Un marché sans frontières

Le libéralisme du marché laitier, permis par les pouvoirs publics de tout niveau et plébiscité par les grands groupes laitiers est en grande partie le responsable des problèmes des producteurs de lait dans le monde. Ce modèle commercial permet l’accroissement considérable des marges des industriels, au détriment des producteurs, mettant en péril la santé économique des élevages de pays exportant mais aussi ceux des pays subissant les importations. Les différents exemples analysés dans la série d’articles “la guerre laitière mondiale gronde”, démontrent clairement que le problème est mondial et se retrouve sur l’ensemble des continents. En Océanie par exemple, le géant laitier néo zélandais Fonterra mène une politique ultra-libérale d'investissement qui a induit des pertes de l'ordre de 405 millions de dollars, ce qui n'est pas sans conséquences pour la pérennité de ses coopérateurs. En 2015, la coopérative a fait miroiter à ses producteurs le marché chinois et a à plusieurs reprises tenté d’y pénétrer sans succès. Au Sud Est du continent asiatique les producteurs chinois subissent eux aussi les effet des importations. Suite au scandale du lait à la mélamine, les chinois ont préféré s’orienter vers les produits occidentaux considérés comme plus sûrs. Ainsi, l’Empire Céleste s’est retrouvé à importer près de 59% du total des importations asiatiques de produits laitiers, provenant essentiellement de pays occidentaux. On pourrait donc se dire que les pays européens exportateurs sont les grands gagnants de ce marché mondialisé ? La réponse est nuancée: avec la fin de la régulation de la production en Europe, le marché s’est retrouvé saturé en lait ce qui a fait chuter les cours. Malgré l’intervention de la Commission européenne par un stockage des excédents sous forme de poudre de lait, les coûts de production ne sont pas couverts par le prix payé par les collecteurs, comme en Allemagne où les revenus des producteurs ont chuté de 30% en 2016.

Des producteurs qui disparaissent… et d’autres qui s’agrandissent

Avec des prix payés inférieurs aux coûts de production, de nombreux petits producteurs se voient dans l’obligation de mettre la clé sous la porte: partout dans le monde, le nombre d’éleveurs laitiers s’érode. Aux États-Unis, l’État du Wisconsin a perdu en 2017 près de 500 d’entre eux et déjà 150 depuis début 2018, ce qui représente une diminution de plus de 20% de l’effectif pour les cinq dernières années. En Allemagne,  la diminution du nombre de producteurs était de 2,2% /an et s’est accélérée en 2013 pour atteindre 4%. Il ne faut pas se voiler la face : la France connaît une situation comparable ! Le cheptel laitier par contre ne suit pas la tendance du nombre d’éleveurs, et il est même inverse dans certains pays comme en Allemagne, où le nombre de vaches laitières a augmenté de 50 000 animaux entre 2016 et 2017 quand le nombre des exploitations laitières chutait de 8,2%... En Chine, des fermes usines sortent de terre et sont composées de plusieurs milliers d’animaux, jusqu’à 100 000 pour un projet dans le Nord Est. Ces fermes ultra-subventionnées par l’État sont donc de ce fait plus compétitives par rapport à d’autres structures de plus petites tailles. Plus compétitives ne signifie pas forcément rentables: aux États-Unis, des éleveurs avec 700 ou 900 vaches perdant a minima 40€/1000L se demandent comment joindre les deux bouts. Ces difficultés rencontrées poussent certains éleveurs à commettre l’irréparable, comme de nombreux autres dans le monde; l’agriculture étant aux USA le secteur où il y a le plus de suicides.

Demain, si l’on veut que la journée mondiale du lait soit aussi la journée des éleveurs, il faut que l’on arrête cette surproduction généralisée qui pousse les éleveurs vers la sortie et ne sert que l’intérêt des industriels. Des outils de régulation doivent être mis en place afin de retrouver une stabilité dans les marchés, et donc des prix, pour qu’enfin nos éleveurs puissent vivre dignement de leur métier.

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