Le dimanche 24 septembre, les Suisses ont massivement voté (78,7 %) pour l’intégration dans leur constitution de l’objectif de sécurité alimentaire. Si la démarche est intéressante, le nouvel article constitutionnel est hélas bien trop édulcoré.

Un pays de plus en plus dépendant des importations !

La Suisse est de moins en moins capable de nourrir elle-même ses habitants, dont le nombre augmente sans cesse.

Selon l’Union Suisse des Paysans, une politique agricole fédérale trop centrée sur l’environnement empêche la nécessaire augmentation de la production. Parallèlement, l’abaissement des droits de douane et l’ouverture de son marché intérieur mettent les agriculteurs helvétiques en concurrence avec l’Europe et le reste du monde.

Source : Union Suisse des Paysans

Pour ces raisons, l’Union Suisse des Paysans (USP) a proposé en 2014 une initiative visant à :

  • renforcer la production indigène,
  • augmenter les prix à la production,
  • préserver les terres agricoles,
  • limiter les charges administratives
  • et améliorer la sécurité des investissements.

Les autorités fédérales jugeant ce texte trop intransigeant, un contre-projet a été proposé, l’USP retirant finalement son projet initial.

Un double discours inquiétant !

Sous prétexte que la Suisse n’est pas en mesure d’assurer son autosuffisance à 100 % et semblant craindre un renchérissement des produits alimentaires, le parlement Suisse a préféré proposer un texte plus « modéré » que celui de l’USP et faisant la part belle aux importations.

Le Conseil fédéral a même prétendu qu’il « faut moins d'État et plus de marché » et refusé ce qu’il voyait comme une « politique agricole régressive, à savoir une hausse de la production au détriment de l'environnement, un renforcement du pilotage étatique et un protectionnisme économique plus marqué à l'égard de l'étranger », en préconisant « une agriculture et un secteur agroalimentaire orientés vers le marché, durables et interconnectés sur le plan national et international ».

Les autorités fédérales Suisses semblent donc s’accommoder d’une agriculture en décrépitude, centrée sur l’entretien des paysages et de la nature, les citoyens suisses pouvant très bien être nourris à bon marché par l’étranger.

Un renoncement cohérent avec celui de la politique agricole suisse !

Le Conseil Fédéral avoue lui-même que « le nouvel article constitutionnel renforce la politique agricole appliquée depuis avec succès par la Confédération depuis des décennies ».

Jusqu’en 1993, les agriculteurs Suisses ont bénéficié de prix garantis et de protections douanières permettant d’augmenter la production. Ensuite, une forte baisse des prix a été compensée par des paiements directs, de plus en plus axés sur des mesures écologiques.

Si aujourd’hui, les aides directes sont en moyenne 4 fois plus élevées en Suisse qu’en France et si les prix agricoles suisses sont encore bien supérieurs à ceux de l’UE, la doctrine libérale de l’OMC y a fait des émules : les autorités Suisses se montrent prêtes à accélérer la baisse des prix et la restructuration des exploitations, en priorisant les aides sur la production de services environnementaux, récréatifs et culturels ! Chaque jour en Suisse, ce sont 3 fermes en moins, d’après nos confrères du syndicat Uniterre.

Délaissant la production de denrées alimentaires, la politique agricole Suisse s’articule donc très bien avec la politique commerciale d’importations alimentaires à moindre coût et moindre qualité. Les citoyens Suisses auraient-ils voté la même chose s’ils avaient été plus conscients de ces enjeux ?

 

Mais le débat n’est pas clos !

Une nouvelle initiative populaire a vu le jour, soutenue par le syndicat Uniterre, en faveur d’une « agriculture paysanne indigène rémunératrice et diversifiée, fournissant des denrées alimentaires saines et répondant aux attentes sociales et écologiques de la population ». Le texte sera peut-être soumis au vote en 2018. Si ce texte venait à être adopté, la Confédération Suisse soutiendrait la création d’organisations paysannes qui visent à assurer l’adéquation entre l’offre des paysans et les besoins de la population. Pour maintenir et développer la production indigène, elle prélèverait des droits de douane sur les produits agricoles et les denrées alimentaires importés et en régulerait les volumes d’importation. La Coordination Rurale se sent évidemment plus proche d’un tel projet, allant dans le même sens que ses revendications pour une régulation européenne des productions, basée sur des prix rémunérateurs et une gestion des volumes, grâce à la mise en œuvre de l’exception agriculturelle à l’OMC.  

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