Dans une série d'articles, la Coordination Rurale aborde les différents moyens de commercialisation qui sont à l'heure actuelle majoritairement utilisés par les éleveurs bovins français. Cette semaine, le marché au cadran est décrypté.

Être éleveur, ce n’est pas seulement faire naître ses animaux, c’est aussi être en mesure de les valoriser ; savoir les vendre. Cette dimension du métier est de plus en plus délaissée souvent par manque de temps. C’est un cercle vicieux dans lequel les éleveurs sont empêtrés sans le vouloir : par manque de rentabilité dû à une moindre valorisation par tête, le nombre d’animaux par élevage augmente afin de dégager un meilleur revenu. Dans un contexte où la main d’œuvre fait défaut, le temps disponible pour vendre, et pas simplement faire partir ses animaux, se raréfie. 

S’il existe encore une diversité d’acheteurs de bovin, les modes de transaction sont relativement réduits et chacun d’eux a des répercussions sur les modes et les niveaux de valorisation. Les éleveurs adhérents à une coopérative sont en général liés avec celle-ci par un contrat d’apport total visant une ou plusieurs catégories d’animaux. Dans un fonctionnement traditionnel, le prix est alors établi par la coopérative ; l’éleveur pouvant bénéficier de plus-value, de ristournes ou de compléments en fin d’année en fonction des parts sociales détenues et de son activité, au regard du bilan de la coopérative.

Un éleveur peut également travailler avec un ou plusieurs négociants en bestiaux, via une OPNC (organisation professionnelle non commerciale) ou non. Le prix, ainsi que les conditions de vente, sont alors négociés entre l’éleveur et l’acheteur lors de la transaction qui se déroule le plus souvent dans l’élevage. L’éleveur est libre de mettre en concurrence plusieurs acheteurs, privés ou coopératifs, pour valoriser au mieux ses animaux, mais cela suppose de contacter et de recevoir plusieurs acheteurs dans son élevage.

Il existe pourtant un lieu, ou plutôt des lieux répartis sur le territoire et qui permettent à l’éleveur d’être confronté à plusieurs acheteurs en même temps. Ce sont les marchés aux bestiaux. Il en existe une cinquantaine, et ils présentent des fonctionnements différents : marché de gré à gré ou marché au cadran.

Dans les marchés de gré à gré, la transaction est négociée entre l’éleveur et l’acheteur. Dans les marchés au cadran, le prix est déterminé par des enchères : les animaux sont présentés par lot sur un ring et les acheteurs enchérissent tour à tour. Lorsque l’enchère est terminée, le vendeur décide de vendre ou non ses animaux.

Les marchés aux bestiaux offrent aux éleveurs la garantie d’être payés dans un délai fixé par le règlement intérieur, et l’assurance que les animaux seront pris en charge immédiatement par l’acheteur.

La CR a toujours soutenu le développement de ces outils car ils permettent, en général, une meilleure valorisation des animaux, et offrent une transparence à la fois dans leur fonctionnement mais aussi sur les prix pratiqués, puisque généralement les administrateurs des marchés publient les prix moyens de vente. Ils permettent une forme de reprise en main de la commercialisation des animaux.

Malheureusement certains marchés rencontrent des difficultés car le nombre d’animaux qui y sont présentés diminue peu à peu. Selon la FMBV (Fédération des Marchés de Bétail Vif), les transactions ont diminué d’environ 4% en 2019, mais ce chiffre cache des disparités en fonction des marchés et des catégories d’animaux (voir détail ci-dessous). La situation économique des marchés, généralement gérés par des éleveurs, dépend fortement du nombre d’animaux. En effet, en dessous d’un certain seuil, le marché n’est plus assez rentable, ce qui provoque sa fermeture, et c’est un outil à disposition des éleveurs qui disparaît.

