Depuis les premières discussions sur cette réforme, la CR dénonce le fait que la future PAC sera encore une fois dissonante. Comment l’Europe peut avoir des objectifs agricoles et environnementaux ambitieux quand elle encourage la renationalisation de la PAC ?

Qui finance la transition écologique ?

Avec 27 PSN (Plans Stratégiques Nationaux) différents en Europe, il est difficile d’envisager la souveraineté alimentaire prônée par la PAC. La transition écologique ne doit pas être financée par la PAC, mais par des enveloppes supplémentaires. Quand un État ambitionne d’œuvrer pour une certaine écologie, il doit la financer par ses propres moyens. Il doit cesser de détricoter notre politique agricole déjà décousue.

Un budget agricole qui va en s'amenuisant

C’est avec la mise en place de l’exception agriculturelle et des prix rémunérateurs que l’Europe pourra prétendre à une PAC forte.

La PAC n’est plus une politique au sens noble du terme, c’est uniquement un budget agricole. Chaque réforme se résume donc à une nouvelle modification de la distribution des aides.

Et à chaque réforme, le budget de la PAC baisse, et les exigences qui pèsent sur les agriculteurs augmentent, sans contrepartie de prix décents. Les agriculteurs ne sont pas contre une transition agroécologique, au contraire, mais qui paie les coûts que cela implique ? Car jusqu’à présent, les agriculteurs ont payé seuls toutes les « innovations sociétales ou administratives » imposées. Il faut faire toujours mieux, sur moins de surface, avec moins d’intrants et de produits de santé du végétal, moins d’aides et surtout des prix de plus en plus bas !

Le fléau du libre-échange

La tribune de Nicolas Jacquet, ancien président de France Grandes Cultures, est éclairante.

« Depuis 1987, les prix agricoles ont été divisés par trois en monnaie constante. Si, pour le secteur des grandes cultures, ils avaient suivi l’inflation, notre chiffre d’affaires serait aujourd’hui de 5 000 € par hectare. Avec un tel produit brut, nous pourrions utiliser les produits de biocontrôle et mettre en place de manière volontaire des actions en faveur de la biodiversité dans des cahiers des charges privés. Les accords de libre-échange, autorisant l’entrée des matières premières agricoles à prix de dumping sur notre territoire, nous privent ainsi de 3 500 €/ha de recettes par an. Il n’est pas sérieux de nous faire croire qu’avec des clopinettes, nous pourrons contrebalancer les effets dévastateurs du libre-échange sur notre agriculture alors qu’on nous demandera encore d’être compétitifs dans une confrontation brutale sur des marchés non régulés. »

Les industries agroalimentaires dédouanées

Il ajoute : « Avec le retour de la notion d’indépendance alimentaire, il faut arrêter de nous répéter que « le consommateur ne peut pas payer plus cher ». Je n’ai jamais vu un consommateur acheter du poulet ukrainien sur internet. Ce sont nos industriels qui se fournissent à l’importation et cachent l’origine de leurs produits dans la transformation ou la restauration hors foyer. Entre deux boulangeries voisines, le prix de la même baguette peut varier de 25 centimes ! Alors que seulement 3 centimes de cette baguette reviennent à l’agriculteur, la différence de prix entre ces deux magasins représente huit fois la rémunération de la matière première. Le commerce a par conséquent les moyens de rémunérer les agriculteurs, mais ce sont les industries agroalimentaires, dont des coopératives, qui paient les agriculteurs au cours mondial.»

Las de ces incohésions et de cette injustice, Nicolas Jacquet a choisi de vendre ses DPB et de s'en passer pour ses dernières années d'agriculteur.

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