Entretien avec le conseiller du ministre de l’Agriculture, M. Michel Levêque - 1er avril 2021. Catherine Laillé, responsable de la section et Natacha Guillemets, membre.
Historique sur le droit des agricultrices
Les guerres / les femmes nourrissent la France pendant que les hommes sont à la guerre car on est surtout dans une nation rurale. Après elles sont priées de retourner à leurs fourneaux et à l’éducation des enfants, elles vivent dans la servitude de leurs époux depuis Napoléon qui les a minorés. • Années 60 : femme = épouse du chef d’exploitation= « aide familiale » = « sans profession» • L’entrée dans le Larousse du mot Agricultrices en 1961 • 1980 : création du statut de « co-exploitante » • 1985 : création de l’EARL (Exploitation agricole à responsabilité limitée). Les conjoints ont alors pu s’associer tout en individualisant leurs tâches et leurs responsabilités. • 1999 : création du statut de « conjoint collaborateur » (loi d’orientation agricole) • 2006 : couverture sociale étendue aux conjointes d’exploitants • 2011 : instauration du GAEC entre époux • 2013 : représentativité des femmes dans les Chambres d’agriculture. Chaque liste a désormais l’obligation de présenter au moins un tiers de candidates. Au total, 1 100 femmes ont été élues en 2013 (sur un total de 4 051 élus), et plusieurs femmes sont désormais présidentes de Chambre d’agriculture.)
Présentation de la section Agricultrices de la Coordination Rurale (CR):
• Créée officiellement au sein de la Coordination Rurale le 6 novembre 2017. Catherine Laillé en est la responsable. • La section a participé à l’élaboration des 40 recommandations de la délégation aux droits des femmes du Sénat pour améliorer la condition des femmes en agriculture. • La section a contribué à faire avancer le congé maternité des agricultrices. • Régulièrement auditionnée par des députés, sénateurs, ... sur le suicide, les retraites, les petites pensions… • La section a rédigé de nombreuses préconisations pour faire évoluer les droits, dont notamment un guide sur les droits sociaux des agriculteurs : https://www.coordinationrurale.fr/images/crun/2020-07-protection-sociale-des-agriculteurs.pdf
Chiffres 2019 (source : infostat MSA)
• 49 % de femmes en formation agricole. • La population active non-salariée agricole féminine se compose de 107 100 cheffes et 19 300 collaboratrices d’exploitation, soit un total de près de 126 500 femmes. Elles représentent 27,1 % des non-salariés agricoles. • Seules ou accompagnées, les femmes dirigent 29,5 % des exploitations ou des entreprises agricoles. • Le recours à l’un des deux dispositifs d’indemnisation pour congé maternité n’a été que de 59 %. • Environ 132 200 femmes d’exploitants ne sont ni cheffes, ni collaboratrices d’exploitation et n’ont donc pas un statut de non-salarié agricole. Salariées dans l’entreprise de leur conjoint ou dans une autre entreprise (agricole ou non), elles assurent un complément de revenu au foyer, ce qui contribue indirectement au maintien de l’exploitation.
Zoom sans statut
On estime à environ 5 000 le nombre d’agricultrices qui travaillent encore sans aucun statut. Ce chiffre devrait fortement diminuer avec la loi PACTE qui oblige à choisir un statut. Encore faut-il qu’elle soit effectivement appliquée !
Travail dissimulé
Ces chiffres ne montrent en rien une évolution du nombre d’agricultrices. Ils montrent la prise en compte dans les statistiques des femmes, rendue possible grâce à l’évolution du droit. En effet ce n’est qu’en 1980 qu’elles ont pu bénéficier d’un tout premier statut « de co-exploitantes ».
Propositions de la Coordination Rurale
Nous ne voulons pas être considérées comme des héroïnes. Nous ne voulons pas de discours compatissants ou misérabilistes. Nous portons des revendications qui nous permettraient de faire valoir nos droits et de revaloriser nos savoir-faire et nos compétences. Nous voulons l’égalité !
Favoriser l’installation des femmes
  • Accès au foncier et aux banques.
Constat : il est plus difficile pour une femme qui souhaite s’installer d’avoir accès à la terre et aux prêts via les banques. Proposition : anonymiser les dossiers de sorte que le sexe ne soit pas un frein, ou mettre au point des programmes spécifiques pour les femmes de manière à gommer l’inégalité d’accès.
  • Les femmes doivent oser !
Constat : les femmes se sentent dévalorisées Proposition : montrer des exemples positifs La future PAC doit se saisir de la question de l’installation des femmes.
  • Vie professionnelle / vie personnelle
Constat : les agricultrices abattent un travail colossal et la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle est souvent mince ou inexistante. Après une journée de dur labeur, les enfants, le ménage… il est indéniable qu’il est difficile de s’impliquer dans la vie syndicale, locale… Proposition : consolider le tissu local dans les campagnes en matière d’infrastructures (EHPAD, places en crèches, écoles…).
Formation
Constat : la question de la formation est primordiale pour gommer les inégalités de genre. Proposition : redonner sa place aux femmes, notamment en montrant le rôle des agricultrices dans l’Histoire. Proposer un temps de formation spécifique sur les droits sociaux des agricultrices dans les écoles d’agriculture. Rendre visibles les agricultrices, avec une journée de formation spécifique sur les agricultrices : histoire – statut – place des femmes.
Ouverture au monde
Les femmes sont force de propositions et proposent majoritairement des innovations ou transitions dans leurs exploitations avec, par exemple, des valorisations en vente directe, transformation, labellisation. Elles sont un véritable atout pour les campagnes et les territoires ruraux.
Place des femmes dans les instances
Constat : les SAFER et autres organismes agricoles sont majoritairement gérés par des hommes (2 directrices et 1 Présidente seulement sur l’ensemble du groupe SAFER) Proposition : veiller à ce que la représentation des femmes soient plus équitable.
Bien-être des agricultrices
Les femmes sont fortes, notamment psychologiquement. Elles font passer le bien-être des leurs (famille, enfants…) avant tout et cela se démontre aussi à travers toutes les périodes de l’Histoire (différentes guerres), mais aussi aujourd’hui avec le veuvage après le suicide de leur époux agriculteur.
Conclusion
Nous ne faisons pas du militantisme féministe, nous faisons du militantisme égalitaire. Ce militantisme égalitaire accepte les différences, mais dans la complémentarité ce que l'un ne fait pas l'autre le fait. S’il existe des différences entre hommes et femmes, il faut travailler dans la complémentarité, en mettant en avant les compétences de chacun. Aujourd’hui, de gros progrès restent à faire pour respecter la constitution qui garantit des droits aux femmes et par conséquent aux agricultrices. Il est important de s’attarder sur la pression exercée sur les agricultrices, sur les femmes des exploitants et sur les conjointes collaboratrices. Les différentes propositions faites par la section Agricultrices de la Coordination Rurale sont des réponses pour paliers aux inégalités des agricultrices. D’autre part, ces propositions répondent à certaines des ambitions de l’Union européenne qui met régulièrement l’accent sur les droits des femmes et leur application. Mais elle va aussi dans le même sens que le Président Emmanuel Macron qui a fait de l’égalité homme/femme une des priorités de son mandat. Il est temps que les agricultrices soient enfin considérées et reconnues comme les égales des agriculteurs !

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