rester que si moins de 0,1 % des cheptels sont infectés au cours des 6 dernières années. Le réservoir de maladie que représente la faune sauvage est important et la priorité n'est plus de savoir si la maladie provient des animaux domestiques ou des animaux sauvages. Le risque encouru est trop grand. La tuberculose bovine n'est pas le seul problème sanitaire posé par la faune sauvage. A moindre échelle, la peste et la brucellose porcines représentent également un danger. En France, cette dernière est présente chez 10 à 30 % des sangliers sur l'ensemble du territoire.

Une procédure d'indemnisation complexe qui doit évoluer

A la suite de dégâts de gibiers sur son exploitation, un agriculteur peut entreprendre une procédure amiable d'indemnisation et/ou si nécessaire, une procédure judiciaire.

La procédure amiable d'indemnisation

La loi prévoit que tout agriculteur qui a subi des dégâts aux cultures ou aux récoltes agricoles par le grand gibier (sanglier, chevreuil, cerf élaphe, cerf sika, daim, chamois, mouflon, isard) peut demander à être indemnisé par la fédération départementale des chasseurs (FDC).

a - La déclaration de dégâts Après avoir contacté la FDC afin qu'elle lui fournisse l'imprimé correspondant, l'agriculteur doit adresser sans délai, par lettre recommandée, une déclaration de dégâts au Président de la FDC. Par cette déclaration, l'agriculteur doit préciser :
  • Sous peine du rejet de la demande : la date d'observation des premières manifestations des dégâts, la nature, l'étendue et la localisation des dégâts ainsi que l'évaluation des pertes en volume et le montant de l'indemnité sollicitée, compte tenu du dernier barème départemental connu ;
  • Si possible, l'espèce des animaux responsables des dégâts et l'origine géographique présumée de ceux-ci ;
  • L'étendue des terres possédées ou exploitées par le réclamant dans le département et les cantons limitrophes, ainsi que la position des parcelles touchées par rapport à l'ensemble de ces terres.

De plus, l'agriculteur doit joindre à sa déclaration ou tenir à la disposition de l'estimateur (qui sera envoyé par la FDC) soit un plan cadastral de ses parcelles exploitées, soit le registre parcellaire graphique utilisé pour les déclarations PAC.

Cas particuliers : Dans le cas de dégâts occasionnés à des plants de vigne au moment du débourrement : le délai de déclaration des dégâts est fixé par la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage en fonction du stade de développement de la plante. Pour les cultures annuelles : la déclaration des dégâts doit être reçue à la FDC au moins 10 jours avant la date de l'enlèvement des récoltes.

La Commission départementale d'indemnisation (CDI)

Dans chaque département, il existe une Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage. Au sein de celle-ci, est formée une commission spécialisée en matière d'indemnisation des dégâts de gibier qui est appelée Commission Départementale d'Indemnisation (CDI).

Cette commission est placée sous l'autorité du préfet. Elle a pour mission de :
  • Fixer le barème départemental annuel d'indemnisation pour une denrée ou pour des frais de remise en état ;
  • Définir les dates extrêmes d'enlèvement de récoltes ;
  • Mettre à jour la liste des estimateurs départementaux ;
  • Statuer sur les montants d'indemnisation et modifier le cas échéant la proposition de la FDC.

Les syndicats agricoles représentatifs ne composent pas cette Commission départementale, il est simplement prévu que le président de la Chambre d'agriculture du département et d'autres représentants des intérêts agricoles dans le département proposés par lui, en fassent partie.

La Commission nationale d'indemnisation (CNI) Cette commission est placée sous l'autorité du Ministre de l'Ecologie. Elle a pour mission :
  • D'établir chaque année les limites supérieures et inférieures des fourchettes de prix à l'intérieur desquelles devront être compris les barèmes départementaux d'indemnisation ;
  • Fixer chaque année la valeur minimale et maximale indicatives des frais de remise en état.