Pour la CR, il est important que les marchés gardent une dynamique car ils constituent un lieu de libre concurrence mais aussi d’échange. Ils bénéficient non seulement aux utilisateurs mais aussi à l’ensemble des éleveurs en offrant des références tarifaires. Beaucoup d’éleveurs de la CR témoignent de leur attachement à ces outils, comme Mathieu Jiménez, éleveur en Corrèze engagé dans le marché au cadran d’Ussel : « face à la diminution du nombre d’animaux au cadran, je suis inquiet pour notre outil. Je suis souvent surpris de l’attitude de certains collègues qui se plaignent des prix en ferme, mais qui n’essaient pas de vendre leurs animaux dans des marchés. Cela demande du temps effectivement, et je sais qu’il est de plus en plus difficile d’en avoir, mais je pense que mon temps est rentabilisé quand je vais à Ussel. Chacun est libre de choisir son mode de commercialisation, mais je pense qu’il faut savoir se servir de tous les moyens à qui sont notre disposition, et les marchés au cadran en font partie. Les éleveurs ont besoin d’un prix par animal pour sortir de la course au volume. »

Les caractéristiques des marchés aux bestiaux (informations fournies par la FMBV)

 

Des apports annuels en légère baisse à 1 063 865 animaux

Les apports de la FMBV ont diminué de 3,9% en 2019 avec des disparités entre les 47 places de marchés adhérentes. La baisse porte principalement sur les petits veaux (-4,8%) et les bovins de boucherie (-7,9%). Coté bovins maigres, les apports sont stables, les marchés gagnent un point de représentativité dans l’activité d’export de broutards (soit 26% des exports réalisés en 2019) ; le commerce des gros bovins maigres garde son dynamisme, signe d’une décapitalisation de fond dans un contexte de sécheresses répétées. Les apports ovins sont stables.

Les marchés de gré à gré assurent 61% des apports (contre 39% pour les cadrans). Cette répartition varie selon les catégories, les systèmes d’enchères étant prépondérants en gros bovins maigres et en ovins, et très présents en broutards.

Les marchés au sein de la filière – représentativité en 2019

En gros bovins de boucherie : les marchés représentent 5,1% des GBB abattus. En bovins maigres : les marchés représentent 26% des exportations de broutards. En petits veaux + veaux gras, les marchés représentent 18,5% des veaux abattus ou exportés. En ovins, les marchés représentent 4% des animaux abattus ou exportés.

Nous avons quelques marchés de chevaux lourds dont le plus connu est Maurs (deux belles foires par an).

La grosse baisse en caprins est dû au fait que le marché de Parthenay n’a pas fait d’allotement en 2019 (contre 7900 chèvres allotées en 2018).

Un peu de détail

On observe une forte augmentation des apports sur les marchés de Baraqueville et Réquista, tous deux passés à un système d’enchères en 2018 : ils sont encore en phase de progression. A noter également une progression sur les petits marchés du Monastier (Haute-Loire), Chambery, sur Chateaubriant (gros marché de maigre qui accueille également de plus en plus de petits veaux) et sur Rethel (dernier marché en activité dans le Grand Est).

La plupart des marchés tiennent globalement leurs effectifs (entre +4% et -4%). Cependant 11 marchés enregistrent une baisse assez conséquente (à partir de -10%).

Parmi eux : - Rabastens : forte baisse en 2019 (et a fortiori en 2020), la mairie a créé une SEMOP avec Elvea 65 et les négociants pour passer d’un marché de gré à gré classique à un système avec garantie de paiement puis à un système d’enchères courant 2021. Ils ouvrent également une criée ovine. - Saugues : -20% en 2019 mais a finalisé sa transformation en cadran en décembre 2019 (nous attendons les chiffres 2020 mais a priori le changement de système de vente a porté ses fruits) - St Yrieix la perche : a également finalisé sa transformation en cadran en décembre 2019. Les apports ont peiné à remonter en 2020 mais l’équipe y travaille (nous n’avons pas les derniers chiffres) - Le marché aux ovins d’Assier dans le Lot va en revanche définitivement fermer

Des cotations qui restent des références

Les marchés éditent des cotations hebdomadaires sur l’ensemble des catégories commercialisées selon des règles définies par France Agrimer. Ils sont aujourd’hui les seuls à publier une cotation en brebis et gros bovins maigres. Ces cotations sont diffusées dans la quasi-totalité des titres de presse agricoles et disponibles en ligne sur le site www.fmbv.fr (7400 connexions mensuelles en 2019).

La FMBV rédige chaque semaine une tendance commerciale selon les dires d’experts des directeurs, chefs des ventes, et présidents de commission de cotation.

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