Dossier Nitrates

Comme ce fut le cas lors de la « consultation nationale » sur les projets de textes régissant le Plan d’action national contre les nitrates, la CR déplore le réel manque de concertation sur ces questions essentielles. En effet, malgré le fait que ce type de consultations est une obligation légale, le citoyen lambda, même s’il réside dans une zone concernée par la réglementation proposée, pourra difficilement se prononcer judicieusement sur des textes aussi techniques concernant les agriculteurs.

Dès lors, cela laisse plein champ aux lobbyistes - qui n’ont aucune représentativité réelle au sein de la société car ils ne sont soumis à aucun vote d’aucune sorte – de peser sur les textes. En outre, les organisations représentatives dont la CR fait partie se voient en fin de consultation transmis les textes définitifs contenant d’éventuelles évolutions, mais sans aucune justification de ces dernières. Le déni démocratique entériné par ces pratiques et le manque de transparence sont évidents.

Ceci étant dit, la CR tient néanmoins à assumer son rôle de défense des agriculteurs avec bon sens, et donc à apporter son analyse au regard des textes qui sont proposés.
Globalement, le renforcement des mesures applicables  -qu’elles soient en amont ou en aval des zones considérées comme « à problème »- est inacceptable pour les agriculteurs, à qui on a déjà imposé de très coûteuses mises aux normes. En effet, la norme de 50mg de nitrate par litre d’eau n’a plus aucune base scientifique et médicale et c’est bien le phosphore rejeté par les stations d’épuration qui est en cause dans la prolifération des algues vertes.

La CR insiste sur l’innocuité réelle des nitrates, désormais reconnue par des professionnels de la santé de haut vol. En outre, la responsabilité des nitrates dans la prolifération des algues vertes est fortement remise en cause et nous estimons même que la disparition totale des élevages bretons ne permettrait sans doute pas de résoudre le problème. Les pouvoirs publics devraient donc enfin s’interroger en toute conscience sur la nocivité des réglementations mises en place pour l’agriculture et les agriculteurs. Pour la CR, seul un débat objectif sur les nitrates rassemblant des chercheurs ayant travaillé sur le sujet au niveau international permettra de sortir du dogmatisme actuel. Vous trouverez notre analyse plus détaillée et argumentée en fin de document.

Commentaire spécifique sur les textes proposés

Le solde de la balance globale azotée (BGA), d’abord faussement présenté comme une sorte d’aide au pilotage pour l’agriculteur, est désormais limité et on imagine aisément, à l’heure de la « simplification » promue par le gouvernement, combien de paperasse et de temps perdu supplémentaires les déclarations des flux d’azote engendreront pour les agriculteurs. En outre, le fait que le calcul pour la BGA porte sur l'ensemble des terres de l'exploitation - que lesdites terres soient ou non situées sur zone concernée – va encore plus loin dans le dogmatisme anti-nitrates.

Quant à un éventuel dépassement de la quantité d’azote épandue au sein d’une zone de surveillance, il nous semble plus pertinent de considérer non pas un dépassement annuel mais sur plusieurs années consécutives (3 ans au moins comme c’est le cas pour la BGA) pour tenir compte des aléas liés à la production agricole, avant d’imposer des quotas d’azote par exploitation.

Les Préfets préciseront les quantités d'effluents par exploitation devant être traités ou exportés : ce rôle de garant scientifique accordé à ces hauts fonctionnaires nous interroge quant à leurs capacités effectives à jauger la situation et on craint – sans doute hélas avec raison - que les lobbyistes ne soient là encore les mieux placés pour leur imposer leur bon vouloir.

Au final, les éleveurs devront :

  • exporter de l’azote, mais on craint qu’il y ait de moins en moins de terres disponibles et que le coût de cette exportation soit rédhibitoire.
  • traiter l’azote, mais là encore se pose le problème du coût supportable pour les éleveurs.
  • réduire les sources, en diminuant le cheptel et/ou en limitant les apports d'engrais : il s’agit donc là une fois encore d’un affaiblissement délibéré de notre agriculture, à l’heure où il faut faire face à un besoin alimentaire croissant, et que la question de la qualité sanitaire de ce que nous importons, se pose de manière inquiétante.

