Deux types de zonages
Le périmètre de protection de captage (PPC) relève du Code de la santé publique et se répartit par couches concentriques autour du forage : périmètre de protection immédiate (PPI – pas d’activité agricole – site clôturé), périmètre de protection rapprochée (PPR – plan d’action), périmètre de protection éloignée (PPE – vigilance sur les pratiques agricoles).
L’aire d’alimentation de captage (AAC) relève du code de l’environnement. Un plan d’action, découlant d’un diagnostic territorial, y est appliqué, d’abord sur la base du volontariat (MAE) puis de manière obligatoire (arrêté ZSCE : zones soumises à contraintes environnementales) si les résultats de qualité de l’eau n’ont pas été atteints.
Indemniser durablement les contraintes sur les AAC, comme cela existe pour les PPC
Sur les PPC, toutes les interdictions sont indemnisables. En vertu de l’article L1321-3 du Code de la santé publique, dès lors qu’un préjudice est dû à l’instauration d’un périmètre de protection, propriétaires et exploitants peuvent prétendre à une indemnisation fixée selon les règles applicables en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. Ce préjudice doit être direct, matériel et certain. Si certains départements sont dotés d’un protocole d’éviction, d’autres en sont dépourvus, ce qui rend les choses plus floues. On constate également de très fortes disparités entre les formules de calcul prévues par les différents départements. L’indemnité due au propriétaire sera généralement basée sur une fraction de la valeur vénale des terres concernées, tandis que celle au profit de l’éventuel fermier en place sera basée sur la perte de marge brute entraînée par les restrictions qui lui sont imposées. Au niveau fiscal, ces indemnités seront imposées selon le régime des plus-values (professionnelles pour le fermier, des particuliers pour le propriétaire bailleur et cela dépendra du choix opéré vis-à-vis du maintien ou non des terres dans son patrimoine privé pour le propriétaire exploitant).
Sur les AAC, la CR milite pour une indemnisation durable dans le temps mais ces indemnités constituent des aides d’État prohibées par Bruxelles. Actuellement, outre les paiements pour services environnementaux et les dangereuses obligations réelles environnementales (voir la fiche sur les « ORE »), les seuls financements auxquels l’État, les collectivités et les agences de l’eau veulent consentir sont les MAE, dont on connaît bien l’échec et l’inefficacité (1). Avec une durée limitée à 5 ans, ce type d’engagement n’a aucun sens. Sur le captage de Diou dans l’Indre, les luzernes ont toutes été retournées à la fin du contrat, non reconductible !
Une fois la phase volontaire passée, les pouvoirs publics cherchent à faire du plan d’action, bon marché pour eux, basé sur des ZSCE avec des mesures obligatoires imposées aux agriculteurs et non indemnisées puisque ce sont des mesures de police administrative. En plus, le droit de propriété est bafoué et la valeur vénale des terres fortement réduite.
Élaborer des plans d’action ciblés
Contrairement à ce qui est toujours fait sur le terrain, il est pour la CR plus pertinent d’établir un plan d’action ciblé sur les espaces agricoles les plus contributeurs à l’alimentation du captage, en compensant de manière pérenne le manque à gagner sur les hectares concernés. Une action ciblée peut ainsi être beaucoup plus efficace même si elle porte sur une faible portion de la SAU.
Dans le cadre du diagnostic territorial, la CR s’inquiète de la confidentialité des données de pratiques agricoles récupérées auprès des agriculteurs. Elle souligne aussi l’importance d’un état initial de la ressource en eau, mieux défini et partagé. Face aux lacunes méthodologiques en matière d’analyse, la CR souhaite que les ministères donnent un cadre permettant d’éviter certaines dérives locales. Une fois cet état zéro correctement réalisé, il faut fixer des objectifs tenant compte du temps de réponse des masses d’eau, parfois très long. La CR est à ce sujet très intéressée par les démarches de datation de l’eau et par les analyses isotopiques permettant de tracer l’origine de l’azote.
Inclure l’ensemble des agriculteurs impactés dans la gouvernance
La délimitation des zones et l’élaboration des plans d’action doivent être le fruit de la concertation la plus large possible. Chaque agriculteur possiblement impacté doit être invité, personnellement, à prendre part aux discussions.
De leur côté, les Chambres d’agriculture ne défendent pas suffisamment les agriculteurs : elles se contentent de « vendre » les MAE, tout en « captant » des financements pour rémunérer leurs agents, chargés de faire de l’animation sur les bassins versants.
Face aux nombreux blocages sur le terrain, les ministères de l’Agriculture, de l’Écologie et de la Santé cherchent depuis peu à donner plus de place à la gouvernance locale et aux projets territoriaux, soit davantage de subsidiarité. Hélas, la confiance sera difficile à restaurer sur le terrain et la nouvelle feuille de route n’est pas à la hauteur. Les outils réglementaires ne sont pas réformés mais seulement mieux expliqués. Pas non plus de solutions nouvelles au niveau du foncier, mais une meilleure explication de l’existant (bail rural à clauses environnementales, acquisition, échange de parcelles, etc.). En outre, il y a encore des incohérences : ils veulent inclure les chasseurs mais oublient carrément les propriétaires !
Enfin, la CR regrette une vision trop dogmatique des choses : l’azote « bio » n’est pas chimiquement différent de l’azote « conventionnel ». Par ailleurs, en périmètres de protection de captage, la pratique du bio est parfois rendue impossible par l’arrêté préfectoral (interdiction des composts par exemple).
Et comment mettre en place des projets alimentaires territoriaux dans des zones très peu peuplées ? Les mots « projet territorial » doivent d’ailleurs remplacer ceux de « plan d’action » mais les mots plus fleuris peuvent cacher des réalités qui le sont moins.
Les autres sources de pollution doivent être prises en compte : résidus de médicaments et d’hormones qui contaminent insidieusement la ressource et que des stations d’épuration libèrent dans le milieu aquatique ; polymères cancérigènes et perturbateurs endocriniens, libérés par les tuyaux d’adduction d’eau potable, dont le renouvellement est si lent et coûteux ; sels d’aluminium, avec lesquels nombre de petites communes traitent encore leur eau distribuée au robinet alors qu’ils sont suspectés de favoriser les maladies neurodégénératives.
(1) Bien qu’il soit possible de créer des MAE régionales sur-mesure, mieux adaptées au terrain et notifiées directement à Bruxelles, cela n’est fait que trop rarement.