Jeudi 13 juillet 2017, Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, recevait la Coordination Rurale pour la première rencontre officielle. Bernard Lannes et François Lucas ont ainsi pu s'entretenir pendant une heure et quart avec le nouveau ministre et Bruno Ferreira, son directeur adjoint de cabinet chargé de la politique agricole commune et des relations diplomatiques. Ils nous racontent cet entretien. 

Quelles impressions générales avez-vous suite à cette rencontre ?

Bernard Lannes : Ce premier rendez-vous s’est bien passé. Nous avons trouvé un homme ouvert, facile d’accès. Nous nous y attendions : les adhérents de la CR de la Manche nous l’avaient ainsi décrit. Il connaissait la plupart des dossiers et n’avait pas besoin d’aide pour répondre à nos interrogations. François Lucas : Sur quelques sujets, il a reconnu son peu de connaissances. Par exemple, lorsque nous avons évoqué les projets de régionalisation des chambres d’agriculture ou le monopole d’un autre syndicat dans le dialogue social en agriculture. Nous avons senti que notre point de vue l’intéressait grandement.

Les grandes difficultés financières auxquelles font face les agriculteurs ont-elles été abordées ?

François Lucas : Nécessairement. Nous lui avons fait part de notre exaspération concernant les retards de paiement des aides. Il faut comprendre que les plans de soutien, relayés par des avances sur trésorerie ou sur approvisionnement, sont soumis à des conditions scandaleuses. Bernard Lannes : Ce ministre arrive à un moment tristement historique : un moment où l’on n’a jamais vu l’agriculture dans un tel état. Nous lui avons rappelé – et nous l’avions ainsi analysé lors de sa mise en place – que le plan Valls n’a rien apporté pour le désendettement des fermes. Les banques ont même renvoyé vers les coopératives certains agriculteurs très en difficulté.

Puisqu’on en parle, sur quelles orientations les discussions relatives à la coopération ont-elles porté ?

François Lucas : Nous avons expliqué au ministre notre point de vue sur les dérives d’une certaine coopération. A ce titre, il nous semble absurde que le conseil d’administration du Haut Conseil à la coopération agricole ne comporte plus de représentation des agriculteurs. Bernard Lannes : Nous avons réitéré notre demande de l’intégrer au plus vite. Son prédécesseur avait émis un avis favorable mais il n’a rien fait ensuite… Stéphane Travert s’est engagé à nous répondre rapidement. Nous avons également émis le souhait que le ministère diligente un audit de la coopération.

Comment a-t-il réagi aux propositions de réguler les marchés et les productions ?

Bernard Lannes : Nous avons pris l’exemple du programme de réduction de la production laitière récemment mis en place par la Commission européenne. Il était basé sur le Programme de responsabilisation face au marché (PRM) que nous défendons avec l’European Milk Board. Il a permis une remontée des prix et encore, en n’ayant été appliqué que partiellement et très tardivement. Stéphane Travert paraissait connaître déjà notre position mais il ne s’est pour l’instant pas engagé. Il observe, il écoute. Il est normal qu’il ne s’engage pas pour l’instant. Mais il va falloir qu’il le fasse rapidement… François Lucas : Concernant la régulation et plus largement la réglementation, nous lui avons aussi indiqué qu'un autre chantier important devait être ouvert en plus de la simplification administrative : celui de l'harmonisation des règles au sein de l'Union européenne, notamment sur les plans sanitaire et environnemental. Bernard Lannes : Parler de simplification nous a ainsi permis de revenir vers lui concernant l’installation, notamment en demandant un allègement et une simplification des règles pour les installations. Il a indiqué qu’un chantier allait être ouvert et qu’il recevrait alors de jeunes agriculteurs pour y travailler.

Le lancement des États généraux de l'alimentation (EGA) a lieu aujourd'hui. Comment le ministre vous semble-t-il aborder cet événement ?

Bernard Lannes : Stéphane Travert a bien placé les choses : si les EGA sont lancés officiellement le 20 juillet, les travaux concrets ne débuteront quant à eux que le 29 août. En attendant, une consultation aura lieu. Probablement sur Internet. Avec tous les risques d’accaparation des débats par quelques associations aux idéologies extrémistes que nous avons déjà connus sur d’autres sujets… François Lucas : Nous avons fait part de notre souhait de participer à tous les ateliers des EGA. Nous lui avons réitéré notre demande de piloter la table ronde 6 des EGA sur la fixation des prix. Et puis, nous espérons une progression concernant l’étiquetage pour qu’il permette une traçabilité intégrale sur les marges et revenus des agriculteurs sur chaque produit. Bernard Lannes : François a également indiqué qu’il était regrettable qu’ait disparu le mot « agriculture » de l’intitulé même de ces travaux. Stéphane Travert a indiqué que ces EGA auraient pour objectif de mettre l’agriculture face aux « attentes » de la société et des consommateurs. De nombreuses études et analyses existent déjà. Nous les connaissons. Ce n’est pas cette meilleure connaissance des attentes qui nous permettra de retrouver des prix à nos produits sortie ferme. François Lucas : C’est vrai. Nous lui avons dit notre scepticisme sur l’efficacité de cette démarche pour apporter une solution radicale et définitive à la grave crise que nous vivons : le partage des marges, peut-être, mais si les prix de base restent liés aux cours mondiaux, cela ne changera pas grand-chose. Ce qu’il nous faut prioritairement, c’est une PAC protectrice. Le ministre ne doit pas faillir sur ce point !

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