Monsieur le Ministre,
Par la présente nous vous faisons part de nos réflexions et propositions suite à la réunion entre partenaires des filières céréalières et d’élevage que vous aviez organisée le 6 janvier dernier au cours de laquelle vous nous avez demandé de vous faire des propositions de nature à améliorer la situation des producteurs de viande.

Après une chute vertigineuse en euros courants, au cours des 25 dernières années, les cours des céréales ont repris, au cours de la campagne actuelle, un niveau qui permettrait aux exploitations en grandes cultures d'envisager une gestion saine de leurs productions. Nous rappelons d’ailleurs qu'une situation comparable était intervenue fin 2007, début 2008 avant que les cours ne s’effondrent faisant de l’année 2009 la plus mauvaise campagne enregistrée depuis plus de vingt ans. L'expérience a donc montré qu'il serait très imprudent de parler aujourd'hui d'une situation économique très satisfaisante pour notre secteur des grandes cultures. 

Parallèlement à cette situation, nous constatons que le rétablissement du secteur céréalier accroît la crise des secteurs d'élevage qui ont été hélas formatés pour fonctionner avec des prix de céréales trop bas et qui ne peuvent pas répercuter les hausses de leurs charges sur leurs prix de vente.

La CR et l’OPG ont toujours pointé du doigt le système très administré de collecte des grains en France, contraire aux principes de la concurrence. Dans les autres Etats-membres de l’UE, la commercialisation des grains est libre. Notre pays est en effet le seul a avoir conçu un statut particulier d’organismes collecteurs « agréés », puis maintenant « déclarés », qui seuls sont autorisés à acheter des céréales aux agriculteurs. Un sondage réalisé par notre syndicat en 2010, montre que 98 % des agriculteurs, toutes tendances syndicales confondues, demandent la libéralisation du commerce des céréales pour améliorer leur compétitivité, qu’ils soient céréaliers ou éleveurs.

Les fournisseurs d’aliments les plus évidents des éleveurs sont par définition les producteurs de grains. La proximité est souvent une source d'économie de transport appréciable. Mais aujourd'hui notre réglementation oblige tout éleveur à se fournir en grains auprès d'un organisme collecteur. Ce passage obligatoire par une structure intermédiaire se traduit par un surcoût estimé en moyenne à 10,70 euros par tonne de céréales, constitué par la   marge de l’organisme collecteur (source La Dépêche Commerciale et Agricole).

Les réflexions des agriculteurs de la Coordination Rurale et de l’Organisation des Producteurs de Grains aboutissent à vous proposer un système simple adossé à l’établissement FranceAgriMer qui permette d’autoriser et faciliter les transactions directement entre agriculteurs sans faire appel à un organisme collecteur afin d’optimiser les coûts et de favoriser les transactions de proximité.

FranceAgriMer pourrait aider les agriculteurs dans ces démarches de proximité par des outils, solutions ou documents en ligne.
Une solution simple et peu coûteuse pourrait être de créer sur son site un espace dédié à la conclusion des contrats en ligne, permettant au vendeur et à l’acheteur de contractualiser à partir de documents types (répondant aux conditions générales des formules Incograins 19 ou 20 notamment) en cosignant en ligne ce document tenant lieu de contrat.
Tout litige pouvant survenir lors de l’exécution de ce contrat serait du ressort de la Chambre arbitrale de Paris, FranceAgriMer n’étant que le garant de la signature effective des cocontractants.

L’intérêt économique d’une telle proposition en faveur d’un circuit court se traduit par un gain de 7 500 € (10,7 €/tonne de marge comme cité plus haut) pour un élevage de porcs français moyen qui consomme 700 tonnes de céréales par an. Cette estimation peut être considérée comme minimaliste dans la mesure où un organisme collecteur prend cette marge à l’achat par rapport au cours du marché, et une autre marge lors de l’acte de vente à l’éleveur, ce dernier achetant généralement à un prix supérieur au cours de la zone géographique. C’est donc plutôt une marge de 15 000 € par élevage qui pourrait être récupérée ; même si l’ampleur du déficit relativise l’impact de cet avantage il est indéniable que son cumul d’année en année permettrait de rendre de la compétitivité à nos éleveurs.

De façon à pousser plus loin cet avantage des transactions directes mais aussi pour simplifier au maximum la démarche des producteurs de céréales et de viande souhaitant réaliser leurs transactions sans intermédiaire, la CR et l’OPG demandent que celles-ci soient exonérées de CVO (0,51€/tonne) et de taxe FranceAgriMer (0,36€/tonne). Cette exonération se justifie dans la mesure où les CVO et la taxe FranceAgriMer ne sont pas levées sur les quantités autoconsommées ni sur les produits importés tels que le maïs ukrainien ou le corngluten feed américain. Une telle décision serait un signal positif en faveur d’une alimentation animale de proximité.

Certains de l’intérêt que vous porterez à notre proposition nous demeurons à votre disposition pour vous apporter de plus amples informations si nécessaire et nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.

Bernard Lannes
Président de la Coordination Rurale Union Nationale

Nicolas JAQUET
Président de L’Organisation des Producteurs de Grains

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