Si la Coordination Rurale est très sensible à la gestion des risques en agriculture, elle est aussi et surtout très attentive à l’avenir des exploitations qui est assuré par leur revenu, et considère à ce titre que la prévention des risques doit prendre la priorité sur leur gestion. Dans le contexte actuel, il est illusoire de faire subir à nos structures des charges supplémentaires. Cela ne ferait qu’accélérer leur dégradation économique qui est déjà bien avancée.
L’agriculteur seul n’a, quoi qu’il en soit, pas la capacité de couvrir tous les risques qui doivent être également pris en compte dans le cadre de la mutualisation et de la solidarité nationale.
La CR considère qu’il est nécessaire de mettre en œuvre un système global, car il est difficile de dissocier les risques climatiques, sanitaires et économiques qui peuvent se succéder ou s’additionner.

La loi sur la gestion des risques : un désengagement de l’État

Cette nouvelle loi préconise la généralisation du recours à l’assurance récolte et donc la fin du régime des calamités agricoles. Son entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2023.
Il va s’agir d’un système à 3 niveaux :
1. L’agriculteur assume financièrement ses pertes sur des risques de faible intensité. Cela peut être soutenu pour la mise en place des mesures de prévention (tour antigel, filet anti-grêle, etc.).
2. L’assurance multirisque climatique, dont les primes sont subventionnées en partie par l’État (jusqu’à 70 %, selon les règles de l’Union européenne) et prises en charge par les assureurs privés, couvre les pertes pour des risques d’intensité moyenne. Cette assurance s’appuiera sur une mutualisation entre les territoires et les filières. La création d’un pool d’assureurs est prévue.
3. Une indemnisation des dégâts exceptionnels par une garantie directe de l’État. Pour les assurés, cette prise en charge viendra en complément des indemnisations versées par l’assurance.
Cette loi incite donc à recourir à l’assurance récolte par une augmentation de la prise en charge des primes d’assurance et une meilleure indemnisation par l’État en cas de risques exceptionnels. Or, le coût des assurances, des franchises et des seuils de déclenchement reste trop élevé pour pouvoir être utilement et massivement souscrites par les agriculteurs. La CR persiste à demander une mutualisation générale des calamités et le financement d’outils de prévention permettant de lutter efficacement contre les aléas climatiques puisque, à terme, cela permettrait de réduire les risques et les pertes.

La prévention et la protection par l’investissement

La prévention et la protection reposent sur l’investissement (filets ou dispositifs collectifs de lutte anti-grêle, irrigation, dispositifs anti-gel, drainage, etc.). Elles supposent donc la possibilité d’amortir économiquement les équipements nécessaires. Cette possibilité n’existe qu’en cas de valeur ajoutée suffisante et repose sur le retour à une politique de prix rémunérateurs.
La prévention par l’investissement est une contribution à l’expansion économique alors que l’indemnisation pour cause de disparition de la production constitue un élément de régression économique. Il serait donc dommageable de se priver d’un tel outil.
Les différents outils de prévention et de protection présentent des limites qui peuvent être économiques (coût à l’hectare, coûts de fonctionnement) ou techniques (contraintes d’utilisation) ou même liées aux aléas climatiques exceptionnels (destruction des serres par la grêle, fortes chutes de neige ou tempêtes).
Dans le contexte actuel, où la capacité de l’agriculteur à investir est limitée, l’État et les collectivités devraient participer au financement de ces outils de prévention, certains d’entre eux étant également bénéfiques pour la société civile (par exemple les dispositifs anti-grêle protègent aussi les habitations et les voitures) et d’autres secteurs économiques. Ces outils de prévention des risques permettraient également de limiter le coût de la solidarité nationale auprès des contribuables et la France se doterait d’un outil compétitif et durable pour faire face aux aléas climatiques à venir.

L’épargne de précaution

L’épargne de précaution peut répondre à des aléas économiques de faible ampleur. La CR approuve ce dispositif fiscal, tout en déplorant son plafonnement, qui permet à l’agriculteur d’épargner les bonnes années. Elle s’oppose, en revanche, à tout prélèvement obligatoire sur les aides PAC du 1er pilier pour constituer cette réserve.

L’assurance-récolte

Sur le plan du risque climatique, la CR regrette que l’assurance-récolte soit proposée à des tarifs prohibitifs et que la couverture qu’elle procure soit insuffisante.
Elle est opposée à toute obligation en lien avec ce système assurantiel qui doit laisser à chaque agriculteur le choix d’y adhérer. Le soutien financier à l’assurance ne doit pas entraîner de prélèvement supplémentaire aux aides des agriculteurs n’adhérant pas à ce dispositif.
Pour remplacer un système d’assurance obligatoire, la CR propose la création d’un fonds d’auto-assurance qui serait déposé auprès de la Caisse des dépôts et consignations et entrant dans les charges de l’exploitation (voir fiche « Assurance-récolte »).

Le risque sanitaire

Le FMSE (Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental) a aujourd’hui un champ trop restreint. Il intervient sur peu d’espèces. La CR estime qu’un abondement à ce fonds par l’ensemble de la société, représenté par les Régions, doit être envisagé. Les risques sanitaires auxquels sont exposés les agriculteurs sont liés aux mouvements internationaux de marchandises dont ils ne sont pas responsables (Xylella sur oliviers italiens, Diabrotica d’Europe centrale, aviculture…). Mais aujourd’hui ils en assument seuls le coût, ce qui est anormal (voir fiche « Santé du végétal »).

Le remplacement du régime de calamités agricoles

Les éleveurs de ruminants sont les seuls agriculteurs dans le cadre de cette réforme à perdre un outil efficace, à savoir le fonds des calamités agricoles, qui leur était dédié et leur permettait jusqu’ici d’être indemnisés à partir d’une évaluation des pertes basée sur une référence historique. La nouvelle loi prévoit une évaluation des pertes basée sur une moyenne olympique quinquennale qui les pénalisera au regard des récents évènements climatiques qui se répètent chaque année. La CR demande donc à ce que les prairies bénéficient d’un régime différencié. Ainsi, la CR demande que les éleveurs herbagers bénéficient d’un déclenchement de l’assurance dès 20 % de pertes. Afin de ne pas les pénaliser, la CR demande également à ce que la réforme prenne en compte le même taux de perte que celui indiqué dans le cadre du régime des calamités agricoles, à savoir 30 % de pertes pour le déclenchement de la solidarité nationale. La moyenne olympique pourrait exclure les années durant lesquelles l’assurance et/ou les calamités sont intervenues. Ces mesures doivent permettre d’indemniser la totalité des pertes subies par les éleveurs.

En conclusion

Pour la stabilité de notre agriculture, la CR mise en priorité sur les prix des matières premières produites qui doivent fournir un revenu digne, permettant naturellement une forme d’épargne de précaution.
Pour les aléas climatiques et financiers, notre syndicat est favorable à une gestion sur l’exploitation avec des pratiques de bon sens comme un meilleur équilibre et une répartition des risques entre les espèces cultivées, la mise en œuvre d’une politique d’irrigation ou de drainage, le recours à la phytopharmacie, les assurances volontaires pour certains risques climatiques, ou encore le stockage à la ferme.
Enfin, la réforme doit couvrir a minima le niveau de remboursement des pertes effectué par le Fonds des calamités agricoles et ne doit pas être soumise à une évaluation des pertes basée sur une moyenne olympique quinquennale.

à lire sur le sujet :

Gestion des risques et système assurantiel : La CR réaffirme ses positions

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