Problèmes ODG/OI

Messieurs,

La Coordination Rurale 66 vous serait reconnaissante de bien vouloir porter votre attention sur la vraie situation de notre viticulture dans les Pyrénées Orientales. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur le marasme en nous disant que demain, tout ira mieux.

Les prix n'étant plus rémunérateurs depuis longtemps, les vignerons ont arraché massivement. Actuellement, les Vins Doux Naturels affichent des prix identiques à ceux de 1984. Nos charges, elles, ont fortement augmenté.

Voici quelques données économiques :

Le prix de revient d’un hectare de vigne est de 5000 € par an.

Le vin de table se vend autour de 50 €/hl. Avec une production moyenne de 40 hl/ha nous pouvons espérer un chiffre d’affaires de 2000 €/ha, soit une perte nette de 3000 €/ha. Cette production est donc condamnée à court terme.

Le cotes du Roussillon AOC se vend autour de 70 €/hl, pour un rendement moyen de 40 hl/ha. Nous pouvons espérer un chiffre d’affaires de 2800 €/ha, soit une perte nette de 2200 €/ha. Quel est l’avenir de cette production ?

L’AOC Rivesaltes se vend autour de 130 €/hl (parfois même 100€). Avec un rendement autorisé de 25 hl/ha, le chiffre d’affaire atteint 2600 €/ha, car seulement 80 % de la production pourra être commercialisée. Chaque hectare entraîne un manque de trésorerie de 2400 € au vigneron. De plus l’AOC Rivesaltes ne peut être commercialisée qu’au-delà de 3 ans après son élaboration, report dû à l’ODG qui utilise des arguments juridiques pour réguler le marché. En pratique, ce vin sera retiré par le négoce 4 ans après son élaboration. Par ces actes, l'appellation est chaque jour un peu plus condamnée.

L’AOC Muscat de Rivesaltes, notre appellation phare, se vend autour de 210 €/hl. Avec un rendement autorisé de 22,5 hl/ha on peut espérer un chiffre d’affaires de 4725 €/ha, nous sommes donc légèrement en deçà de notre prix de revient.

 

Le constat ne peut pas être plus sombre : certains abandonnent les vignes faute de moyens et optent pour l’arrachage. Le Roussillon se transforme en une grande lande.

Le Plan Rivesaltes devait sauver la viticulture Roussillonnaise. Son véritable résultat, c'est la situation catastrophique actuelle. Ce plan a pourtant été cautionné par toutes les instances viticoles, agricoles, politiques et gouvernementales de l’époque. Comment peut-on accepter que les vignerons dans la détresse doivent rembourser les primes avec intérêts du plan Rivesaltes 15 ans après ?

Cette gangrène risque de s’étendre aux appellations prestigieuses de notre département : Collioure et Banyuls. Si leur situation économique est moins alarmante, la gestion administrative de ces appellations est devenue trop lourde et incohérente. Le nouveau système OI/ ODG qui aurait du rationaliser et simplifier la gestion des différentes appellations, n’a fait que compliquer le travail du vigneron. Pour quel résultat ?

Tous ces nouveaux contrôles et tenues de registres n’améliorent en rien la qualité de nos produits et ne font que générer des surcoûts supplémentaires pour des vignerons à l’agonie. Le coût de cette nouvelle gestion vient au détriment de la promotion de nos produits. A ce jour, des vins analytiquement parfaits (et parfois déjà vendus) sont refusés en agrément sous des motifs peu argumentés. Un dégustateur déciderait-il de l'avenir d'un vigneron en fonction de son humeur du jour ?

L’ODG, dont la vocation est agronomique et qualitative, applique son ingérence en fixant le rendement des appellations en fonction des demandes commerciales. Ce faisant, les ODG sont progressivement en train de bafouer nos traditions. Un exemple : la double affectation en usage dans le cru Banyuls qui devrait être supprimée. Bientôt ces parcelles à double affectation seront encadrées par un coefficient dit K (pour sembler sérieux). Le véritable travail et le pouvoir décisionnel du vigneron, seuls véritables moteurs de l’appellation, ne sont plus pris en compte. Nos instances viticoles tentent de nous amener à une uniformisation contraire à l’esprit d’appellation. Elles vont à l’encontre de l’intérêt collectif en annonçant que 40 hl de Collioure peuvent nécessiter 6500 Kg de raisins pour son élaboration. De qui se moque-t-on ?

Vous, nos dirigeants viticoles, avez soigneusement camouflé la vérité pour arriver à conserver encore quelques temps vos privilèges et rester entre vous. Quel vigneron se souvient des dernières élections des ODG ?

Aujourd'hui, il faut savoir reconnaître les erreurs passées et choisir une voie pour sortir les vignerons du Roussillon de l'impasse où ils se trouvent.

En premier lieu, la CR66 demande plus de souplesse : l'ajout de contraintes et les contrôles ne permettront pas de redresser la situation de la viticulture du Roussillon. S'il est indispensable de faire respecter les règles pour éviter les fraudes, pour autant, il faut tenir compte des difficultés financières des vignerons et tout mettre en œuvre pour leur permettre de continuer leur activité.

En second lieu, nous vous demandons une table ronde ouverte à tous les opérateurs pour décider de l'avenir de nos vignobles. Ce n'est pas de la diminution des volumes et du nombre de viticulteurs que viendra la sortie, c'est au contraire dans la cohésion et le maintien des volumes. Passé un certain seuil, la production n'existera plus pour le consommateur et nous ne produirons qu'un volume de niche. Ce seuil, nous n'en sommes pas loin. Nous ne voulons pas d'un Roussillon en friche et en landes. Nos vins ont de l'avenir. Mais cela ne passera que par le changement d'orientation des instances viticoles du département.

Dans l’attente de vous lire ou de vous rencontrer, veuillez recevoir, chers collègues, l’assurance de ma respectueuse considération.

 

Philippe MAYDAT, Président de la CR des Pyrénées Orientales, Maureillas las Illas, le 28 novembre 2011

Copie à B. Le Maire, Ministre de l'Agriculture, copie au Préfet des Pyrénées Orientales, copie aux Hommes Politiques des Pyrénées Orientales

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