Le consommateur ne mange pas directement du blé, du maïs, du colza. Les produits des grandes cultures sont destinés en premier à l’alimentation animale, puis à l’industrie agroalimentaire (meunerie, biscuiterie, huilerie…) et enfin à des utilisations industrielles, principalement les agrocarburants.

Par effet domino, avec des équilibres qui existent entre toutes les productions agricoles, le prix du blé a un effet sur l’ensemble des productions agricoles. En d’autres mots, le blé est à l’agriculture ce que le diapason est à l’orchestre : toutes les autres productions s’accordent sur le signal de prix envoyé par le blé.

Il serait donc vain de chercher à améliorer les marges dans de nombreuses productions agricoles sans volonté d’agir sur le prix des céréales.

Cependant, depuis une trentaine d’années les filières françaises de grains ont misé plus sur les exportations vers les pays tiers et l’amélioration du solde de la balance commerciale française que sur la fonction nourricière de l’agriculture, allant même jusqu’à oublier la dimension européenne de notre politique agricole. Résultat, les 2/3 des exportations françaises de blé se font vers les pays tiers, donc au cours mondial.

L’Europe reste pourtant très déficitaire en grains : nos importations de céréales secondaires, soja et autres aliments composés du bétail représentent le double de nos exportations de blé. Nous en sommes arrivés à des aberrations qui :

a) déforment nos balances commerciales et pèsent sur les prix agricoles locaux.

  • nous importons du maïs d’Ukraine pour pouvoir, par voie de substitution, réexporter du blé,
  • nous nous interdisons de cultiver du soja dans les régions céréalières pour ne pas nuire aux exportateurs de blé qui font coup double en important le soja.

b) sont en opposition avec la recherche d’une alimentation saine

  • nous brulons dans nos moteurs notre bonne huile de colza riche en Omega-3, incitant l’industrie agroalimentaire à importer de l’huile de palme,
  • nous baissons les bras face aux importations de millions de tonnes de soja OGM, incapables de mettre en place une alternative, nous contentant d’interdire la culture du maïs OGM…

Pour exporter du blé face aux moins-disants sur le marché mondial, ou pour assurer la compétitivité des usines de Diester dans le secteur des carburants, la variable d’ajustement - simple et toujours efficace - reste la même : le prix des grains payés à nos paysans !

Si les États généraux de l’alimentation ignorent ces réalités et ne s’y attaquent pas, ils ne seront qu’hypocrisie.

Pour réussir, le cadre de ces États généraux doit être européen et non national. La responsabilité des accords commerciaux de libre-échange doit être reconnue comme cause majeure de la paupérisation de notre agriculture : il n’y a d’excédents que d’importations ! Ces importations torpillent ou contaminent notre marché européen. Comme face à une maladie infectieuse, il est plus facile et moins coûteux de s’en protéger que de gérer les crises qui en découlent.

Nicolas Jaquet, Président de l'Organisation des producteurs de grains (OPG) de la CR

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