Pour cette 17e étape du Tour de France entre La Mure (38) à Serre-Chevalier (05), nous faisons escale chez Alexandre, 32 ans, sur la ferme familiale de Lavars (38) où il travaille sous un statut assez méconnu : associé d'exploitation.
Comment décrirais-tu la situation de la ferme ?
Nous sommes dans une zone de moyenne montagne, à quelques kilomètres de Grenoble, où l'activité agricole principale est l'élevage. Nous élevons environ 35 vaches laitières, autant de jeunes, et nous cultivons 85 hectares de terres, pour moitié en culture et pour moitié en pâturage. Nos 180 000 litres de lait sont sous contrat avec Danone, mais nous sommes collectés par Sodiaal. Les deux laiteries, "concurrentes", se sont entendues pour diminuer les coûts de collecte. Notre lait est payé par Danone, mais part en production chez Sodiaal.
Pourquoi as-tu opté pour le statut d'associé d'exploitation* ?
Je suis arrivé sur l'exploitation à la fin de mes études. J'ai un master en environnement et santé, et comme je ne trouvais pas de travail et que mon père avait des soucis de santé, je suis revenu dans le Trièves. De fil en aiguille, je me suis dit pourquoi pas m'installer... J'ai donc été aide familial pendant les cinq années autorisées. Arrivé au terme, il y a deux ans, les conditions n'étaient pas réunies pour mon installation. Mon père, dont je dois prendre la suite, ne pouvait pas encore prendre sa retraite. L'assistante sociale de la MSA s'est démenée pour trouver une solution et a proposé ce statut d'associé d'exploitation.
En quoi consiste-t-il ?
Il est très similaire à celui d'aide familial à ceci près qu'il prévoit des conditions d'âge maximum, ainsi qu'une rémunération et une convention avec le chef d'exploitation. Il me permet surtout de faire la jonction entre les deux périodes et d'attendre début 2019 qui sera la période la plus propice pour mon installation. Je travaille aussi un petit peu à l'extérieur quand le travail sur la ferme me le permet.
Connais-tu d'autres personnes qui travaillent sous ce statut ?
Ce statut est très peu utilisé. Bien que présent sur les formulaires MSA, je suis le seul en Isère, et peut-être même en ex-région Rhône-Alpes, à avoir fait ce choix. Certains diront qu'il aurait été préférable de m'installer mais cela ne correspondait pas à mes choix pour aujourd'hui et à mon projet d'installation. Il y a beaucoup de travail sur la ferme donc je dois être présent.
Comment vois-tu ton projet d'installation ?
Je voudrais monter un projet nécessitant le moins d'investissements possible. Je suis persuadé que chez moi, je n'ai que deux options : garder une petite structure ou me développer de manière très importante. Je fais le choix du petit et diversifié, qui n'est pas compatible avec une installation aujourd'hui en société avec mes parents. Je dois donc attendre la reprise. Notre proximité avec Grenoble est un vrai atout : le tourisme et la vente directe vont se développer, c'est sûr. Je mise là-dessus en faisant des formations, par exemple en apiculture. Sous peu, la production laitière sera arrêtée sur l'exploitation. C'est malheureusement la tendance dans notre secteur... Les mines de charbon de La Mure ont fermé il y a 20 ans dans l'indifférence des responsables politiques, et des milliers d'emplois ont disparu. Il se passe la même chose en production laitière.
L'engagement citoyen et syndical est-il fondamental pour toi ?
On peut le dire oui, et je crois que j'ai été élevé dans cette idée. Depuis tout petit, j'ai vu mes parents s'impliquer à la Coordination Rurale. J'ai suivi la grève du lait de près, et j'ai aidé les producteurs à démontrer que le prix payé par les laiteries ne permettait pas de les rémunérer. Je pense que l'engagement est important : il n'y a qu'à travers lui que nous pourrons faire entendre notre voix et faire bouger les lignes. Je suis deuxième adjoint dans notre commune. C'est beaucoup de travail aussi. Professionnellement, je me retrouve dans les propositions de la CR, et surtout dans la première, la plus fondamentale et celle qui selon moi est pleine de bon sens : nous devons vivre dignement de notre travail. C'est élémentaire, mais surtout essentiel !
*Définition MSA, Cerfa 12555*02* : « personne non salariée âgée de 18 ans révolus et de moins de 35 ans qui, descendant, frère, sœur ou allié au même degré du chef d'exploitation agricole ou de son conjoint, a pour activité principale la participation à la mise en valeur de l'exploitation. »
