Depuis plusieurs années, certaines filières agricoles connaissent des difficultés et plus particulièrement le secteur de l’élevage, allaitant dans un premier temps, et laitier par la suite. Aujourd’hui toutes les filières agricoles sont à la peine sauf les productions en circuits courts ou sous signes de qualité, qui arrivent à dégager un revenu correct, mais jusqu’à quand ?

La résilience légendaire de l’agriculture, sur laquelle s’appuyait les diverses politiques agricoles pour nous soumettre au libre-échange mondial et à des contraintes environnementales drastiques, a fait place à une fragilité extrême de nos systèmes de production, au point de ne plus pouvoir surmonter les aléas climatiques. La campagne 2016, qui a entraîné la grande majorité des exploitations agricoles dans le rouge, est révélatrice de la vulnérabilité de notre agriculture.

Et ce n’est pas l’ensemble des aides misent en place (fond de garantie, FAC, aide à la réduction de production laitière, dégrèvement d’impôts, audits divers...) auxquelles nous ne pouvons pas prétendre la plupart du temps, qui vont nous permettre de passer ce cap difficile !

Le mot « crise », régulièrement employé pour qualifier la situation actuelle de l’agriculture, n’est plus valable. Une crise est ponctuelle et ne s’inscrit pas dans la durée, hors depuis une douzaine d’années les difficultés s’accumulent au point de mettre en danger un grand nombre d’exploitations. Nous sommes dans une évolution (économique, climatique et sociétale) profonde et rapide de notre activité. L’acte de production agricole est régi par des règles et des normes très strictes dans notre pays, alors que la vente de nos produits est soumise au libéralisme des marchés mondiaux. De ce fait, nos coûts de production explosent, devenant plus élevés que ceux de nos concurrents qui nous imposent leurs prix de vente. De plus, les exploitations agricoles se sont spécialisées sous l’effet combiné de la PAC et des différentes politiques d’organisations mondiales des marchés, ce qui a entraîné une individualisation des filières et une spécialisation par zone de production sur le territoire national, rendant encore plus vulnérable notre outil de production (crise sanitaire, problèmes environnementaux…).

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Face à ce constat, l’agriculture est en train d’évoluer dans sa façon de produire et deux voies sont clairement en place.

Pour répondre aux attentes sociétales de plus en plus fortes, des circuits courts sont apparus, organisés par des petits producteurs proches des lieux de consommation, afin de proposer des produits de qualités, le plus souvent bio. Il faut également mentionner le développement des AOP ou des AOC. Seule ombre au tableau : la grande distribution, qui est en train de s’emparer d’une partie de la commercialisation de cette production de qualité, lui imposant des méthodes opposées au concept originel.

D’un autre côté, afin d’abaisser les coûts de production, une forte industrialisation de certaines filières est en train de se mettre en place, comme en production laitière où les exploitations familiales vont progressivement laisser leur place à de grosses fermes. Cette tendance commence à toucher d’autres productions comme les céréales.

Afin de pérenniser notre métier, tout en assurant le développement économique des territoires les moins favorisés, une troisième voie doit se mettre en place, grâce à une politique agricole nationale plus adaptée aux spécificités françaises. La survie de la plupart d’entre nous dépend du rétablissement de moyens de protection et de régulation des marchés, d’une plus juste répartition de la valeur ajoutée entre les acteurs économiques des filières et du retour à une mixité des moyens de production (entre élevage et cultures végétales) avec une meilleure répartition sur le territoire national, dans le but d’abaisser nos coûts de production et de résoudre certains problèmes techniques de façon plus naturelle.

Nous devons faire face, également, à des écarts croissants de performance entre les exploitations que ce soit sur le plan technique ou économique, et cela dans toutes les productions et dans toutes les régions. Les moyennes servant d’indicateur de l’état de santé des fermes ne veulent plus rien dire. Même dans cette période difficile, certaines exploitations arrivent à dégager du revenu car elles bénéficient d’un contexte pédoclimatique avantageux certes, mais surtout grâce à une gestion rigoureuse et une anticipation de l’évolution de notre métier.

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L’agriculture française, dans sa diversité, a un énorme potentiel pour répondre à ces défis. Elle doit s’appuyer sur ses propres ressources sans chercher de boucs émissaires ni rêver aux miracles et encore moins céder à la tentation du repli sur soi. Une partie de la solution est dans les mains des agriculteurs. Il faut changer notre mode de pensée en adaptant l’enseignement et la formation agricole et ne plus produire pour produire, mais pour répondre à des marchés, qu’il faudra peut-être susciter.

fff Jean-Bernard BOURDOT Secrétaire général de la CR21

(rapport moral 2016)

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