Cette commission est notamment composée de 2 représentants des syndicats agricoles généralistes « les plus représentatifs », nommés sur proposition du Ministre de l'Agriculture. Compte tenu de l'importance des décisions prises en matière d'indemnisation des dégâts de gibier, la CR demande que chaque syndicat représentatif puisse intégrer cette commission afin que l'ensemble des agriculteurs soit représenté.

b - L'expertise des dégâts Pour rappel, le seuil minimal de dégâts indemnisables est fixé à 76 €/exploitation. Ce seuil pourrait être modifié prochainement suite à la mauvaise influence de l'accord entre la FNC, l'APCA, et la FNSEA (voir plus bas). Le président de la FDC désigne l'estimateur chargé de procéder à l'expertise des dégâts dans un délai de 10 jours francs à compter de la date de réception de la demande d'indemnisation. Durant cette période l'agriculteur ne doit pas récolter pour ne pas perturber l'expertise. Si l'estimateur ne se présente pas dans ce délai, son estimation est réputée conforme à celle de l'agriculteur, qui peut donc dès lors récolter. Durant l'expertise, l'agriculteur peut se faire assister ou représenter, à ses frais, par toute personne de son choix. Pour la CR, la Chambre devrait ici proposer un accompagnement comme elle le fait en cas de contrôle sur l'exploitation.

Rôle de l'estimateur Après avoir convoqué l'agriculteur, l'estimateur constate sur place l'état des lieux et des récoltes, estime la date des premiers dégâts, l'importance des dommages subis eu égard au rendement de la parcelle tel qu'il l'évalue, la cause des dégâts, les espèces de gibier qui en sont responsables et, si possible, leur provenance.

Il recherche, éventuellement, si l'agriculteur a, par un procédé quelconque, favorisé l'arrivée du gibier sur ses parcelles. En d'autres termes, l'estimateur détermine ici s'il y a lieu d'appliquer un abattement sur les indemnisations versées en plus de l'abattement forfaitaire de 5% qui s'applique dans tous les cas. L'abattement supplémentaire sera défini par référence au barème fixé par la Commission départementale d'indemnisation (CDI). La section « indemnisation des dégâts de gibiers aux cultures et aux récoltes agricoles » de la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage fixe chaque année des dates limite habituelles de récolte.  S'il s'avère que les dégâts ont eu lieu après ces dates ou encore alors que le stade optimal de récolte était déjà dépassé, l'estimateur devra donner son appréciation sur les raisons possibles de ce « retard » de récolte. L'estimateur transmet son rapport au président de la FDC  au maximum 15 jours après l'expertise.

Cas particuliers : En cas de dégâts occasionnés à des semis : L'estimateur doit, sans délai, en accord avec l'agriculteur :

  • soit établir un constat provisoire des dégâts  avant qu'une estimation de la perte effective soit réalisée au moment de la récolte,
  • soit proposer une indemnisation immédiate des frais de premier ensemencement.

Le choix d'une telle indemnisation ne fait pas obstacle à une indemnisation ultérieure pour perte s'il est constaté, au moment de la récolte, une différence de rendement entre les zones ainsi ressemées et celles qui sont indemnes de dégâts ou si les zones ressemées subissent, avant la récolte, de nouveaux dégâts. En cas de dégâts occasionnés à des vergers ou à des prairies utilisées à des fins agricoles : Les dégâts sur un verger, une vigne ou des prairies peuvent avoir des impacts durant plusieurs années. L'agriculteur doit donc déposer une réclamation chaque année où il aura estimé subir une perte de récolte due à ces dégâts. A chaque fois, l'estimateur procède à l'évaluation de la perte de récolte et ce, jusqu'à ce que les nouvelles plantations ou le couvert végétal réimplanté aient retrouvé leur potentiel de production.

Fin de l'expertise Si l'estimateur et l'agriculteur s'entendent sur les surfaces et quantités détruites, l'expertise s'achève avec l'accord signé de l'agriculteur. Il est important de retenir qu'on peut en effet refuser de signer une déclaration de l'estimateur si on l'estime inexacte. Le dossier sera alors transmis à la Commission départementale d'indemnisation. Par contre, une fois la déclaration signée, il n'est plus possible de revenir sur les quantités perdues.

Enfin, l'estimateur n'a pas le droit de proposer un montant d'indemnisation et doit s'en tenir aux seules quantités perdues. Il convient donc d'être attentif quant à l'estimation de ces pertes.

c- Proposition d'indemnisation

Le président de la FDC notifie par courrier à l'agriculteur le montant de l'indemnité qu'il propose, calculé compte tenu du barème, des conclusions de l'expertise, et d'un abattement compris en 5 % et 80 %. Les abattements appliqués par les FDC après estimation des dégâts par les experts sont intolérables. Il est inadmissible que des agriculteurs soient soupçonnés de favoriser les dégâts. En aucun cas une indemnisation de dégâts de gibiers ne permet à l’agriculteur de  faire des gains indus. Par ailleurs, il n’est pas sain que les  estimateurs soient désignés par les FDC qui sont elles-mêmes chargées de l’indemnisation. En effet, cela met en doute leur neutralité, pourtant nécessaire du point de vue de l'expertise.

