Ce matin, encore un peu ensommeillé, je reçois un lien vers la tribune de Jérémy Decerle (président Jeunes Agriculteurs) publiée quelques jours plus tôt dans Le Figaro, et au titre plus qu’alléchant : « Agriculture : choisir le modèle économique des fermes contre celui des firmes ». N'en croyant pas mes yeux, je m'attelle immédiatement à la lecture, impatient d’en savoir plus !

Au fur et à mesure de l'article, je comprends que pour les JA la course à l'agrandissement n'est pas la solution. Son auteur déplore notamment le fait qu’aujourd’hui, pour beaucoup d’acteurs du monde agricole, « seule la taille des structures - forcément pas assez grandes - compte, ou que la diminution du nombre de chefs d'exploitations est une fatalité. » Je me dis alors que la proposition du Ministère consistant à remplacer le dispositif des prêts bonifiés par une majoration de la DJA en fonction du degré d'investissements ne fera certainement pas long feu face à la levée de boucliers des JA, visiblement bien décidés à traiter sur un pied d'égalité les petites et grandes structures, petits ou gros investisseurs !

Je découvre ensuite que les JA sont convaincus que « les fermes, héritées du modèle familial, qui mettent les chefs d'exploitations à la fois à la tête du capital, des décisions et des pratiques, sont les plus résilientes, les mieux à même de relever ces défis nombreux qui sont posés à l'agriculture ». Aux oubliettes donc, la possibilité pour les coopératives de détenir des parts de nos exploitations ! Finis les Gufa, qui « peuvent notamment soutenir, dans le respect des encadrements communautaires, les exploitants agricoles dans leurs projets d'installation ou de développement de leurs entreprises, notamment par la prise de participation au capital social de leur société » (extrait du décret n° 2016-610 relatif au réseau des Chambres d’agriculture).

Un peu plus loin dans le texte, je comprends qu’au niveau local les représentants JA vont enfin arrêter de ne jurer que par leurs sacro-saintes filières et cesser de les défendre coûte que coûte, et ce bien souvent au détriment de l'agriculteur en tant qu'individu et entrepreneur. Leur président nous explique ainsi que « les exemples ne manquent pas dans le monde, de pays ou de régions qui ont choisi ou subi une dérive plus ou moins rapide vers des modèles agricoles de firmes et qui, du fait de la simplification à l'extrême des systèmes de production, se retrouvent à la fois endettées, peu créatrices de valeur, très exposées aux aléas et intransmissibles ». Fini donc le soutien aux coopératives laitières qui, sous prétexte de raisonner les coûts de collecte, abandonnent leurs adhérents !

La prise de conscience tant attendue est enfin arrivée !!! Ce syndicat couvé voire même endoctriné pendant bien trop de temps par la FNSEA semble enfin ouvrir les yeux. Je me dis que ça y est, les propositions JA vont enfin aller dans le bon sens !

Cependant, je dois avouer que je m’inquiète pour eux tant l’opposition frontale à la tutelle FNSEA est visible dans la conclusion de cette intervention : « ce discours paraîtra sans doute très naïf à celles et ceux qui croient que la seule urgence est de mettre en place un plan de sortie du métier pour les agriculteurs en grande difficulté ». On est là effectivement, face à une « insinuation » très claire, voire transparente ! Ce représentant syndical fait preuve de tant de courage en osant s’opposer ouvertement aux orientations d’un syndicat aussi puissant que la FNSEA et qui a surtout été son partenaire pendant de si nombreuses années… Il fallait oser le faire !

Mais je me réveille enfin de ce doux rêve et ma naïveté laisse place à mon œil critique et à ma connaissance du milieu et de ses acteurs. L'évidence me saute aux yeux. Cette tribune déborde de bonnes intentions et dégouline de beaux mots… uniquement destinés à flatter le monde agricole, tant attaché à son patrimoine et à sa volonté de liberté.

Je comprends que le syndicat JA suit finalement avec brio les mêmes cours de communication que son gourou FNSEA : « Manipulation de masse – niveau avancé » dont la règle d’or est d’en dire assez pour retourner les cerveaux mais de ne pas trop se mouiller pour éviter de devoir rendre des comptes ultérieurement lorsque les promesses ne seront pas tenues !

Leçon bien intégrée puisque à aucun moment Monsieur Decerle ne prononce ce « gros mot », vous savez, celui que ses adhérents ont repris partout sur leurs banderoles pendant les manifestations et qui marquerait réellement un changement d'orientation dans la politique prônée par les JA. Allez, Monsieur Decerle, vous êtes sur la bonne voie, il ne vous reste que quelques petits pas à faire. Essayez, et vous verrez, ça ne fait pas mal : PRIX RÉ-MU-NÉ-RA-TEURS !

Je reprends donc mes activités avec encore plus de volonté car je comprends que le combat pour faire éclater toutes ces manipulations va être aussi difficile que nécessaire !

Joris Miachon, responsable de la section Jeunes de la CR

Dans la même catégorie

Jeunes
Économie
Économie
Jeunes