En ce jour de Fête nationale, les coureurs du Tour de France s'élanceront de Saint-Girons (31) pour rallier la ville de Foix, préfecture de l'Ariège. Dans ce département, Yann est paysan depuis 7 ans. A 40 ans, il est installé à Saint-Quentin-la-Tour (09), en production biologique, où il est élève une soixantaine de Salers et d’Aubrac, sur 112 hectares de SAU, dont une grande partie en bois pâturés.  Il commercialise l’ensemble de sa production localement par l’intermédiaire de l’entreprise familiale de découpe, de transformation et de vente aux particuliers la SAS Kerimel.

Quels sont les problèmes que rencontrent les jeunes installés en Ariège ?

En Ariège, le principal problème est l’accès au foncier. Les règles du fermage, complexes et contraignantes, freinent les propriétaires alors qu’elles sont présentées comme des outils pour les agriculteurs pour pérenniser l’accès au foncier. Elles ont l’effet contraire ici ! La vérité, c’est que les propriétaires privilégient les commodats, les baux verbaux, ce qui précarise la situation des agriculteurs et fait grimper les prix. Bien sûr, le bail verbal relève des mêmes règles que le bail écrit, mais les démarches sont longues et fastidieuses. Les ventes sont rares et concernent le plus souvent des parcelles dispersées. Les plus grosses structures sont trop chères, et souvent accompagnées de maisons d’habitation. Les agriculteurs sont alors en concurrence avec les achats de résidences secondaires pour les vacanciers (la proximité de l’aéroport de Carcassonne, des Pyrénées et de la Méditerranée attire beaucoup de Nord-Européens) et ne peuvent pas s’aligner. Les rares belles structures qui se vendent aux agriculteurs ne sont plus accessibles qu’aux semenciers. En estives, la problématique repose sur une très forte limitation du foncier. L’augmentation de l’ICHN et des DPB des estives entraîne les agriculteurs à conserver des terres, même sous-exploitées. La baisse des prix agricoles ou l’instabilité de la PAC accroissent encore plus ces difficultés : il est très difficile d’acheter du foncier, donc d’investir…

Malgré ces difficultés, certains secteurs arrivent-ils malgré tout à se développer ?

Heureusement pour l’agriculture, l'installation sur de petites structures est dynamique (caprin, maraîchage, apiculture, permaculture...). Il permet de poursuivre les installations : il y a eu 65 installations aidées en 2016. C’est la conséquence du décalage lié à la réforme 2015 mais aussi d’une réelle augmentation des installations de néo-ruraux. On note aussi que beaucoup d’enfants d’agriculteurs se sont installés en Gaec à l’occasion des changements des règles de transparence. Ici, la très grande majorité des installations de moins de 40 ans sont aidées, en raison des montants de DJA en zone de montagne et des difficultés d’accès au foncier. Ne pas avoir le statut « installé avec les aides » est un gros handicap pour l’accès aux terres, souvent en concurrence.

As-tu eu des difficultés d’accès à des terres lors de ton installation ?

Contrairement à beaucoup de jeunes dans le département, cela n’a pas été très compliqué pour moi : j’ai repris le bail familial, nos terres étant détenues principalement par un seul propriétaire, homme d’affaires qui possède plusieurs exploitations en Ariège. Par contre, répondre aux exigences réglementaires est plus compliqué : n’ayant que des terres en fermage, je ne pouvais investir dans la construction d’un bâtiment aux normes. J’ai donc très peu de bâtiments : un pour l’engraissement et un peu petit pour le stockage. Cela occasionne de nombreuses contraintes pour l’organisation du travail : la plupart des animaux sont en extérieur et je ne fais que du foin dont une partie en enrubanné à cause de le petite taille du lieu de stockage. Une partie du foin est stocké dehors et, même si je l’utilise en priorité, il s’abîme. J’ai demandé les aides à l’installation, et cela n’a pas été compliqué non plus : j’avais la formation demandée et je n’ai eu qu’à réaliser un stage complémentaire. Mon épouse s’est installée et a intégré le Gaec l’an dernier. Cela nous a beaucoup coûté : elle a dû passer son BPREA par correspondance car nous avons de jeunes enfants. Dans ce cas-là, Vivea ne prend pas en charge les frais d’inscription. Nous avons dû débourser 4 500 € alors que nous n’avions pas d’autre solution.

Quelles solutions pourraient permettre un meilleur accès au foncier pour les jeunes agriculteurs ?

Il en existe, c’est certain ! Par exemple dans mon secteur, beaucoup de landes auparavant pâturées sont redevenues des bois. Les communes pourraient mener des travaux de regroupement parcellaire ou de création de groupements pastoraux. C’est à la fois une nécessité économique, pour conserver de l’activité sur la commune, mais également un devoir pour assurer la sécurité des habitants en limitant les risques d’incendies. J’en ai parlé à mon maire, j'espère que cela pourra voir le jour. C’est un dispositif qui conviendrait à des élevages caprins, ovins ou porcins, qui peuvent valoriser ces terres pauvres et sèches. Je n’ai malheureusement pas la production adaptée. Cela aiderait surtout un jeune agriculteur à s’installer, un exploitant forestier aussi, et ramènerait de l’activité économique : deux emplois créés sur une commune de 300 habitants, ce n’est pas rien ! Autre sujet : nous vivons des épisodes de sécheresse régulière et la plupart de nos sols sont très pauvres et ne retiennent pas l’eau. Sur les quelques terrains très argileux du secteur, nous pourrions construire des retenues collinaires qui résoudraient en partie nos difficultés liées au manque d’eau. Pour résumer, il y a du potentiel mais il faut trouver les bons candidats et la volonté politique.

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