En l'absence de réponse de l'agriculteur dans les 10 jours, un second envoi est réalisé, par lettre recommandée avec accusé de réception, et mentionnant qu'en l'absence de réponse dans le délai d'un mois  la proposition sera présumée acceptée. L'indemnité est mise en paiement dès réception de l'accord écrit du demandeur de l'indemnisation ou à l'expiration du délai d'un mois mentionné précédemment. En cas de refus du montant de l'indemnité proposée, le dossier est transmis à la Commission départementale d'indemnisation (CDI) qui devra statuer dans un délai de 2 mois. Si la proposition faite par la CDI ne convient toujours pas à l'agriculteur, il peut exercer un recours devant la Commission Nationale d'Indemnisation (CNI) dans un délai de 15 jours à compter de la décision de la CDI. La CNI  dispose ensuite d'un délai de 2 mois pour statuer et faire une proposition. Si l'agriculteur n'est toujours pas d'accord, il peut alors engager une procédure judiciaire.

La procédure judiciaire d'indemnisation

Tout d'abord, il convient de rappeler que tout agriculteur qui possède une assurance « assistance et protection juridique » peut bénéficier de la prise en charge des honoraires d'un avocat. Il convient de se rapprocher préalablement de sa compagnie d'assurance afin de s'assurer des modalités de prise en charge.

C'est le Tribunal d'instance qui est compétent en la matière. L'action judiciaire est ouverte après une décision de la CNI mais elle l'est également en l'absence de procédure amiable. Il est important de retenir que le délai de prescription de cette action est de 6 mois à partir du jour où les dégâts ont été commis et non à partir d'une proposition d'indemnisation que l'agriculteur souhaite contester. Or à l'issue de la procédure amiable, ce délai peut être dépassé. Il est alors nécessaire d'être conscient de ce délai et éventuellement d’engager en anticipation un recours judiciaire, par mesure de sécurité. Déroulement de la procédure : Le juge du Tribunal d'instance du lieu du dommage est saisi par déclaration remise ou adressée au greffe par l'agriculteur. Les parties sont ensuite convoquées à comparaître en conciliation. En cas de conciliation, il en est dressé procès-verbal. A défaut, le juge désigne un expert chargé de constater l'état des récoltes, l'importance des dommages, d'indiquer d'où le gibier provient, de préciser la cause de ces dommages, et enfin de rechercher si le gibier est en nombre excessif et pour quelle raison. Toutes les décisions rendues par le juge du Tribunal d'instance doivent être exécutées même si une des parties fait appel. Le juge peut toutefois conditionner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie suffisante pour prémunir les parties des éventuels effets de la décision rendue en appel. Les indemnités perçues à l'occasion d'une procédure judiciaire ne peuvent pas se cumuler avec celle qui pourraient être versées par une FDC à l'occasion de la procédure amiable.

Un accord en dépit du bon sens.

En janvier  2012, l'APCA, la FNSEA et la FNC ont conclu entre elles un accord pour modifier les règles d'indemnisation des dégâts de gibier, pour tous les agriculteurs. Cet accord, soi-disant « gagnant - gagnant » selon la FNC, n'apporte au contraire aucune amélioration dans la gestion des populations de gibiers, ni dans la prévention des dégâts, ni dans leur indemnisation. La Coordination Rurale ne milite pas en soi pour une augmentation des indemnisations, car elle souhaite comme la FNC que le montant global des indemnisations diminue du fait d'une baisse des dégâts de gibiers. Cependant, ce n'est pas cela qui préoccupe les signataires de l'accord.  La FNC, la FNSEA et l'APCA souhaitent tout bonnement diminuer non pas les dégâts, mais bien leur prise en charge, par l'intermédiaire d'un système de seuil et d’abattement scandaleux.

Pour la CR, l'urgence est de réguler correctement les populations. Le seul objectif de l'accord est de réduire les indemnisations sans s'attaquer aux véritables problèmes. C'est le triste constat que fait la CR à propos de cet accord dont la partie traitant des indemnisations a déjà était traduite par la loi du 7 mars 2012, qui n'a heureusement pas encore fait l'objet d'un décret d'application.

