L’atelier 11 des Etats généraux de l’alimentation (transition écologique de l’agriculture) a pris fin le 30 novembre. Michel Le Pape, agriculteur bio en Indre-et-Loire, s’est efforcé de tenir un dialogue constructif avec les consommateurs et les environnementalistes. La transition écologique de l’agriculture que la société demande est possible mais il faut dès lors actionner les bons leviers.

Objectif des 3 tiers : un vœu pieux ?

L’atelier 11 fixe un très ambitieux objectif pour 2030 : 1/3 des exploitations en bio, 1/3 en HVE  et 1/3 en HVE niveau 2. Certains souhaitent même en faire un préalable à toute forme de contractualisation ! Dans la même veine, le verdissement des cahiers des charges des SIQO (AOP, Label Rouge…) serait rendu compatible avec la certification HVE (haute valeur environnementale).

Ce vœu bute sur un problème majeur : la concurrence déloyale des importations ! Par exemple, le blé fourrager bio est concurrencé par les importations, avec des certificats parfois douteux... Il nous est demandé d’être vertueux et compétitifs mais nous n’avons ni les outils, ni la trésorerie pour cela !

Et quel sera l’engagement des filières en amont et en aval ? Les aides resteront-elles accessibles et stables ? La réflexion du ministre, visant à faire financer l’aide au maintien par l’aval, constituerait un abandon. L’organisme stockeur ou l’industriel, en contrepartie de l’aide octroyée, opposerait un cahier des charges contraignant à l’agriculteur.

Reconnecter cultures et élevage : un délire de bureaucrate !

Les vertus de la polyculture-élevage ne sont pas à démontrer mais c’est oublier bien hâtivement que c’est la PAC qui spécialise les territoires. Il ne saurait y avoir déspécialisation sans correction des défauts majeurs de la politique agricole de l’UE !

Dans certaines zones intermédiaires, les éleveurs jettent l’éponge et retournent leurs prairies, quitte à perdre des primes, car ils n’en peuvent plus ! On fait également fi des mises aux normes à coût prohibitif demandées par la directive nitrates. Il y a aussi le problème du loup qui va devenir de plus en plus prégnant ! Force est de constater qu’un éleveur qui arrête ne revient pas en arrière.

Protéines végétales : il va falloir changer de méthode !

Autre objectif très ambitieux : l’autonomie du pays en protéines végétales pour 2030.

Mais quel sera l’engagement des instituts techniques et de la filière (Avril-Sofiprotéol) ? Jusqu’ici, la seule protéine vraiment déployée est celle du tourteau de colza, contrepartie du diester.

De plus, la recherche ne suit pas : il y a un effet pervers de l’institut technique qui n’investit pas en recherche s’il n’y a pas pour lui un retour financier suffisant, s’il n’y a pas de CVO collectée notamment. Or, ce sont les agriculteurs qui payent ! Mais l’institut privilégie l’hybridation ! Les éleveurs doivent pouvoir être directement autonomes en protéines (méteils, légumineuses), sans passer par la case organisme stockeur. Mais dans ce cas, il n’y a pas de CVO prélevée. Les semences au cœur du problème !

Même si cela n’est pas traité par les EGA, une PAC réorientée sur le rééquilibrage des productions (céréales/légumineuses) parviendrait facilement à assurer l’autonomie de l’Europe entière. De toute façon, la filière freine des quatre fers car cela ferait moins de céréales à exporter et moins de soja à importer…

Produits phytosanitaires : cessons d’infantiliser les agriculteurs !

L’atelier 11 prône la séparation du conseil et de la vente des produits phytopharmaceutiques. La CR revendique au contraire la liberté de l’agriculteur correctement informé de décider seul. Et quid des sociétés-écrans à la solde des vendeurs de phytos ? Quid de l’obligation dictée par les cahiers des charges des contrats, obligeant à utiliser tel ou tel produit et à acheter à la structure d’achat partie prenante au contrat ? Si conseil il doit y avoir, l’agriculteur devra rester libre de s’assurer des conseils les plus judicieux.

L’atelier 11 préconise aussi une obligation de résultat pour le plan Ecophyto II, y compris pour l’agriculteur. "Je veux bien mais les agriculteurs seront-ils les seuls concernés ? La SNCF fera-t-elle les mêmes efforts ? Tout le monde doit être logé à la même enseigne !"

"Quant au renforcement envisagé des CEPP, je pense que les agriculteurs sont assez grands pour juger par eux-mêmes de ce qu’il faut faire." Nombreux sont les agriculteurs travaillant à dose réduite (bas volume). Le conseil indépendant n’a aucun intérêt à dire « mets-en 1 litre de plus ; ça marchera mieux ! ». On peut douter à ce sujet de l’indépendance de certaines chambres d’agriculture, certains administrateurs ayant aussi une casquette « coopérative »…

« Big data » : attention danger !

Enfin, l’atelier 11 souhaite encourager la recherche participative et l’agriculture de groupe. C’est très bien mais il faut veiller à ne pas ceinturer les paysans. L’obligation de partager ses données, en contrepartie des financements octroyés pour aider cette recherche, est porteuse d’un effet pervers. Le « big data » se développe : certaines sociétés en font leur miel mais pas nous les agriculteurs !

"Nos données sont collectées et revendues, ou utilisées pour créer des logiciels qui nous sont ensuite facturés !" Certains organismes ne respectent pas la confidentialité des données. Les résultats des agriculteurs sont appropriés par d’autres, sans contrepartie financière directe. "A ce titre, je m’interroge sur les données collectées par certaines chambres d’agriculture : la loi informatique et libertés est-elle respectée ?"

 

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