Après la grève du lait de 2009, la Coordination Rurale a enfin réussi a attirer l’attention des politiques et des médias sur la rémunération trop faible des agriculteurs. En 2016, la CR a largement communiqué en mettant en avant des rapports effarants : 50 % des agriculteurs affichent des revenus inférieurs à 350 € par mois, aides PAC inclues (source : MSA).
Un éleveur perd 139 € chaque fois qu’il produit 1000 litres de lait en plaine (coûts de production de 442 € et prix de vente de 303 € / source : OFPM).
En 2018, les États généraux de l’alimentation tentent de s’emparer du sujet, mais les prix étant mondiaux, une loi nationale aura du mal à régler durablement le problème.
Au-delà des variations interannuelles, la situation des agriculteurs se détériore inexorablement
Les agriculteurs travaillent à perte. Les prix de vente des produits agricoles, y compris les aides compensatoires et les produits joints, sont inférieurs aux coûts de production. Les industriels et la grande distribution ont recours aux importations privilégiant le moins-disant, qui constituent pour eux la référence. Malgré la mise en avant de la qualité de la production française, le facteur prix prédomine et la situation s’aggrave.
L’Office de la formation des prix et des marges (OFPM) indique clairement dans ses rapports que les prix payés aux agriculteurs sont en dessous de leurs les coûts de production. En juillet 2018, le président de la Commission des comptes de l’agriculture de la nation (CCAN) reconnaissait lui aussi que la rémunération de la production agricole était toujours insuffisante.
La France est le pays le plus durement touché par la crise agricole, avec des coûts de production élevés liés au niveau des cotisations sociales, des normes sanitaires, environnementales, de la fiscalité…
Mais, peu à peu, les producteurs d’autres pays de l’Union européenne, pourtant montrés en exemple, finissent eux aussi par s’enfoncer dans les mêmes difficultés. Au-delà des pays tiers, nos productions se concurrencent au lieu d’être complémentaires. Cette crise grave n’est pas conjoncturelle mais bel et bien structurelle, et fait suite à un empilement de mauvaises orientations de la PAC depuis 1992.
Le président de l’OFPM reconnaissait en avril 2018 que « l’élément déterminant dans la formation des prix est lié à des paramètres internationaux sur lesquels l’Europe n’a pas de prise. »
La position de la Coordination Rurale
C’est pour sortir de cette situation que la CR propose la mise en place de l’exception agriculturelle afin de pouvoir réguler nos marchés européens. Face à la situation du secteur agricole, la CR en appelle aux décideurs français et européens pour qu’ils considèrent l’agriculture comme un secteur stratégique afin de mettre fin au libre marché qui décime l’agriculture européenne.
Vu la part des produits agricoles dans le prix à la consommation des aliments (20 %) et la part consacrée par les ménages à leur alimentation (moins de 10 %), le relèvement des prix agricoles à un niveau rémunérateur n’aurait pas d’incidence majeure sur les consommateurs. Par contre, il permettrait la suppression totale des aides compensatoires et de leur coûteuse gestion à la charge des citoyens, donc des consommateurs, sauf dans le cas de zones à handicap naturel. Ce sont des aspects majeurs du projet pour une PAC renouvelée que porte la CR, qui aurait comme autres effets bénéfiques : une alimentation garantie en quantité et qualité ; une relance de l’économie et du dynamisme rural ; une stabilisation de la taille des exploitations par une reprise des installations ; une meilleure préservation de l’environnement et une relation à l’animal renouvelée.