La méthanisation agricole est un processus biologique permettant de produire une énergie renouvelable appelée biogaz à partir de matière organique, sous l’action de différentes bactéries et en l’absence d’oxygène. Ce procédé, qui permet notamment de valoriser les effluents agricoles, gagne du terrain et les projets d’unité de méthanisation sont aujourd’hui en forte croissance.

La méthanisation dite de cogénération utilise le biogaz dans un moteur, le cogénérateur, pour produire de l’électricité et de la chaleur. La seconde filière, dite d’injection, consiste à livrer la totalité du biométhane, biogaz épuré, dans le réseau de gaz naturel.

La méthanisation : agricole ou industrielle ?

La Coordination Rurale a salué l’ambition gouvernementale de faciliter le développement de la méthanisation. Elle reste toutefois sceptique vis-à-vis de certaines mesures qui, en favorisant les projets industriels, risquent de menacer la méthanisation individuelle à la ferme.

L’étude de 2022 « Ressources en biomasse et méthanisation agricole : quelles disponibilités pour quels besoins ? » et l’étude sur la rentabilité, commandée par le ministère, montrent que le modèle généralisé de méthanisation sans élevage, avec une grande consommation de Culture intermédiaire à vocation énergétique (CIVE) (comme développé en Île-de-France) est dangereux car il provoque des tentions sur la matière et qu’il serait déstabilisateur des équilibres agricoles.

L’industrialisation pousse les agriculteurs à renoncer aux logiques autonomes

Favoriser les projets industriels portés par des grandes coopératives ou ne subventionner que la recherche en injection, pousse les agriculteurs vers un système dans lequel ils perdent leur autonomie et dans lequel ils ne deviendraient que des apporteurs de matières premières à bas coût.

Créer un tarif de rachat pour les installations de 500 à 1 000kW et relever le seuil déclaratif ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement) de 60 à 100 tonnes par jour visent particulièrement le développement de projets collectifs de grande taille, alors qu’un projet agricole moyen de 220kW nécessite environ 20 tonnes d’approvisionnement quotidien. La CR demande un moratoire sur les installations de plus de 100 tonnes par jour.

La possibilité de mélanger les sources d’intrants, notamment les boues d’épuration et les biodéchets, est particulièrement problématique. Il ne s’agit que d’une mesure visant à faciliter aux acteurs non-agricoles l’accès aux surfaces d’épandage, tout en faisant courir un risque lié à ces mélanges sur la qualité sanitaire du digestat épandu sur les surfaces cultivées.

La CR est en revanche favorable à la sortie du statut de déchet des digestats, à condition que cette mesure soit uniquement appliquée à la méthanisation à la ferme qui valorise très majoritairement les effluents et les matières végétales brutes. Cette normalisation du digestat agricole permettrait ainsi de faciliter les échanges et l’approvisionnement entre agriculteurs. En revanche, le digestat issu de méthanisation industrielle doit faire l’objet d’une surveillance renforcée.

Pour la CR, certaines incohérences freinent le développement du biogaz :
◦ la complexité des démarches à accomplir, leur coût et la durée des délais d’instruction.
◦ les banques sont frileuses pour financer la méthanisation vu les montants à investir et l’incertitude du retour sur investissement faute de prix de rachat de l’électricité suffisant. Les tarifs incitatifs et garantis sur la durée sont le meilleur levier pour développer la méthanisation agricole. Aujourd’hui, tous les projets sont pénalisés, y compris ceux des jeunes qui voudraient s’installer et s’assurer un complément de revenu pour la ferme avec la production d’énergie.
◦ le manque de professionnalisme chez les entreprises françaises pourvoyeuses de matériel et de service pour la méthanisation. L’offre a besoin d’être structurée et certifiée pour fournir des garanties aux porteurs de projets sur le long terme.
◦ les graisses d’abattoir sont destinées essentiellement à faire des biocarburants alors que leur fort potentiel méthanogène devrait améliorer les rendements de production d’énergie à la ferme. Les processus d’autorisation sont si complexes que les graisses animales vont systématiquement dans les outils industriels.

La CR ne s’oppose pas à l’incorporation de cultures alimentaires dans les méthaniseurs, en quantité modérée, afin de régulariser leur fonctionnement. Elle s’inquiète cependant de la volonté affichée, à travers le second pilier de la PAC, de développer la méthanisation à base de couverts végétaux ou de biomasse. Ces derniers sont normalement destinés à être réincorporés directement au sol dans le but de l’enrichir en matière organique. Le sol ne peut être considéré comme un substrat inerte qui doit produire de grandes quantités de biomasse à grands renforts de fertilisants NPK et d’eau.
La prime tarifaire sur l’utilisation d’au moins 60 % d’effluents est nécessaire à la rentabilité des méthaniseurs. Cela limite de fait l’utilisation d’autres ressources, mais la CR estime que la part des cultures doit être spécifiquement encadrée.

La Coordination Rurale salue enfin la promesse de débloquer 100 millions d’euros pour financer un plan de garantie, mais elle reste vigilante quant au fait que les agriculteurs restent prioritaires pour l’accès à ces crédits.

Les initiatives individuelles, adaptées à la taille de l’exploitation ou d’un collectif d’agriculteurs, sont essentielles pour laisser aux agriculteurs une totale autonomie dans la gestion de leurs outils de production et de leur surface d’épandage.

L’avenir dépendra du degrés d’engagement des pouvoirs publics en faveur d’une méthanisation qui doit rester agricole et diversifiée (injection et cogénération).
C’est pourquoi, il convient de poursuivre la recherche et le développement de la cogénération qui produit de l’électricité ET de la chaleur.

À lire sur le sujet :

Proposition de la CR sur l’encadrement de l’utilisation des cultures alimentaires en méthanisation

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