L’ICHN, une aide nécessaire

Pour la Coordination Rurale, l’Indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), attribuée aux éleveurs situés en ZDS (et zone de montagne), constitue un soutien nécessaire à l’élevage sur des parcelles à faible potentiel agronomique et contribue à compenser l’inégalité résultant des références historiques de production. Dans le cadre d’une politique agricole renouvelée basée sur des prix rémunérateurs (et non plus sur des primes), la CR estime qu’il faudrait néanmoins conserver cette ICHN.

L’inextricable révision du zonage

À la demande du règlement européen de 2013 sur le développement rural, la France vient de procéder à la révision de son zonage, l’ancien datant de 1978 et n’étant plus tout à fait adapté, certaines zones ayant depuis surmonté leurs contraintes naturelles (Landes, Gironde…).

La difficulté de l’exercice fut de trouver les critères permettant d’effectuer un classement juste, c’est-à-dire de : • conserver les communes d’élevage réellement défavorisées, • classer de nouvelles communes méritant de l’être, • ne pas effectuer un classement pléthorique rendant impossible le financement de l’ICHN ; le tout sous le contrôle sévère de Bruxelles et sous la pression des organisations syndicales, dont la CR.

Durant la concertation, la CR a contesté le recours à des données calculées à l’échelle de la petite région agricole (PRA), s’arrêtant aux frontières départementales et entraînant des incohérences de classement. La CR a aussi souhaité la prise en compte de la production brute standard (PBS, indicateur de richesse créée sur le territoire) des seuls éleveurs éligibles à l’ICHN (« PBS élevage ») et à l’échelle de la commune. Elle fut partiellement écoutée, le ministère ayant recours à la notion de PBS restreinte. Enfin, la CR a demandé l’abandon du seuil de chargement de 1,4 UGB, critère discriminatoire et dépourvu de sens car ce n’est ni un critère de contrainte subie, ni un critère indiquant que la contrainte est surmontée. L’effet de ce seuil sera fatal pour le département des Deux-Sèvres, presque entièrement déclassé !

La carte finale laisse 4 700 éleveurs sur le carreau !

Au terme de 2 ans de contorsions et de moulinages informatiques, le résultat(1) n’est pas à la hauteur car nombre de zones fragiles sont soit sorties du classement, soit non intégrées (voir la carte annexée). En dépit des actions syndicales entreprises par la CR, le ministère n’a pas voulu réétudier le classement des zones intermédiaires de la région Centre et du Nord de la Nouvelle Aquitaine (Deux-Sèvres, Vienne), ainsi que les zones sortantes du sillon rhodanien et du Sud-Ouest.

Si 12 700 nouveaux bénéficiaires vont pouvoir toucher l’ICHN, 4 700 éleveurs sortent du zonage et ne percevront que 80 % de leur montant historique en 2019, 20 % en 2020, puis plus rien. Pour les sortants, les conséquences financières peuvent être dramatiques, l’ICHN constituant souvent l’essentiel du revenu dégagé sur l’exploitation et pour l’instant le ministère ne propose qu’un audit global de l’exploitation sortante, sous conditions et avec une prise en charge limitée à 800 euros(2).

Pour la CR, l’État doit prendre ses responsabilités et accompagner comme il se doit les éleveurs exclus du zonage, avec la mise en place d’une aide spécifique, tenant compte des annuités restant à honorer.

La CR a demandé un cofinancement supplémentaire du ministère de l’Écologie.

L’ancien zonage incluait environ 53 000 bénéficiaires, le nouveau environ 61 000 (estimations basées sur le recensement agricole de 2010), soit 8 000 bénéficiaires de plus. C’est une bonne nouvelle mais le financement du budget ICHN pose question, sachant que la CR refuse aussi bien le transfert du 1er vers le 2nd pilier de la PAC que la réduction du montant de l’aide par bénéficiaire, l’ICHN ne pouvant se réduire à un saupoudrage, afin d’aider efficacement les éleveurs.

Pour l’instant, notre proposition de cofinancement supplémentaire par le ministère de l’Écologie, au titre des externalités positives de l’élevage pour l’environnement(3), n’a pas convaincu Nicolas Hulot. Pourtant, un tel cofinancement ne représenterait finalement que 0,3 à 0,4 % des 10,4 milliards d’euros du budget de son ministère.

La CR s’oppose à la création d’une ICHN végétale en ZDS

Pour l’instant, l’accès à l’ICHN végétale n’est possible qu’en zone de montagne(4). Mais le précédent ministre Stéphane Le Foll souhaitait l’étendre aux zones de plaine, pour un montant de 25 à 35 €/ha afin de corriger des « inégalités historiques » depuis la PAC 1992. La question reste ouverte, dans le cadre des discussions sur la PAC post 2020. C’est d’ailleurs pour sa possible mise en place qu’un seuil de rendement en blé tendre (72,6 quintaux) a été appliqué sur les ZSCN et ZSCS, afin de ne pas avoir à distribuer une ICHN aux céréaliers les mieux lotis ! Mais selon la CR, l’ICHN n’a pas vocation à aider les grandes cultures mais uniquement l’élevage.

L’ICHN végétale ferait flamber le budget (100 à 200 millions d’euros en plus), qu’il faudrait alors financer par une nouvelle ponction du 1er pilier de la PAC. Ce serait une nouvelle forme de convergence des aides ! Or, les agriculteurs le savent bien, la récupération sur le 2nd pilier de ce qui est perdu sur le 1er est loin d’être évidente. En outre, les agriculteurs de certaines régions non défavorisées ne comprendront pas qu’on leur ponctionne une énième fois leur 1er pilier alors que les aides qu’ils perçoivent convergent déjà à la baisse pour nombre d’entre eux. Ceux qui déshabilleront Paul pour habiller Jacques, prendront le risque de l’incompréhension et de la division…

(1) Voir l’instruction technique du 5 juin 2018 : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2018-425 (2) Voir l’instruction technique du 18 juillet 2018 : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2018-532 (3) Impact positif sur la biodiversité, sur le stockage de carbone et la prévention des inondations (prairies), sur l’ouverture des milieux (limitation des incendies), sur les pollinisateurs… (4) Montant de base de 35 €, dans la limite de 25 ha, puis décote de 33%, du 26 au 50 ha. En zone sèche, le montant versé est de 297 €/ha, avec la même logique de décote de 33%

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