Geneviève de Brach et François Lucas représentaient la CR lors de la réunion organisée par Stéphane Travert mardi 20 février. Ils déplorent que le cabinet du ministre bloque toute diffusion d’information, jusqu’à la liste précise des communes et des critères appliqués pour l’élaboration du dernier projet de zonage.

 

Que retenez-vous de cette réunion de concertation ?

Geneviève de Brach : nous n’avons rien appris de nouveau, si ce n’est l’accompagnement au-delà des seuls paiements dégressifs sur 2 campagnes prévus par le règlement communautaire des éleveurs qui sortiront de la zone, à compter de la campagne PAC 2019. Deux groupes de travail vont être constitués, l’un sur les jeunes installés, l’autre sur les zones intermédiaires. Mais nous savons déjà que les conseils régionaux sont réticents à financer toute mesure d’accompagnement. Dans ces zones difficiles, c’est la survie des éleveurs qui est en jeu ! Les soins palliatifs ponctuels seront de toute façon dérisoires !

 

Le ministère a finalement accepté de publier une carte simplifiée du projet de zonage. Mais dispose-t-on de la liste des communes et de la méthodologie de classement ?

François Lucas : au départ, le cabinet refusait de publier quoi que ce soit, y compris la carte, tant que Bruxelles ne l’aurait pas validée. Les manifestations de la CR et des autres organisations professionnelles, provoquant des remous médiatiques, ont poussé le ministère à communiquer officiellement la carte à la presse. En revanche, le cabinet bloque toute diffusion de la liste précise ou exhaustive des communes figurant dans le projet. De plus, on ne sait pas comment les critères de classement sont appliqués sur chaque commune. C’est une véritable boîte noire ! À part cette carte, nous n’avons rien ! Certains éleveurs situés en limite de zone ne savent même pas s’ils sont dedans ou dehors !

 

Cette dernière carte est-elle satisfaisante ?

Geneviève de Brach : absolument pas ! Les ordinateurs du ministère ont beaucoup mouliné mais cela n’a rien changé à la quadrature du cercle. Nous sommes bien sûr soulagés que l’Aquitaine et l’Occitanie aient été bien rattrapés mais des zones intermédiaires sont complètement ravagées, comme la diagonale allant des Deux-Sèvres au Cher et au Loiret, en passant par l’Indre-et-Loire. Le ministère est pressé d’en finir et je crains qu’on ne puisse aller beaucoup plus loin sur la révision.

 

Le seuil de 10% du territoire national (soit 6,33 millions d’ha) à classer en ZSCS est-il déjà atteint ?

François Lucas : oui, quasiment et le ministère veut combler le résidu avec la continuité territoriale. Sur la catégorie des zones soumises à contraintes naturelles (ZSCN), la France s’est pris les pieds dans le tapis en appliquant le mauvais référentiel pédologique et Bruxelles l’a rappelée à l’ordre. Le ministère s’est rattrapé aux branches en basculant des ZSCN vers des zones soumises à contraintes spécifiques (ZSCS). Et là, nous avons perdu gros au change car les surfaces classables en ZSCS sont limitées à 10% du territoire national.

 

Est-on vraiment obligé de respecter ce seuil de 10% ?

Geneviève de Brach : c’est une contrainte imposée par le règlement communautaire sur le développement rural. Impossible donc d’y déroger ! Il se trouve que certaines communes dépourvues d’éleveurs, donc de bénéficiaires de l’ICHN, sont classées au titre des ZSCS et saturent inutilement le plafond de 10%. On pourrait imaginer de les sortir du zonage, tout en ajustant les curseurs pour que d’autres communes d’élevage prennent leur place, tout en respectant le seuil de 10%. Cette idée bute cependant sur trois difficultés : la première est que presque toutes les catégories de ZSCS ciblent les zones d’élevage (surfaces en herbe, haies, PBS polyculture-élevage, surfaces peu productives…). Ne resterait qu’un moyen d’action sur les critères « déprise agricole » et « zone humide ». La seconde difficulté est la continuité territoriale, le zonage ne pouvant consister en un confetti. La troisième tient à la possible création de l’ICHN végétale (la CR est contre) lors de la prochaine PAC 2020, même si la France prétend s’y opposer. Les céréaliers des communes classées pourraient alors espérer toucher 25 €/ha.

 

Reste encore la question du financement du projet de révision ?

François Lucas : sans connaître son « prix » exact, nous savons que le dernier projet « coûte » déjà plus cher que l’actuel budget annuel de 317 millions d’euros d’ICHN dans les zones défavorisées simples et qu’il compte 13% de bénéficiaires en plus. Pour équilibrer son financement, soit il faudra diminuer le montant par bénéficiaire, dans une logique d’enveloppe fermée, soit il faudra continuer de dépouiller le 1er pilier au profit du 2nd. La CR s’oppose évidemment à ces deux options. Sur l'actuelle programmation, en cours jusqu'à la campagne 2018 incluse, l’État cofinance l’ICHN à hauteur de 25%, les 75% restants étant pris sur les fonds FEADER gérés par les régions. Il s'agirait de trouver 60 à 80 millions d'euros supplémentaires sur toute la France, si le zonage devenait enfin satisfaisant (en reprenant les Deux-Sèvres par exemple). Nous avons réitéré à Stéphane Travert notre souhait que le ministère de la transition écologique prenne à sa charge la part de cofinancement supplémentaire, au titre du paysage et de la biodiversité. Il ne faut pas craindre qu’un tel cofinancement aggrave nos contraintes. Les contraintes, nous les avons déjà, et sans contrepartie financière ! Le ministre nous a alors répondu que cette demande était pertinente et à discuter au sein du gouvernement mais qu’il ne pouvait pas forcer la main de son collègue Nicolas Hulot…

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