Les exploitants agricoles sont touchés par une surmortalité par suicide comprise entre 22 et 28 % par rapport à la population générale. (1)

Entre 2008 et 2011 un agriculteur se suicide tous les deux jours. Les éleveurs bovins et laitiers sont les catégories d’agriculteurs les plus touchées. (2)

Un combat de longue haleine

Depuis plusieurs années la Coordination Rurale dénonce inlassablement l’urgence des suicides dans le monde agricole. Déjà en juin 2010, dans une lettre ouverte adressée au président de la MSA, la Coordination Rurale attirait l’attention des pouvoirs publics et de la société civile sur cette situation très préoccupante. Elle s’indignait également de l’absence de données chiffrées permettant d’estimer plus précisément la portée du phénomène.

Des avancées… insuffisantes !

Le lancement en mars 2011 du plan de prévention du suicide dans le monde agricole, à l'initiative du ministère de l'Agriculture qui l'a confié à la MSA ainsi que l’étude publiée en 2013 par l’InVS (Institut national de veille sanitaire) et la MSA constituent une première avancée obtenue par la Coordination Rurale. L’étude a malheureusement confirmé ce que le syndicat dénonçait depuis bien longtemps : les agriculteurs exploitants sont les plus touchés par les décès par suicide ! La CR a obtenu la mise en place d’un numéro vert et des réunions de prévention dans les départements. Mais cela ne suffit pas à enrayer cette spirale infernale.

L’indifférence générale cache le crime

Quand une vague de 30 suicides a touché France Telecom entre juillet 2009 et mai 2010, l’émotion a légitimement secoué les responsables politiques. 30 suicides en 10 mois. 30 suicides, c’est à peu de choses près le nombre de suicides en agriculture en 15 jours ! Les agriculteurs vivent depuis plus d’une décennie une situation de détresse due à la crise chronique du secteur. La Politique agricole commune asservie à l’ultralibéralisme et la volonté des responsables politiques européens et français de faire de l’agriculture un secteur économique comme les autres, soumis aux règles de l’OMC et à l’économie de marché, ont incité l’agriculteur à investir massivement et s’engager dans la course à la productivité et la compétitivité. Le tout en respectant les contraintes de la Pac et la pression psychologique et financière des contrôles qui en découlent. En parallèle, les pouvoirs publics ont complètement et intentionnellement délaissé la régulation des productions et des marchés. L’État s‘est désengagé de la recherche et de la prévention des risques sanitaires, accentuant ainsi le sentiment d’abandon éprouvé par les agriculteurs. Les agriculteurs français ont depuis supporté : la chute des prix et leur volatilité grimpante, les crises sanitaires (grippe aviaire, etc.), les aléas climatiques, la dégradation des conditions de vie et de travail. Laisser les agriculteurs seuls pour affronter tout cela est criminel ! En 2016, le nombre d'appels à l'aide a plus que doublé sur le numéro vert Agri'Écoute de prévention du suicide mis en place en 2014 par la MSA : 2.664 contre 1.219 en 2015. Mais malgré ces chiffres les ministères de l’Agriculture et des Finances décident en 2018 de ne plus financer le dispositif d’aide au répit pour les agriculteurs. En une seule année la MSA avait accompagné près de 3 500 exploitants agricoles en situation de burn-out ou d’épuisement professionnel. La CR s’est insurgée contre cet abandon d’une politique nationale mise en place pour prévenir le suicide agricole.

Il faut d’urgence s’attaquer aux causes profondes

Un changement de politique agricole est nécessaire et il se fait chaque jour plus urgent ! Bien que l’État ouvre progressivement les yeux sur les proportions d’un tel phénomène, il fait la sourde oreille pour ce qui est de prendre acte et mettre en place la solution : redonner aux agriculteurs la place qu’ils méritent dans la société, de l’espoir et des perspectives à travers des prix rémunérateurs.

De son coté, la Coordination Rurale poursuit son combat pour qu’une veille renforcée soit mise en place au sein de la MSA de chaque département avec une cellule de surveillance réunissant entre autres des représentants de chaque syndicat agricole, avec une attention particulière portée aux agriculteurs identifiés comme rencontrant des situations difficiles (par exemple en difficulté de paiement des cotisations sociales).

En 2018, le syndicat intègre le réseau Agri-sentinelles afin d’accroître l’efficacité des dispositifs existants et supporter les agents d’accompagnement des éleveurs en difficulté dans le repérage des situations d’isolement social et difficultés extrêmes.

La CR milite aussi pour qu’un service de remplacement soit accessible et équitable pour tous les agriculteurs, indépendamment de leur affiliation à un syndicat en particulier. Ce qui n’est aujourd’hui pas le cas dans certains départements, dans lesquels les Chambres d’agriculture administrées par les FDSEA ouvrent des droits particuliers à leurs adhérents (tarifs préférentiels, priorité sur la liste d’attente..). Le fonctionnement de ce service est à améliorer aussi en ce qui concerne la disponibilité de salariés compétents à la hauteur des attentes des agriculteurs, notamment dans certaines productions spécialisées.

(1) Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée dans le JO Sénat du 16/02/2017 - page 640 à la question écrite n° 24706 de M. Gérard Cornu (Eure-et-Loir - Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 19/01/2017 - page 137. (2) Khireddine-Medouni I, Breuillard É, Bossard C., Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants. Situation 2010-2011 et évolution 2007-2011. Saint-Maurice : Santé publique France ; 2016. 29 p

à lire sur le sujet :

- Prévention du suicide : pour une mobilisation et une organisation efficace

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