Page 2 => Réflexion sur le fond quant aux nitrates

Réflexion sur le fond quant aux nitrates

1) Les nitrates ne sont pas dangereux pour la santé

D’où vient le taux limite de 50 mg/L pour les nitrates dans l’eau potable ?
Des cas de « maladie des bébés bleus » (méthémoglobinémie des nourrissons) ont été signalés en France jusque dans les années 70, lorsque des biberons étaient confectionnés avec de l’eau de puits, et, plus rarement, par le biais de conserves familiales de légumes, dans des conditions d’hygiène défectueuses. En effet, sous l’effet de bactéries, les nitrates se transformaient parfois en nitrites, avant l’ingestion par le très jeune nourrisson. Les nitrites se fixaient sur l’hémoglobine, le nourrisson ne disposant pas encore d’un système enzymatique adapté, d’où les insuffisances respiratoires. Grâce aux progrès de l’hygiène, les cas ont disparu dans les pays industrialisés ces dernières décennies. (source : F. Testud, Centre anti-poison de l’Hôpital Herriot de Lyon - Symposium national de médecine agricole de Tours, 2002).


C’est ce risque, mal compris à l’époque, qui avait conduit les autorités sanitaires à établir, dans le cadre de la directive de 1975 et de façon complètement empirique, la norme de 50 mg/L, toujours en vigueur.

Extrait d’un article publié sur le site de la France Agricole (4 avril 2011) relatant un colloque médical international tenu à Paris :
« Aujourd'hui les nouvelles études sorties montrent au contraire le caractère essentiellement positif sur l'organisme du complexe nitrates-nitrites-oxyde d'azote.
Dans son intervention, le professeur Nathan Bryan (Université d'Austin, Texas) a souligné « qu'il y a nombres d'études – sans controverse – qui montrent l'effet protecteur des nitrates et des nitrites vis-à-vis des risques cardio-vasculaires ».
Andrew Jones (Université d'Exeter, Grande-Bretagne) a montré l'impact d'une supplémentation en nitrate alimentaire (via du jus de betterave rouge) sur la performance musculaire, la résistance à la fatigue et la propension à consommer moins d'oxygène. Une découverte utile pour les personnes âgées, les insuffisants respiratoires, etc.
Le professeur Jean-Claude Dussaule (hôpital Saint-Antoine) a expliqué que certains travaux expérimentaux montrent que l'apport en nitrites et nitrates, en favorisant la synthèse d'oxyde nitrique, a un rôle protecteur contre les maladies rénales chroniques.
L'équipe du professeur Jon Lundberg (Karolinska Institute, Suède) a mis en évidence sur des souris et des rats l'effet fortement protecteur des nitrates contre l'hypertension et les dysfonctionnements rénaux.
Une étude étonnante réalisée en 2007, citée par le docteur L'Hirondel, montre que des Tibétains vivant à 4.200 m d'altitude ont un taux plasmatique moyen en nitrates 5,9 fois plus important que des Américains à 260 m. Une adaptation à l'altitude qui interpelle. Compte tenu de l'effet vasodilatateur des nitrates (autrement dit, la tuyauterie sanguine est plus ouverte), de leurs effets sur la performance musculaire et d'une moindre exigence en oxygène, pourrait-on expliquer avec cela la formidable résistance des sherpas à haute altitude ?
Nathan Bryan a fait une proposition de classement de 300 aliments testés selon leur indice en oxyde nitrique afin de traduire en aspects pratiques les diverses effets bénéfiques observés. Dans le peloton de tête sortent notamment le jus de betterave rouge, les épinards et la chicorée. »


Il est d’autre part aujourd’hui prouvé que l’effet soi-disant cancérigène des nitrates est en réalité inexistant. D’ailleurs, on estime que 80 % des nitrates ingérés par l’homme le sont par les légumes (certains comme la salade ou les épinards en contiennent des quantités très importantes, plus de 2 à 3000 mg/kg), qui sont fortement recommandés dans l’alimentation quotidienne. Les nitrates des légumes et ceux de l’eau, considérée comme dangereux au-delà de 50 mg/L, sont pourtant les mêmes molécules et bien malin serait celui capable de les distinguer !

Aujourd’hui, il est certain que les nitrates ne présentent que des effets bénéfiques pour la santé.

2) Aucun lien entre développement agricole et prolifération des algues.

