Le rapport annuel 2022 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) est sorti le 22 juin dernier avec des résultats ambivalents. Si les prix de vente du blé ont pu augmenter, les charges, elles aussi, ont grimpé en flèche. Résultat : les prix ne couvrent toujours pas les coûts de production pour les céréaliers.
Des résultats en demi-teinte pour le blé dur
L’OFPM ne détaille pas autant les données des exploitations productrices de blé dur pour les pâtes que celles qui produisent du blé tendre, ce qui rend l’analyse moins complète. De plus, les chiffres utilisés par l’OFPM sont ceux de 2022 (voire 2023) en ce qui concerne la récolte, les prix et les marges, mais ceux de 2021 pour ce qui concerne les résultats des exploitations (détail du compte de résultat). Il manque donc des éléments pour réaliser une analyse précise de la campagne 2022.
Concernant le blé dur, les données de l’OFPM montrent une certaine hétérogénéité des situations individuelles des exploitations. Les moyennes pour la campagne 2022 n’ont sans doute jamais eu autant de variabilité, que ce soit au niveau des coûts de production comme des prix de vente. Le rapport souligne que les moyennes présentées masquent certaines situations individuelles qui ont été très difficiles, notamment pour des agriculteurs qui ont vendu leur blé tôt pour pas cher et qui ont acheté les engrais tard, pour très cher.
Toujours plus chère la baguette
Le prix de la matière première blé tendre (MPBT) augmente fortement en 2022 par rapport à 2021, passant de 0,29€/kg de baguette au détail (BAD) à 0,41€/kg de BAD. Il s’agit d’une augmentation presque deux fois supérieure à la période 2018-2020 et le niveau le plus haut jamais atteint depuis 2010. Cependant, en 2022, si la MPBT (en kilogrammes de baguette) est de 0.41 €, elle n’est que de 0.10 € par baguette de 250g. Avec un prix du blé maximum pour cette même année de 285 €/T (référence de l’OFPM), le prix payé aux producteurs par baguette n’est que de 5 ct €.
Au niveau de la meunerie, après un cycle de baisse de la marge brute amorcé en 2017, celle-ci augmente faiblement en 2022 (de 0,01€/kg de BAD). L’aval de la filière quant à lui poursuit sa progression en termes de marge brute mais de manière plus mesurée que les années précédentes (+0,02€/kg de BAD).
De façon certaine face à l’augmentation du prix de la MPBT, la part de celle-ci dans le prix moyen annuel au détail de la baguette poursuit sa progression amorcée depuis 2016 pour atteindre 11,4 % en 2022.
C’est finalement au niveau de la baguette au détail que l’augmentation se répercute : le prix augmente plus fortement que les années précédentes (+4,5%), passant de 3,58 € à 3,74 €/kg de BAD.
Ainsi tout le monde se rejette la responsabilité de l’augmentation sans l’assumer, accusant tantôt les céréaliers, tantôt l’artisan-boulanger.
Bien que le rendement moyen augmente (de 7,4 T/ha à 8,2 T/ha de blé tendre) et que le prix du blé bondit de +53 €/T (de 232 €/T à 285 €/T), les producteurs ne s’y retrouvent toujours pas face :
– aux coûts de productions qui continuent d’augmenter (+29 €/T entre 2021 et 2022) suite notamment à l’augmentation du coût des engrais et de l’énergie ;
– aux aides à la tonne de blé qui baissent de 2 €.
La rémunération standard prise en compte pour le travail des chefs d’exploitation est elle aussi toujours trop faible, puisqu’elle est fixée à hauteur de la rémunération nette d’un chauffeur de tracteur qualifié niveau III, échelon 1 soit environ 1,2 SMIC net.
Pour rappel, la CR préconise qu’un agriculteur puisse être rémunéré à hauteur de deux fois le SMIC.
Que l’on ne s’y trompe pas, 2022 avec ses voyants presque « au vert » est une année en trompe l’œil qui ne doit pas faire oublier ni les années précédentes où le prix des productions (voire la hauteur des aides) était inférieur aux coûts de production, ni l’hétérogénéité des situations des exploitations agricoles (sur le sujet de la commercialisation, de l’achat d’intrants, etc.), ni le risque que fait planer une inversion du marché.
La campagne 2023 s’avère déjà délicate avec un effet ciseau à venir : on voit déjà apparaître une chute des prix de vente du blé alors que les coûts de production ne baissent pas.