La publication de plusieurs textes vient clore le processus de réforme de la politique d'accompagnement à l'installation, après plusieurs années de négociations, tâtonnements... et déjà presque deux ans de mise en œuvre effective. Un tournant dans la politique d'aide à l'installation Cette réforme marque un tournant dans la politique d'installation depuis 2015 puisque :
  • le montant des DJA peut être variable d'une région à l'autre, et ce pour une même installation. C'est la conséquence de la régionalisation du dispositif qui laisse, malgré un cadre national, une latitude importante aux régions quant aux montants et modulations de la DJA,
  • pour répondre aux exigences communautaires, le concept de sélection des dossiers est intégré. Il sera désormais possible de voir certains candidats éligibles aux aides à l'installation non retenus à l'issue du processus de sélection.
Évidemment, la section Jeunes de la Coordination Rurale s'était élevée contre ces deux points lors des discussions sur la mise en œuvre du dispositif
  • La régionalisation crée un traitement inéquitable des jeunes installés et les modulations n'ont pas de raison d'être. Elles viennent complexifier le parcours, la gestion des dossiers, pour un effet levier inexistant. Qui peut réellement croire qu'une augmentation de la DJA d'un millier d'euros va inciter des jeunes installés à mettre en œuvre des démarches agro-écologiques ? Pour la Coordination Rurale, le montant de la DJA devrait être identique pour tous les nouveaux installés (à l'exception d'une majoration en zone défavorisée).
  • Face à la situation catastrophique du renouvellement des générations en agriculture, nos politiques devraient ouvrir les yeux et faire de l'installation une réelle priorité, en aidant le plus grand nombre de jeunes. Le processus de sélection est une aberration !
Comme pour toutes les réformes liées au monde agricole, la nécessité d'une réelle simplification des dispositifs devrait être la préoccupation centrale. Nous en sommes bien loin aujourd'hui, d'autant plus que les récentes annonces sur l'évolution des prêts bonifiés viennent accroître encore les disparités, et créer une nouvelle modulation. La solution : des prix rémunérateurs ! Dans le fond, ces constats sont finalement dérisoires face aux vraies difficultés du métier. La meilleure politique d'accompagnement à l'installation restera vaine tant que le métier d'agriculteur n'offrira pas de perspectives de rémunération décente et durable à nos nouveaux installés. Il est certain que des jeunes continuent aujourd'hui de s'installer mais :
  • combien renoncent, car confrontés à la dure réalité de l'étude économique de leur projet ?
  • combien diffèrent leur projet d'installation et préfèrent attendre un contexte économique plus favorable ou le départ en retraite d'un proche, alors qu'ils pourraient être les acteurs du renouvellement des générations ?
  • combien vont malheureusement échouer et vivre des situations dramatiques, non par défaut de gestion ou de technicité... comme on voudrait nous le faire croire, mais bien en raison d'une politique agricole suicidaire qui veut mettre l'agriculture européenne en concurrence avec le moins-disant mondial ?
Heureusement (?), à grand renfort de reports d'annuités, économies de bouts de chandelle... beaucoup d'entre eux s'en « sortent bien ». C'est ainsi que l'on qualifie aujourd'hui en agriculture le fait d'être encore agriculteur au bout de 5 ans pour un revenu bien inférieur au SMIC horaire. Depuis des années, les représentants de la Coordination Rurale sont confrontés, lors de chaque CDOA, à un réel dilemme entre l'enthousiasme des jeunes installés et les perspectives économiques. Est-il moral de continuer à se prononcer en faveur des projets d'installation qui nous sont soumis et dont les chiffres ne correspondent plus à la réalité économique du terrain ? Quelle réponse peut-on donner aux jeunes qui ont établi un plan d'entreprise sur la base de prix du lait à 340 €/tonne, ou de blé à 130 € il y a quelques mois et qui aujourd'hui ne s'en sortent pas ? Rejeter leurs dossiers serait un geste de désespoir ultime qui finalement nous associerait aux autres fossoyeurs de l'agriculture. Mais les accepter les yeux fermés serait être complice de ces mêmes fossoyeurs. C'est donc accompagnés d'une mise en garde et d'une offre de soutien adressées aux candidats que nous devons voter positivement pour ces dossiers.

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