Ce qui peut changer sur le plan réglementaire :

Concernant l'indemnisation des dégâts, cette  loi a consacré la disposition de l'accord FNSEA-APCA-FNC permettant de mettre à la charge de l'agriculteur, les frais d'expertise, si les seuils minimaux d'intervention ne sont pas atteints. Le projet d'arrêté proposé (pour lequel, suite à nos revendications pour intégrer les discussions, nous avons enfin été convoqués par le ministère) poursuit la mise en œuvre de cet accord en prévoyant les mesures suivantes :

  • Le seuil d'indemnisation des dommages par exploitation passerait de 76 € à 250 € par parcelle (ou 3 % de la surface cultivée). En contrepartie, l'abattement forfaitaire serait abaissé à 2 % au lieu de 5 %. Mais l'abattement effectif pourra toujours être porté jusqu'à 80 % au cas par cas.
  • Les frais d'expertise sont désormais à la charge de l'agriculteur. Mais si les seuils d'intervention ne sont pas atteints, l'agriculteur n'aura droit à aucune indemnisation tout en se voyant imputer ces frais sur un compte débiteur créé à cet effet . Les éventuelles indemnisations ultérieures seront alors automatiquement amputées des frais d'expertise considérés dus.  Au cas où le compte débiteur atteindrait ou dépasserait 500 €, la FDC pourra demander à l'agriculteur le remboursement intégral des sommes débitrices. Le « gagnant-gagnant » se transforme bien en double peine !
  • Enfin, en cas de déclaration excessive de la part de l'agriculteur par rapport aux dégâts réellement subis, les frais d'estimation sont mis à sa charge. Actuellement, tel est le cas lorsque les dégâts déclarés sont 10 fois supérieurs au montant de l'indemnité allouée avant abattement. Le projet d'arrêté prévoit un cas supplémentaire en ajoutant que la moitié de ces frais est  mise à la charge de l'agriculteur si le montant de sa déclaration est 5 fois supérieur à celui déterminé lors de l'évaluation.

Un accord dans lequel FNSEA et APCA vont à l'opposé des intérêts des agriculteurs.

