Bravo Madame la présidente de la FNSEA.

Vous avez décidé qu'en 2025 les agriculteurs auront relevé le défi des phytosanitaires à hauteur de moins 50 % sur les cultures et autres productions. Votre grand syndicat nous a habitués depuis des décennies à relever des défis et invités à des adaptations en tous genres.

Quelques exemples principaux : votre illustre prédécesseur Michel Debatisse nous a mis au défi de fournir l'agro-alimentaire à bas prix ! Et pour ce faire, ce monsieur a dit : "Notre problème ce sont les structures, pas les prix...". Il fut récompensé en son temps en étant nommé Secrétaire d'État aux industries agro-alimentaires sous Monsieur Giscard d'Estaing. Un autre président de la FNSEA nous a invités avec ses collègues syndicaux à relever le défi de la mondialisation (alignement sur les plus bas prix toujours pour fournir l'agro-alimentaire) en concoctant la genèse de la PAC 92 avec Monsieur Stoléru, Ministre au Xe Plan. Nous en connaissons tous les conséquences aujourd'hui. Ce monsieur, très appuyé par Monsieur Chirac, est devenu président de la FAO. Une belle récompense !

Aujourd'hui c'est votre tour, à l'heure où il est de bon ton de stigmatiser la science et les techniques, les produits de défense des plantes, dans un pays qui , en matière agricole, est le plus suivi et le plus contrôlé du monde. Vous croyez utile d'apporter votre pierre en invitant les agriculteurs à une réduction de moins 50 % des produits de défense des plantes. Un chiffre dénué de tout fondement scientifique. Cela laisse entendre que les agriculteurs (sans vous attendre) n'ont pas fait suffisamment d'efforts depuis les deux dernières décennies. Il est vrai que votre syndicat et ses affidés en sont encore aux concours de labour quand d'autres, depuis belle lurette, sont à l'agronomie avec les TCS et semis direct... et organisent chaque année le grand rendez-vous du Non Labour et Semis Direct (NLSD). D'autres encore suivent des formations en réduction de doses et bas volume (depuis 1994 pour ma part), le tout menant à l'agriculture de "conservation".

En 2018, beaucoup de molécules ont déjà été retirées du marché, ce qui signifie que répéter la même formule d'année en année devient extrêmement préjudiciable aux agriculteurs. Si cette formule avait un sens l'année où elle a été prononcée pour la première fois, elle devient perfide dans la mesure où vous n'indiquez pas la base de la réduction. 50 % de quoi ? La raison commande de se garder de toutes extrémités, c'est-à-dire utiliser des produits sans raison, mais aussi laisser crever plantes et animaux quand l'envahissement et la maladie sont là. La nature commande, il faut soigner les plantes et les animaux quand c'est nécessaire. Lorsque déjà 40 % des molécules ont été retirées, affirmer comme vous le faites sans aucune base scientifique que 50 % devront encore être supprimées, cela signifie que vous, la grande syndicaliste, vous désarmez les agriculteurs puisque vous attaquez le noyau dur de la protection des plantes. En effet, 50 % de 60 % restant font 30 % de résiduels. Vous vous rendrez ainsi coupable (au-delà des volumes) de la réduction inévitable des molécules qui, plus sollicitées puisque trop peu nombreuses, créeront rapidement des résistances et ce faisant, livreront nos cultures sans défense à la dévastation.

Depuis 1970 où nous étions 2 000 000 d'agriculteurs, de défis en défis orchestrés par votre grande maison syndicale, nous en sommes arrivés à moins de 400 000 agriculteurs professionnels sous votre coupe en 2018. Une belle réussite pour un syndicat de solutions...

Aujourd'hui, les agriculteurs ont un mortel problème de revenu, et ce n'est pas en prenant le chemin de la culpabilisation voire de la flagellation pour aller au devant des anti-science et des technophobes, que nous redresserons la barre.

Ce sont avec ces manœuvres associées aux marchands de peur, aux pétitions orchestrées sans contradiction, sans thèse ni antithèse, anesthésiant l'esprit critique, que nous nous dirigeons vers l'obscurantisme. Ainsi nous voyons apparaître des idiots qui affirment que la Terre est plate, d'autres qui indiquent qu'il faut refuser le principe de la vaccination, piétinant ainsi l'oeuvre de Louis Pasteur, d'autres encore, disciples du créationnisme, qui réfutent l'évolution des espèces selon Charles Darwin.

Et tout cela pour quoi ? Pour renvoyer l'ascenseur au Président de la République et à son indispensable Ministre de l'Environnement ?

En effet, paru au JO du 2 septembre 2017 par un arrêté du 28 août 2017 des Ministres de l'Économie et de l'Agriculture, Madame la présidente de la FNSEA a été nommée (comme sont nommés les fonctionnaires) au Conseil d'Administration national du Crédit Agricole. Un beau ticket de 50 000 € annuel.

Pour combien de jours par an ? Quand d'autres hors agriculture font à peine le tiers en travaillant à temps complet l'année entière... il est préférable de ne pas comparer en agriculture...

Difficile ensuite de venir contrarier les volontés des pouvoirs publics, tant en matière de phytosanitaires que de signatures de traités.

Le passé de votre maison syndicale ne milite pas pour vous donner du crédit dans votre opposition aux CETA et Mercosur, puisque votre grand prédécesseur et collègue importait sans état d'âme des poulets brésiliens nourris avec devinez quoi... et n'était pas mal servi en postes lucratifs en tous genres...

Les agriculteurs sont en danger. Leur métier ne s'accordera jamais avec l'idéologie, les injonctions politiques qui n'ont pour objet que de satisfaire les émotions du moment, les humeurs, les croyances et même les superstitions.

En ces temps difficiles, en ces temps où le doute progresse dans nos esprits en ce qui concerne la poursuite du métier, les agriculteurs ont le droit d'attendre autre chose que des postures visant à conforter des carrières personnelles...

Jean-René Gouron,

Agriculteur.

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