La loi portant sur la séparation du conseil et de la vente entrée en vigueur le 1er janvier 2021, qui partait d’une bonne intention et qui aurait pu permettre aux agriculteurs de gagner en autonomie, s’est concrétisée finalement en une nouvelle contrainte pour les agriculteurs : celle de réaliser un « conseil stratégique phytosanitaire » (CSP) de façon obligatoire, condition nécessaire au renouvellement du Certiphyto « décideur » pour la plupart des agriculteurs.
Qu’est-ce que le CSP ?
Depuis le 1er janvier 2021, chaque exploitation agricole devra pouvoir justifier obligatoirement de 2 CSP par intervalle de 5 ans. Ces deux conseils doivent être espacés de minimum 2 ans et de maximum 3 ans. Le CSP permet à l’exploitant de mener une réflexion autour de ses pratiques et usages de PPP, et est nécessaire pour le renouvellement du Certiphyto. Il se décompose en 2 phases : un diagnostic (analyse du contexte de l’exploitation et des modes de production) et un plan d’action (analyse des leviers qui pourraient être mis en œuvre).
Toute exploitation agricole devra avoir reçu un premier CSP avant le 31 décembre 2023 (ou pris rendez-vous avec un organisme agréé).
Ainsi, pour un renouvellement de votre Certiphyto intervenant :
• avant le 31 décembre 2023, il n’est pas attendu de justificatif de CSP ;
• entre le 31 décembre 2023 et le 31 décembre 2025, le justificatif d’un CSP devra être fourni ;
• au-delà du 1 janvier 2026, le justificatif devra porter sur deux CSP.
Cette loi oblige donc les agriculteurs à réaliser un CSP d’ici le 1er janvier 2024. Certaines exploitations sont néanmoins exemptées de CSP :
• les exploitations certifiées AB ou en conversion (sur la totalité de leurs surfaces) ;
• les exploitations HVE de niveau 3 ;
• les exploitations de moins de 2 hectares en arboriculture, viticulture, horticulture ou cultures maraîchères ;
• les exploitations de moins de 10 hectares.
L’avis de la Coordination Rurale et de France Grandes Cultures
Il existe différents types de Certiphyto. Ci-dessous, un schéma provenant directement du site de la DRIAAF Île-de-France :
Les Certiphyto « décideurs » correspondent au niveau minimum nécessaire pour une entreprise agricole. Cependant, si les agriculteurs disposent d’un Certiphyto « conseiller », ce dernier leur offre l’équivalence. Il est important de noter que, dans l’état actuel de la loi, les agriculteurs qui ont obtenu le Certiphyto conseiller n’ont pas besoin de disposer d’un CSP. Cependant, celui-ci n’est pas forcément plus accessible que le Certiphyto décideurs (du point de vue non financier) et ne pas réussir le test implique devoir suivre une formation de 7h de rattrapage (de même pour le Certiphyto décideurs).
Le CSP pour le niveau de base (Certiphyto décideurs) varie de 350 à 500 € par conseil. Sur la base de 150 000 fermes par an, cela représente une dépense obligatoire d’au moins 300 millions d’euros tous les 5 ans pour les agriculteurs français. Une manne financière conséquente qui quittera donc la poche des agriculteurs pour finir dans celle des structures de conseil, au premier rang desquelles les chambres d’agriculture, principales structures en mesure de dispenser ce fameux CSP.
Cela était prévisible : pour que le conseil soit rentable pour les structures qui le dispensent, il est impossible de consacrer le temps nécessaire à la réalisation d’un réel diagnostic d’exploitation et à une analyse approfondie. Les agriculteurs qui souhaitent réellement être accompagnés devront donc payer, par ailleurs une prestation de conseil digne de ce nom via une structure compétente.
En parallèle, il n’y a pas non plus assez de conseillers capables de former les agriculteurs via le CSP. Les chambres d’agriculture mettent à disposition 90 personnes à temps plein. À hauteur de 6h par CSP initialement, elles ne sont pas en capacité de former tous les agriculteurs individuellement. Bien que les formations individuelles se soient en majorité transformées en formation de groupe, les 130 entreprises privées en mesure de réaliser ce CSP ne parviendront pas non plus à combler ce manque d’ici la fin de l’année 2023. Par conséquent, de nombreux agriculteurs seront mis sur la touche et ne pourront plus acheter de PPP.
Le projet de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Heureusement, une mesure est peut-être sur le point de diminuer le coût pour les agriculteurs. À raison de 2 CSP tous les 5 ans initialement, le CSP pourrait être étendu à 1 tous les 5 ans via le projet de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France. Cependant, cette périodicité reste fixée par voie réglementaire et il faudra un nouveau décret pour fixer une nouvelle durée qui pourra ainsi aller jusqu’à 5 ans entre deux conseils.
La proposition de délai supplémentaire va dans le bon sens, mais reste toujours insuffisante pour la CR et FGC qui demandent la suppression du CSP.
Afin de dynamiser l’agriculture, il serait plus intéressant selon la Coordination Rurale de remplacer le CSP par une formation dont le thème serait au choix des agriculteurs, avec les mêmes contraintes temporelles que le CSP (2 tous les 5 ans).
D’autant plus que ce projet de loi fait marche arrière sur la séparation du conseil et de la vente des produits phytopharmaceutiques. De ce fait, les coopératives et les négociants pourront de nouveau cumuler ces deux activités. Si d’un côté cela peut simplifier les procédures pour les agriculteurs, ce recul peut néanmoins engendrer des dérives et abus de la part des vendeurs de PPP.