Lors de la 20e et avant-dernière étape de ce Tour de France 2017, les coureurs devront batailler dans un contre-la-montre en plein centre-ville de Marseille, la préfecture des Bouches-du-Rhône. A quelques kilomètres de là, à Puyricard exactement, sur la commune d'Aix-en-Provence, Aurélie et Alexandre, 24 ans, seront aux petits soins de leurs cultures, eux qui démarrent une activité de maraîchage bio.

D’ici combien de temps pourrez-vous être tous deux installés en Gaec ?

Aurélie : Je suis pour l’instant installée seule sur 2 hectares environ, dont 2 200 m² de serres, toutes en maraîchage bio. Je produis des légumes de saison, commercialisés à la ferme (mercredi et samedi de 9h à 12h30 et de 15h30 à 19h30 / vendredi de 15h30 à 19h30) et dans des magasins bio pour le surplus de production.

Alexandre : Je suis encore en formation, avec un projet d’installation dans les mois à venir, une fois mon BPREA obtenu. Nous constituerons alors un Gaec à deux, pour partager les outils de production et nous reprendrons 4 hectares supplémentaires, qui seront progressivement mis en production. Nous avons également en projet de planter un petit verger et de la vigne.

Aurélie : Pour ce qui est de la commercialisation, nous avons entamé des démarches auprès des écoles des alentours intéressées par un approvisionnement local. Ce serait un nouveau débouché intéressant.

Quel a été votre parcours ?

Aurélie : Nous avons tous les deux vécu en Suisse pendant un peu plus de deux ans. J’y travaillais dans la restauration et Alexandre était mécanicien. Nous avons ainsi pu mettre de l’argent de côté pour notre projet d’installation. Je suis fille d’agriculteur et j’avais suivi des études dans l’agriculture. Ce n’était pas le cas d’Alexandre, mais nous avions ce projet de vie en commun. Nous sommes rentrés tous les deux en France en juin 2016 et j’ai débuté les démarches d’installation. De juin à mars 2017, j’ai réalisé l’ensemble des démarches, et nous en avons profité pour préparer l’installation (démarchage, rencontre avec les agriculteurs du secteurs, recherche de serres…).

Alexandre : J’ai débuté le BPREA en septembre 2016. J’attends les résultats et j’espère que je pourrais m’installer début 2018.

A votre retour de Suisse, monter une structure de vente directe n’a pas dû être simple ?

Aurélie : Nous avions un hangar sur les terres que j’ai reprises. C’était un ancien local de conditionnement. Nous y avons fait des travaux d’aménagement pour en faire notre local commercial. Sur le site, il y avait jusqu’en 1999 une activité de vente de pommes gérée par mes parents et mes grands-parents. Les clients n’ont donc pas tous été surpris. Mais il a fallu rebâtir une bonne partie de la clientèle : des flyers, du bouche-à-oreille, une page Facebook intitulée Les jardins de la Présidente… Nous démarrons plutôt bien et nous sommes en progression constante. Nos clients sont des familles, des jeunes… qui recherchent ce que l’on peut difficilement trouver dans le coin : des produits bio à bon prix, produits localement. Il y a chez ces consommateurs une vraie recherche d’un contact direct avec nous qui produisons leur alimentation. On se rend compte que finalement ce qui a le mieux fonctionné, c’est le bouche-à-oreille.

Alexandre : Nous avons la chance d’avoir des terrains de la famille d’Aurélie, ce qui a levé la principale difficulté que les jeunes rencontrent dans le coin. Après, son père étant agriculteur, il a pu nous prêter du matériel, dans un premier temps. Enfin, le réseau d’agriculteurs local a été une source d’information très utile. Combien planter quand on fait de la vente directe, comment organiser les parcelles… le concret est difficile à apprendre à l’école !

Et les démarches pour obtenir les aides ?

Alexandre : Je n’ai pas encore eu mon rendez-vous PPP. On verra mais je pense que ce sera certainement plus simple, avec le 21h obligatoire. Je devrais vite atteindre le plafond de DJA, vu que j’active plusieurs modulations (hors cadre familial, dynamique de projet, agroécologie…).

Aurélie : Après le BPREA, j’ai fait mon stage 21h, une journée de formation en salle sur les circuits courts qui m’ont peu apporté. Par contre, le stage de 2 mois en entreprise a été intéressant : je tenais le magasin de vente à la ferme, et j’ai pu voir les volumes qui étaient nécessaires, comment on travaillait avec la clientèle…

Alexandre : Pour ce qui est de l’installation par exemple, nous avons tous les deux fait notre Plan de développement de l’entreprise (PDE) sur 5 ans. Pour ceux qui ont envie de s’installer, c’est lourd à monter et il y a un fossé entre le projet et la réalité. On nous demande d’établir un projet avant la mise en œuvre, de « rentrer dans les clous ». Pour chiffrer les investissements, même en étant du milieu, comme nous on oublie forcément des petites choses, le contexte entre d’autant plus en jeu que toutes les exploitations sont différentes. Ce n’est pas qu’il ne faut pas le faire, mais ce qui est difficile, c’est que c’est un engagement et que même dans la version assouplie d’aujourd’hui, il faut le tenir et passer le cap de l’évaluation en année 4.

Et le syndicalisme, comment y êtes-vous venus ?

Aurélie : Nous sommes en contact avec la CR depuis peu de temps et par l’intermédiaire de mon père, qui est un adhérent récent. Nous pensons qu’il faut qu’il y ait des agriculteurs pour parler au nom des agriculteurs car, dans l’administration, nous sommes en contact avec des personnes souvent déconnectés des réalités de notre métier.

Alexandre : Être derrière un bureau et faire les choses en vrai, ce n’est pas la même chose. Nous sommes confrontés à une réglementation qui évolue souvent et qui s’applique même pour quelques poules, comme nous en avons l’exemple à la ferme. Témoigner de nos expériences de terrain nous semble ainsi fondamental pour défendre nos revendications.

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