Pas d'obligation de résultat en termes de gestion des populations. Les dégâts augmentent, car le gibier est de plus en plus nombreux. Le bon sens voudrait que les populations soient réduites afin de revenir à un équilibre. Il faut dans ce domaine que les FDC s'expliquent sur leur gestion déplorable qui a conduit à la situation actuelle. Au lieu de responsabiliser ces structures, et donc les chasseurs, l'accord leur donne toute latitude pour agir, selon ce qu'elles-mêmes préconisent au titre de leur seul bon-vouloir. Elles pourront, si elles le veulent, avoir recours aux battues administratives, et le seul pouvoir du préfet sera de veiller à ce que cela soit effectué. Pour la CR, le représentant de l’État doit pouvoir imposer ce type de mesures aux FDC sans attendre qu'elles le proposent. Les battues administratives et les tirs par des Lieutenants de louveterie, par exemple, doivent être rendus obligatoires dès qu'un « point noir » (zone géographique dans laquelle les dégâts de gibier sont importants) est identifié. Une gestion fine des populations de gibiers doit rester la priorité, afin de préserver à la fois la faune sauvage et les parcelles en culture.
Pas de responsabilisation des chasseurs dans les moyens de protections La régulation des populations ne peut s'entendre qu'à moyen terme. En attendant, des moyens de protection doivent être mis en  place sous la responsabilité des chasseurs. Pour la CR, c'est aux FDC d'assumer, y compris financièrement, ce qui relève des modalités de prévention, notamment la surveillance et l'entretien des clôtures. Cela ne doit en aucun cas incomber à l’agriculteur, dont le métier est de produire et non pas de gérer les surpopulations  d’espèces chassables. Ainsi, la pose de clôtures dans un périmètre géographique défini en Commission départementale de dégât de gibier doit être proposé aux agriculteurs dès que des dégâts ont été constatés. Si des parcelles protégées par des clôtures sous la responsabilité des FDC subissent des dégâts, quel qu'en soit le montant,  l'exploitant doit percevoir une indemnisation sans tenir compte d’un quelconque seuil ou abattement. Mme Deneuville, quel est votre sentiment sur les modifications réglementaires que préfigure l'accord FNSEA-APCA-FNC sur l'indemnisation des dégâts de gibier ? L’administration s’est désengagée de ces problèmes en en confiant la responsabilité aux FDC auxquelles beaucoup de pouvoirs ont été accordés. Avec la complicité de la FNSEA qui siège dans toutes les commissions et est censée défendre les agriculteurs, la FNC se montre pourtant incompétente dans la gestion de la faune sauvage. Les FDC se disent travailler en collaboration avec les agriculteurs, or les seuls représentants du monde agricole dans ces commissions sont désignés par les présidents de Chambres d’Agriculture, qui sont majoritairement encore FNSEA. Les autres syndicats représentatifs n’y ont pas accès. De plus, les agriculteurs FNSEA qui siègent dans ces commissions sont bien souvent également des chasseurs....Or, elles sont censées être composée de chasseurs d’une part, et d’agriculteurs d’autre part….mais manifestement l’équilibre n’y est pas. Comment concevoir qu’un agriculteur chasseur défende le monde agricole en toute objectivité ? D’où l’importance des résultats des prochaines élections aux Chambres d'agriculture afin de mettre fin à la pensée unique et au système actuel. Les modifications réglementaires ne sont pas une avancée, car on ne traite pas l’origine du problème : la surpopulation des gibiers et nuisibles. Elles n’ont pour objectif que de :
  • Faire diminuer les sommes versées par les FDC aux agriculteurs victimes de dégâts de gibier.
  • Faire diminuer les statistiques de dégâts en faisant pression sur les déclarants (seuil d’intervention élevé à 250€ , participation éventuelle aux estimations, désignation de points noirs,…)
Les chasseurs ont bien entendu une utilité reconnue qu’il ne faut pas réfuter, mais la chasse commerciale a dénaturé l’équilibre écologique existant. La mauvaise gestion des populations par les FDC s’y est ajoutée, quelquefois même au détriment des chasseurs traditionnels qui voient maintenant des prix de permis et de bracelets exploser pour faire face aux dégâts. Mais la chasse n’est qu’un loisir, à certains endroits réservée à une élite. Le rôle de l’agriculteur n’est pas de passer son temps à surveiller le gibier, remplir des déclarations, accompagner les experts, entretenir des clôtures électriques bien souvent  inefficaces, tirer ou piéger les corbeaux, pigeons, ragondins,….STOP ! De quel droit ces privilégiés peuvent-ils mettre en péril le revenu d’une profession dont le rôle est avant tout de nourrir l’humanité ? La priorité est-elle de maintenir une surpopulation de gibiers, à la grande joie de quelques-uns, mais au détriment des agriculteurs qui les nourrissent au quotidien, ou bien de produire une alimentation de qualité pour tous les citoyens ?
Pourquoi n’impose-t-on pas aux chasseurs de clôturer leur bois alors qu’on impose aux agriculteurs de protéger leurs cultures ? Pourquoi laisse-t-on courir un risque sanitaire de plus en plus inquiétant pour les troupeaux d’élevage du fait des maladies véhiculées par la faune sauvage ? Les FDC assumeront-elles les conséquences d’épidémies? Pourquoi sait-on immédiatement trouver le moyen d’abattre 10 sangliers lorsqu’ils indisposent les citadins de Chambéry (le dauphine.com du 24.10.2012), alors que rien n’est fait pour solutionner le problème récurrent des agriculteurs? Le sanglier est un fléau national, mais il ne faut pas négliger les dégâts de lapins, blaireaux,…et pigeons, corbeaux…qui eux aussi occasionnent des pertes non indemnisées et non assurables. Dans certaines zones, des cultures sont abandonnées, comme par exemple le tournesol, car elles sont détruites systématique par les pigeons ou corbeaux alors qu’elles peuvent être intéressantes dans les rotations sur le plan agronomique.

Conclusion

Les dégâts de gibier constituent un sujet épineux qui provoque de nombreux problèmes relationnels entre agriculteurs et chasseurs. Il ne faut cependant pas le traiter avec lâcheté comme l'ont fait la FNSEA et l'APCA lors des négociations de l'accord de janvier 2012 avec la FNC. Des solutions sont possibles à condition que chacun respecte les pratiques des autres et assume les conséquences de ce qu'il fait.

L'agriculture et la chasse partagent un même territoire, et l'une n'empêche par l'autre. Chaque fois qu'elle en a la possibilité, la Coordination Rurale établit des propositions concrètes dans ce domaine pour défendre l'intérêt des agriculteurs sans pour autant nier l'importance des chasseurs. Étant donné la situation actuelle, il est primordial d'agir de façon concertée pour enrayer les dégâts de gibiers qui coûtent chers aux agriculteurs et aux fédérations de chasse. Il faut prendre à bras le corps les problèmes de surpopulation de gibiers, ce qui incombe avant tout aux FDC.

De l’écologie, il en faut mais pas trop. Par contre le bon sens est de rigueur si on veut maîtriser la situation : Il faut trouver un équilibre raisonnable pour tous.

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