Un 2e pilier coûteux, complexe et inefficace !

Depuis le grand tournant libéral de 1992 orchestré par les responsables de la FNSEA, la PAC est enfermée dans des contraintes budgétaires liées à une distribution d’aides vitales aux effets pervers qui se sont substituées aux prix rémunérateurs.

La dérégulation à outrance sous prétexte de libre concurrence détruit notre agriculture et, avec elle, toute l’économie des territoires ruraux. Mais comme un pansement sur une jambe de bois, la PAC engloutit des sommes colossales prises sur les aides directes du 1er pilier au profit du second pour tenter de compenser par des mesures dites « vertes » : c’est l’objectif du développement rural basé sur ce 2nd pilier de la PAC. Or aujourd’hui, non seulement les aides du 1er pilier ne compensent plus du tout la baisse des prix, mais en plus le 2nd pilier et ses mesures à la fois ultra-complexes et chèrement payées se révèlent inefficaces (voir : Verdissement).

Augmenter le transfert du 1er pilier vers le 2e, c’est diminuer les soutiens directs à l’agriculture, ce qui en l’absence de régulation et de prix rémunérateurs, soumettra d’autant plus les agriculteurs au diktat du marché.

La CR s’oppose à cette logique de déshabiller Paul pour habiller Jacques. Alors, qu’en 2016, plus de la moitié des agriculteurs a dégagé moins de 354 € de revenu mensuel et que le résultat net d’exploitation par agriculteur a chuté de prés 22 %, l’année suivante, le Gouvernement annonce un prélèvement de 1 milliard d’euros du 1er pilier pour combler un trou dans le 2nd pilier. En 2018, le Gouvernement annonce le déblocage de 1,1 milliard d’euros pour l’agriculture biologique sans spécifier la provenance de cette somme alors que 40 % des aides à la conversion et au maintien étaient impayées. De plus, les fonds pour financer les aides bio, les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les Indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) manquent dans toutes les régions. Certaines régions ont même dû supprimer ou plafonner les aides bio.

Fonds FEADER : entre inadéquation et complexité administrative

Ce qui est perdu sur le 1er pilier n’est pas toujours récupéré sur le 2nd, loin de là. Tout le monde ne perçoit pas l’ICHN : il faut être en zone défavorisée simple (ZDS) ou de montagne. Tout le monde n’accède pas non plus aux MAEC : il faut être sur un territoire « ouvert », couvert par un Projet agro-environnemental ou climatique (PAEC).

Quant aux services environnementaux rendus par l’agriculture, la CR est fermement convaincue que leur rémunération doit passer par le prix payé à l’agriculteur et, à défaut, par des aides du 1er pilier qui sont touchées par tous (en tout cas depuis 2015).

Mis à part le scandale des retards des versements de la PAC de ces dernières années, les programmes du 2nd pilier vont parfois à l’encontre des déclarations d’intention des politiques.

Le Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) par exemple, en exécution des volontés du ministère de donner une priorité « essentielle » à l’élevage (1), a destiné les 2/3 des subventions à ce secteur. La moitié des dossiers concerne les bâtiments d’élevage bovin lait, viande, volaille (mises aux normes suite au programme nitrates). Donc, cet argent sert surtout à mettre aux normes des élevages pour satisfaire à des directives environnementales ou sanitaires, au lieu de soutenir directement leur revenu.

Les aides à l’installation sont aussi du ressort du FEADER. Or, à peine la moité des installés demande les aides, tellement le carcan est étouffant. Tous les nouveaux installés n’en profitent pas, d’où la demande de simplification formulée par la section Jeunes de la CR.

Le FEADER permet aussi de financer le stockage de l’eau dans certaines régions. Mais les freins administratifs empêchent les dossiers d’aboutir.

La CR est contre la régionalisation des aides du 2nd pilier

En principe, la régionalisation de ces aides est censée permettre de fournir des réponses spécifiques et adaptées aux besoins sociaux et environnementaux à l’échelle territoriale/régionale. Dans les faits, la répartition se fait de manière inégale. Né expressément pour améliorer la cohésion entre les États membres et entre leurs différentes régions, le 2nd pilier est facteur d’inégalités infra et inter-régionales (2).

De plus, dans un tel contexte, la régionalisation de ces aides contribue à accentuer la distorsion de concurrence entre les États membres déjà installée par la dérégulation des marchés liée à l’abandon de la préférence communautaire, ce que la CR dénonce depuis toujours.

L’autre risque, dans un processus de libéralisation des politiques agricoles, est celui d’accélérer le développement d’une agriculture à deux vitesses : dans certains espaces, une agriculture productive et compétitive sur les marchés mondiaux et, dans d’autres espaces, une agriculture subventionnée de petites et moyennes exploitations agricoles sur des productions de niche ou avec d’autres fonctions que productives (tourisme, entretien du paysage..).

Pour toutes ces raisons, la CR est convaincue, qu’à défaut d’une nouvelle PAC basée sur des prix rémunérateurs, il faut un retour des aides bio dans le 1er pilier et abandonner la gestion régionale au profit d’une gestion nationale des aides du 2nd pilier ce qui permettrait l’équité entre tous les producteurs quelle que soit la région dans laquelle ils exercent.

Pour le développement rural, induire un cercle vertueux

La PAC proposée par la CR repose sur des prix justes à la production pour rétablir un fonctionnement normal de l’agriculture, induisant un cercle vertueux global : plus d’agronomie et d’équilibre dans les assolements grâce à des cultures variées et rentables, qui seront bénéfiques à l’environnement et permettront une utilisation raisonnable et optimale des intrants et de l’eau. Les territoires ruraux cesseront de devenir des déserts économiques et retrouveront leur dynamisme avec un nouveau développement des emplois (1 agriculteur induit 7 emplois) et des services publics, sans qu’il soit nécessaire de dépenser argent et énergie dans des mesures de développement rural. Le renouvellement des agriculteurs ne sera plus un sujet de préoccupation, mais deviendra naturel pour une activité stratégique à l’équilibre économique retrouvé.

C’est pourquoi la CR ne désespère pas de faire entendre raison au plus haut niveau, pour que les agriculteurs ne restent pas les victimes silencieuses des mauvais choix opérés depuis plus de 20 ans.

(1) http://agriculture.gouv.fr/plan-de-competitivite-et-dadaptation-des-exploitations-agricoles
(2) Cfr. Trouvé, A. & Berriet-Solliec, M. 2008, 2nd pilier de la Politique Agricole. Commune et régionalisation : vers plus de cohésion ?. Revue d’Économie Régionale & Urbaine, mars,(1), 87-108.

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