Philippe Ribault était à l'audience du 17 avril, au tribunal administratif d'Orléans, concernant le recours déposé par la CR Centre contre le Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) 2016-2021 du bassin Loire-Bretagne.

Pourquoi avoir déposé un recours contre le SDAGE ?

Philippe Ribault : le SDAGE s'oppose trop catégoriquement au drainage et à l'irrigation, des pratiques agricoles pourtant essentielles dans notre région et sur le bassin Loire-Bretagne, et qui contrairement à ce que le SDAGE laisse entendre, ne contribuent pas à la pollution des eaux. Le préfet ayant rejeté notre recours gracieux, nous sommes passés au recours contentieux.

Un autre recours similaire a été déposé sous la coordination de l'ANDHAR (Association Nationale de Drainage et d'Hydraulique Agricole Responsable), qui a créé un label reconnu par le ministère de l'agriculture, pour lutter le drainage sauvage pouvant porter atteinte aux zones humides.

Concernant le drainage, que ressort-il des conclusions du rapporteur public ?

Philippe Ribault : rien de bon, malheureusement. La rapporteuse, lisant son rapport à toute vitesse, a invité les juges à rejeter tous les moyens que nous avons soulevés. Selon elle, le drainage contribue bel et bien à l’émission de nitrates et résidus phytos. Pourtant, des cases lysimétriques, comme la station Arvalis de La Jaillière (44), ont démontré le contraire.

La rapporteuse ajoute que le SDAGE ne condamne pas le drainage en bloc et qu'il ne confond pas non plus drainage et assèchement de zones humides, les deux étant bien séparés au sein du SDAGE.

Sans le drainage, il y aurait pourtant 23% de surfaces agricoles en moins en région Centre mais cet argument n'a aucun poids face à la logique juridique du tribunal. Très respectueusement, la présidente a insisté sur le fait que ce n’était pas le procès du drainage mais celui d’un acte juridique : « les pétitions de principe sont inopérantes. C’est un examen juridique que nous faisons, et non un examen d’opportunité » a-t-elle tranché.

Qu'en est-il de l'interdiction de rejet direct dans les cours d'eau ?

Philippe Ribault : l’interdiction de rejet direct dans les cours d’eau, présente dans le SDAGE, n’est d'après la rapporteuse, ni générale ni absolue. Elle s’applique seulement aux nouveaux dispositifs de drainage les plus importants. Ainsi, l’obligation de bassins tampon, dont le coût est pourtant exorbitant, respecterait bien le principe de proportionnalité.

De plus, le SDAGE privilégie bien la compensation fonctionnelle par rapport à la compensation surfacique. Il a toute latitude pour encadrer les mesures compensatoires, nécessaires à l’atteinte des objectifs, ce que nous contestons.

Le SDAGE crée pourtant de nouveaux zonages de toutes pièces, comme pour les zones humides. Qu'en pense le tribunal ?

Philippe Ribault : il pense que ces zonages créés ne sont pas illégaux. Pour la rapporteuse, il s'agit seulement d'inventaires de zones prioritaires, sans portée juridique. Mais on sait très bien l'utilisation qui en est faite ensuite, par l’État ou les collectivités. L'administration aime beaucoup les cartes et les zones protégées leur permettant de ceinturer notre activité agricole !

Au niveau de l'irrigation, le SDAGE outrepasse-t-il le droit en recommandant de changer les pratiques agricoles ?

Philippe Ribault : pour la CR Centre, oui, mais pour la rapporteuse, non, l’évolution des pratiques préconisée par le SDAGE n’ayant aucun caractère impératif. La recommandation de réviser les autorisations de prélèvement tous les 10 ans n’a pas non plus de caractère impératif. Enfin, sur proposition des SAGE, des objectifs quantitatifs plus stricts peuvent être déterminés sur certaines zones, le SDAGE évoquant cette possibilité à titre indicatif.

Rien d'obligatoire peut-être, mais de quoi encourager toutes les instances administratives qui veulent nous réapprendre notre métier !

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