La présence d’algues vertes sur les côtes françaises est reconnue depuis le début du XXe siècle, bien avant le développement des élevages hors-sol. Leur répartition dans le monde n’est pas forcément associée à des activités agricoles « intensives ». On en trouve ainsi dans les fjords de Norvège. Quant à la baie de Lannion (qui a fait l’objet de l’attention des médias), les agriculteurs des bassins versants en amont pratiquent une polyculture-élevage (lait, viande bovine) s’appuyant sur des surfaces importantes en prairies, et quasiment pas d’élevage hors-sol de porc ou de volaille, qui sont habituellement accusés. Enfin, le phénomène ne s’observe pas dans l’estuaire de la Loire, la rade de Brest ou la baie de Vilaine, qui reçoivent de grandes quantités d’azote.

D’après des travaux de l’Ifremer, les quantités d’algues ne semblent pas dépendre des quantités d’azote apportées chaque printemps par les cours d’eau. Les teneurs en nitrates dans les cours d’eau bretons sont aujourd’hui de l’ordre de 25 à 30 mg/L (la norme imposée par la directive nitrates étant de 50 mg/L). En fait, l’estimation des besoins des algues montre qu’ils sont infimes (100 à 200 fois moindres) par rapport aux quantités apportées par les cours d’eau. Si l’azote en milieu marin ne provenait que des cours d’eau (ce qui est loin d’être le cas, ne serait-ce qu’en tenant compte de la fixation biologique de l’azote atmosphérique), il faudrait le réduire de manière telle que les objectifs seraient impossibles à atteindre, même en éliminant tous les élevages de Bretagne !
Il faut préciser que les baies propices aux algues vertes présentent deux caractéristiques : la présence d’une plage de sable à faible pente et le piégeage de l’eau en fond de baie. Ces conditions favorisent l’effet de lagunage et limitent la dispersion vers le large.

3) L’autre explication possible : le phosphore

Des mesures réalisées sous contrôle d'huissier en sortie de station d’épuration de plusieurs villes, ont montré que les taux d’azote et de phosphore peuvent « exploser » les normes autorisées. Hélas, les pouvoirs publics restent sourds. Selon le Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE, géré par le ministère de l’Agriculture), l'azote provient des déjections humaines, des eaux de cuisine et de certains produits ménagers. Quant au phosphore, les excrétions humaines en seraient la source principale dans les cours d’eau (Dernat et al., 1994), sans compter celui issu des produits ménagers et rejets industriels (effluents d’industries agro-alimentaires, laveries, abattoirs, industries chimiques, etc.). Pour ce qui est des phosphates agricoles, le FNDAE confirme qu’ils ne se retrouvent pas dans les eaux usées car ils sont fixés par les sols, sauf en cas d’érosion.

Conclusion

Prenons du recul par rapport aux actions menées depuis 30 ans : la quantité de nitrates dans les cours d’eau a bien diminué, sans que l’on observe de baisse sensible de la prolifération des algues. Il est surprenant que seul l’azote apporté par les cours d’eau fasse l’objet des recommandations actuelles. Les actions de terrain, s’appuyant sur la biologie des écosystèmes marins, semblent la voie la plus prometteuse pour comprendre et limiter le phénomène de prolifération des algues. Ainsi, tant que ce problème n’aura pas fait l‘objet d’approche scientifique et non partisane de la part des pouvoirs publics et de certains chercheurs, il ne sera pas résolu !

Malgré toutes les mesures plus ou moins inutiles qui s'ajoutent aux contraintes existantes, on ne pourra pas apporter satisfaction aux récriminations de la Commission. En effet, de graves lacunes existent dans la capacité de traitement et l’efficacité des stations d'épuration. Les besoins des plantes en azote sont en outre proportionnels aux productions qu'on en attend. Or, on souhaite de l'agriculture qu'elle relève le défi alimentaire de demain. Il faut donc lui en donner les moyens ;

On se trompe de cible en accablant les agriculteurs. C’est à la révision de la norme de 50 mg/L qu’il faut s’attaquer. D’ailleurs, la directive de 1991 indique « qu'il convient d'instituer un comité chargé d'assister la Commission dans l'application de la présente directive et son adaptation au progrès scientifique et technique ». Il est donc plus qu’urgent d’organiser une conférence réunissant les experts de l'environnement et de la santé pour établir que la norme en vigueur n'est plus pertinente.

La question centrale est finalement du ressort de la détermination politique face aux dérives et à la désinformation.

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