Les industriels de la filière laitière semblent se réjouir de la disparition des quotas et du traité de libre-échange Europe/Etats-Unis à venir, parce que cela leur permettrait de conquérir toujours plus de marchés à l’export, pendant que les producteurs de lait souffrent et disparaissent en silence.
Mais l’agroéconomiste Jacques Berthelot et un rapport du Parlement Européen nous mettent en garde contre une telle illusion.



Les transformateurs prétendent qu’en matière de produits laitiers, les européens auraient plus à gagner du partenariat transatlantique que les américains. Mais la réalité décrite par J. Berthelot dans son article intitulé - L’aveuglement des exportateurs laitiers français et européens sur le TAFTA - est tout autre.



Déferlement programmé de produits laitiers américains sur l’Europe

En premier lieu, les droits de douane sur les produits laitiers de l’UE sont 3 fois supérieurs à ceux des USA. Très logiquement, ce sont les industriels américains qui tireront profit du traité de libre-échange et certainement pas les industriels européens.



Cela est d’ailleurs confirmé par une étude réalisée pour le Parlement Européen en 2014 : on y lit page 44 que si l’UE peut espérer augmenter ses exportations vers les USA de 239%, passant de 1 milliard à 2,4 milliards de dollars, les USA peuvent espérer augmenter les leurs vers l’UE de 2 090%, passant de 260 millions à 5,4 milliards ! Il faut donc s’attendre à un déferlement de produits laitiers américains sur l’Europe !



Soutien massif des Etats-Unis à leur production laitière

En deuxième lieu, les USA se sont dotés depuis février 2014 d’une politique agricole très volontariste. La production laitière dispose en effet de 3 solides outils de régulation :

  • un prix mensuel minimum (blend price) versé aux producteurs via un fonds de mutualisation alimenté par les transformateurs, au sein de chacun des 10 programmes fédéraux d'organisation de la commercialisation du lait (FMMO) actifs sur le territoire américain,
  • une assurance fédérale d’une partie de leur marge au choix (0,08 à 0,16 $/kg, soit 70 à 140 €/t de lait) en contrepartie d’une souscription payée au trésor américain (0 à 24 €/t),
  • un programme permettant à l’Etat fédéral d’acheter des produits laitiers transformés, si la marge moyenne des producteurs passe sous les 70 €/t, et de les distribuer sous forme d’aide alimentaire.

Sans compter les assurances sur les fourrages, un programme d'indemnisation des pertes de cheptel en cas d’épidémie ou d’aléa climatique et un programme d’aide financière aux coopératives : « les coopératives travaillent ensemble ».



Une Europe qui dérégule à tout-va

L’UE a fait tout le contraire en réformant sa Politique Agricole Commune sans prévoir de filet de sécurité pour les éleveurs et en supprimant les quotas laitiers, à partir du 1er avril 2015. Une telle inconséquence de la part de l’UE risque de produire des effets désastreux.



En cas de surproduction et de baisse de prix sur le marché mondial, les producteurs de lait américains, soutenus par leur gouvernement fédéral, pourront ainsi continuer à produire, quel que soit le prix. En Europe, les éleveurs laitiers subiront de plein fouet la baisse des prix et ses conséquences funestes : travail à perte, cessations d’activité, restructuration de la production.



Revenir au bon sens

Les transformateurs doivent donc cesser de désinformer les éleveurs laitiers. La fin des quotas et le libre-échange transatlantique ne leur seront jamais profitables.



Quant à l’Union Européenne, elle doit prendre ses responsabilités en bâtissant une régulation efficace du marché du lait et en excluant les produits alimentaires de ce traité de libre-échange.



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