La cartographie des cours d’eau relevant de la Police de l’eau a pour objectif de servir de référence à tous les usagers concernés, propriétaires et exploitants riverains, collectivités, entreprises, pour vérifier les obligations réglementaires qui s’appliquent.

Pour clarifier une situation qui semblait peu précise dans certains secteurs, une ministre a eu la Royal(e) idée de réviser cette cartographie des cours d’eau pour mieux encadrer leur entretien. Une définition précise d’un cours d’eau a été établie en trois points :
  • la présence et la permanence d’un lit, naturel à l’origine ;
  • l’alimentation par une source ;
  • un débit suffisant une majeure partie de l’année.

Entretien avec Christian Rastello, céréalier et viticulteur à Pourrières.

Quelles sont les conséquences de cette révision de la cartographie des cours d'eau dans le Var ?

Dans le Var, et plus généralement dans les zones méditerranéennes, les rivières peuvent sécher en été. A titre d’exemple, l’Issole n’a pas coulé pendant une partie de l’été 2016. Pour autant, ce type de constats n’arrête pas la volonté de nos technocrates : ils ont établi, pour pallier ce problème, un logigramme d’interprétation des écoulements. Qu’est-ce qu’un logigramme ? Tout simplement un "fabuleux" tableau à plusieurs entrées - mais avec peu de sorties différentes - grâce auquel même un ruisseau qui ne coule que trois jours par an est classé comme un cours d’eau… Une première ébauche de carte a été réalisée par interprétation informatique et beaucoup, mais vraiment beaucoup de ruisseaux, fossés, etc. ont été classés en cours d’eau. S’appliquent alors les règlementations inhérentes à ce classement. Et elles sont extrêmement contraignantes.

Qui réalise la carte des cours d’eau ?

Pour confronter cette carte aux réalités du terrain, la maîtrise d’œuvre revient à la Direction départementale du territoire et de la mer, plus communément appelée DDT. Dans le Var, cette mission a été confiée à la directrice adjointe du service de l’Eau et des milieux aquatiques, Mme Canal (ça ne s’invente pas). Son travail est gigantesque. Elle doit vérifier un à un les plus de 7 000 « tronçons hydrauliques », tels qu’ils sont appelés, situés en zones agricoles. La chambre d’agriculture du Var a apporté fin 2015 sa contribution en organisant dix réunions sur tout le territoire varois. Au vu des enjeux, c’est peu voire très peu. A l’issue de ces réunions, beaucoup d’incohérences ont tout de même été signalées et une modification a été demandée. Mais c’était sans compter sur la sacrosainte Police de l’eau, qui veille et qui a souvent du mal à accepter que de simples agriculteurs, des hommes et femmes de terrains, contestent sa vision des choses.

Ces contestations ont-elles donné lieu à modification du projet ?

Sur quelques communes, des expertises contradictoires ont eu lieu en présence de la DDTM, de la chambre d’agriculture, de responsables agricoles et de la Police de l’eau. La copie a été revue à la marge, et la carte corrigée mais à la marge également. Il y a quelques semaines, la chambre d’agriculture a transmis un lien Internet pour que chaque agriculteur et/ou propriétaire puisse examiner et éventuellement apporter des remarques sur la nouvelle cartographie.

Tout agriculteur ou propriétaire peut donc solliciter des modifications du projet de cartographie ?

Le choc de simplification étant passé par là, la procédure est « très simple », et très moderne (sourire) : il faut remplir manuellement, sur papier, une fiche navette, mentionnant les références du déclarant et les coordonnées GPS du tronçon, devant se trouver sur la dite carte. Mais le logiciel n’ayant pas référencé tous les tronçons, il faut tout simplement faire une capture d’écran et la joindre à la déclaration. Et ceci autant de foi qu’il y a de tronçons. Ayant l’impression, pour ne pas dire la certitude, que « l’on se fout de nous », la Coordination Rurale du Var demande des comptes à la DDTM. Celle-ci tarde à répondre aux mails et semble traîner des pieds pour mettre en ligne une carte corrigée. Une nouvelle carte améliorée mais perfectible a été mise en ligne le 15 mai, mais on ne sait pas combien de temps on aura pour solliciter des modifications. Du coup, un grand doute commence à planer sur cette affaire. A qui profite-t-elle ?

En effet, pourquoi semble-t-il si compliqué d’établir une carte des cours d’eau du département, et surtout pourquoi une multitude de fossés et de petits ruisseaux seraient-ils à tout prix classés en cours d’eau?

La réponse n’est en aucun cas officielle. Pour autant, connaissant les arcanes de la logique technocratique et politique qui nous gouverne, il nous paraît vraisemblable que tous les écoulements d’eau (ruisseaux, fossés, etc.) qui n’ont pas le statut de cours d’eau puissent être entretenus quasiment comme bon lui semble par chaque propriétaire ou agriculteur. L’eau peut donc s’y écouler librement. En revanche, l’entretien d’un cours d’eau classé comme tel est très réglementé et soumis, notamment dès qu’il y a des travaux conséquents, à l’autorisation de notre sacrosainte Police de l’Eau. Malheur à celui qui tenterait de trop faciliter l’écoulement rapide de l’eau… Ainsi, plus il y aura de ruisseaux classés en cours d’eau dans les zones agricoles en amont des zones urbanisées, plus il sera difficile aux agriculteurs de les entretenir, et plus l’eau sera freinée, plus les terres agricoles s’inonderont, et serviront de bassins de rétentions – gratuits il va de soi - pour protéger les zones urbanisées en aval.

En somme, sous couvert d’actions bénéfiques pour les écosystèmes et à moindre coût pour le contribuable, notre administration est en train de transformer nos terres agricoles en zones de rétention des crues. Ces enjeux dépassent le simple cadre agricole. Tous les propriétaires fonciers, tous les citoyens résidant sur notre territoire doivent s’impliquer dans ce processus pour que nos terres ne soient pas sacrifiées, supposément au nom de l’intérêt général. A la Coordination Rurale, nous restons vigilants. Il nous paraît très important de ramener du bon sens dans ce dossier et de rationaliser les conséquences de cette nouvelle cartographie.

Dans la même catégorie

CR 83
Provence Alpes-Côte-d'Azur
CR 83
Provence Alpes-Côte-d'Azur