François Lucas, vice président de la Coordination Rurale

2 000 foyers d'agriculteurs, c'est le nombre de personnes concernés, terrassés et angoissés face aux conséquences économiques, financières et humaines générées par la décision du Préfet de suspendre la quasi-totalité des prélèvements d'eau pour l'irrigation agricole.
La CR 17 a réagit et a envoyé une lettre ouverte au Préfet, pour lui demander d'assouplir ses prises de décision.

Monsieur le Préfet,

Vous avez pris la décision de suspendre la quasi-totalité des prélèvements d'eau pour l'irrigation agricole dans le département de la Charente-Maritime.

Nous n'ignorons pas que votre décision est souveraine mais sa légitimité soulève  certains doutes et incompréhensions. Au nom de la Coordination Rurale, syndicat agricole, qui a obtenu 31,87 % des voix lors des dernières élections Chambre d'agriculture, nous venons vous livrer notre état d'âme.

Ce sont plus de 2 000 foyers d'agriculteurs qui sont concernés, terrassés et angoissés face aux  conséquences économiques, financières et humaines générées par votre décision.

A la lecture de votre arrêté, vous motivez et justifiez votre décision par le seul fait et je vous cite : « qu'une sollicitation importante de la ressource en eau serait de nature à fragiliser les milieux aquatiques et désirant en limiter les conséquences en mettant en place des actions préventives ».

Soyons clair, Monsieur le Préfet, ce n'est pas le manque d'eau potable, mais bien la fragilisation de la faune et de la flore des milieux aquatiques qui a motivé votre décision.

Pouvons-nous avec modestie vous rappelez qu'il existe aussi une faune et une flore terrestre que les paysans ont en charge depuis des millénaires. Notre flore c'est nos récoltes, notre faune c'est notre bétail qui constitue nos élevages.

Notre mission est de « nourrir les hommes » en entretenant  avec la nature une complicité faite de travail et d'observation.

Votre décision est donc d'accentuer et ainsi d'éradiquer nos récoltes et nos animaux pour protéger «les cuicuis» et les plantes rares au nom latin répondant ainsi aux rêves environnementalistes, déménager le territoire de ses paysans.

Monsieur le Préfet, il s'agit bien là d'une fracture sociale de notre société. Votre décision en est un témoignage. L'État ne respecte plus ses paysans.

  • Devrions-nous rougir d'avoir le privilège et le devoir plus que jamais de retirer de la Terre les fruits qu'elle nous donne?
  • Devrions-nous rougir d'avoir reçu en héritage le savoir-faire de nos aïeux?
  • Moins philosophiquement et plus solennellement, Monsieur le Préfet, l'heure est grave, très grave. Demandez donc à vos services compétents de faire des similitudes économiques sur le résultat de nos exploitations. On installe des radars pour faire respecter les limitations de vitesse, faites en autant pour l'agriculture afin de protéger ceux qui vous nourrissent.

Devrions-nous vous rappeler que Gérer c'est Prévoir ?

Nous nous autorisons de vous donner une piste du montant du sinistre :
365 000 ha en Charente-Maritime de céréales, oléagineux, protéagineux et prairies à 500 euros de préjudice par hectare dû à la sécheresse (chiffre qui peut encore augmenter). Au total, c’est plus de 185 millions d'euros de perte pour la ferme Charente-Maritime !

Vous conviendrez, Monsieur le Préfet, que la note est bien salée, et que la motivation de votre mesure d'arrêt brutal et sans discernement est difficilement acceptable, pour le seul bien être du milieu aquatique et environnemental.
Et comme si ceci ne suffisait pas à notre malheur, il nous faut affronter l'irresponsabilité de notre Ministre de l'agriculture qui porte tous ces espoirs sur la contractualisation (contrat en production et industrie), la solidarité Éleveur/Céréalier (comme si elle n'existait pas) et l'usage des jachères pour sauver le troupeau. Si vos services sont d'accord sur  le chiffre provisoire de 185 millions d'euros de perte, faite-lui parvenir la facture d'acompte à ce cher ministre.

Pour terminer, Monsieur le Préfet, nous vous concédons que votre tache sur la gestion de l'eau n'est pas facile par l'héritage que vous ont légué nos hommes politiques concernant les investissements réalisés en matière de stockage de l'eau : du blabla et rien que du néant!

Avec un ancien Premier Ministre, un ancien Ministre de l'Agriculture nous aurions pourtant pu être en droit d'attendre une politique bâtisseuse de projets de réserves en eau. La « trézence » est un beau témoignage de cette absence de volonté.

C'est avec une courtoisie voilée d'amertume et d'angoisse que nous vous rappelons que nous sommes à votre disposition pour nous entretenir de ce sujet avec vous, mais déjà, hélas, nous avons la certitude que le paysage agricole en Charente-Maritime traverse une crise sans précédent. Du jamais vu, entraînant  des situations irréversibles !

A cette catastrophe s'ajoute un sentiment d'injustice et d'incompréhension trop dur à vivre faute d'un débat franc et clair basé sur des données réelles. Rapidement, nous vous demandons d'assouplir votre position.

Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l'expression de nos salutations distinguées.


Pour le Conseil Administration de la CR 17,
Vincent Tourne

 

Dans la même catégorie

CR 47
CR 87
CR 47
CR 87