Les éleveurs de la Coordination Rurale regrettent que les 2 % d'aides couplées allouées aux protéines végétales ne soient pas plus efficacement utilisées en élevage. Il y a un réel besoin de développer l'autonomie protéique dans les exploitations. D'après l'Institut de l'élevage, elle s'élève seulement à 15-20 % chez les laitiers et à 25-30 % chez les éleveurs de bovins viande.

 

 

La disponibilité en terres est limitante

Les aides aux fourrages protéagineux ne permettent pas d'inciter durablement leur production. Il s'agira d'une opportunité pour les exploitations qui ont déjà ce type de cultures dans leur assolement mais pour les autres ? Les terres arables sont déjà optimisées pour assurer les stocks de fourrage. Comble du paradoxe, en améliorant l'autonomie, il ne faudrait pas limiter par la même occasion la production de céréales qui permet d'assurer l'alimentation du cheptel et de compléter le revenu.

 

Quelle plus-value pour les éleveurs ?

Pour un éleveur, prévoir dès 2015 l'augmentation de sa surface fourragère et le changement de l'équilibre de sa ration est une prise de risque. En effet, les rendements des protéagineux sont très variables d'une année sur l'autre et l'intérêt économique est faible. Prenons un exemple simple :

M. Le Foll, éleveur dans la Sarthe, produit 45 Jeunes Bovins par an avec une ration à base de céréales et de paille. Il doit également compléter cette ration avec des protéines (19 T de tourteau de soja qu'il achète à 470 €/T). Or, M. Le Foll produit des céréales pour la vente. En 2014, sur 16 ha, il a vendu 117 T de blé à 190 €/T.

En 2015, M. Le Foll décide de produire sa protéine. Pour remplacer les 19 T de soja, il va devoir produire 53 T de féverole, soit 16 ha (rendement estimé à 33 qx/ha).


  2014 2015
Achat de tourteau de soja (19 T à 470 €/T) - 8 930 € 0 €
Vente de céréales (117 T à 190 €/T) + 22 230 € 0 €
Subventions pour féverole (16 ha à 200 €/ha) 0 € 3 200€
Solde (Vente - Achat) 13 300 € 3 200 €
Différence de recettes (2014/2015) - 10 100 €

(Source : Bulletin séries longues Agreste)


Le bilan économique d'une telle mesure pour un éleveur qui souhaite gagner en autonomie protéique est négatif. Le plan protéines tel qu'il est présenté aura du mal à convaincre de changer les assolements et les rations des bovins.

Pour la production de graines et de luzerne déshydratée, les éleveurs de porcs, volailles et bovins bénéficieront des protéagineux par l'intermédiaire des fournisseurs d'aliment du bétail à condition que ces derniers jouent le jeu d'un approvisionnement national. Or on sait que sur ces marchés la concurrence est puissante et progresse (Canada, Europe de l'Est, Australie).


Un projet plus médiatique que salvateur

L'enveloppe de 147 millions d'euros est d'ores et déjà répartie entre l'élevage (98 millions d'euros) et la production de graines (49 millions d'euros). Le principe d'adaptation des budgets en fonction du nombre de bénéficiaires montre l'incertitude des pouvoirs publics quant à l'efficacité de ce plan. Il peut conduire à un effet d'opportunisme qui réduirait l'aide unitaire et le nombre d'hectares primés.

La possibilité de comptabiliser les surfaces éligibles au plan protéines dans le calcul de la diversité d'assolement, dans les SIE (surfaces d'intérêt écologique) et dans certaines MAEC est une bonne astuce pour faire passer ces mesures de verdissement. Arrêtons de nous leurrer avec des semblants de plans qui dispersent l'argent public au-delà du raisonnable. Leur objectif n'est que le maintien de l'électorat et l'apaisement des revendications mais ils ne s'attaquent pas au fond du problème : les élevages s'effritent face aux marchés libéralisés qui les rendent dépendants des aides.

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