La CR ne porte aucun jugement sur ceux qui revendent leurs terres aux étrangers

La CR comprend que des agriculteurs surendettés, qui plus est par une conjoncture et de  mauvaises politiques dont ils sont victimes, revendent leur foncier au plus offrant, que celui-ci soit français ou étranger, chinois par exemple.

Dans certains cas même, les acquéreurs épongent les dettes et conservent l’agriculteur comme gérant.

Risque de dépossession pour les agriculteurs de leur outil de travail

Si la rentabilité du foncier est très faible, 150 €/ha de fermage pour un hectare acheté 7 500 €, soit 50 ans pour le retour sur investissement, la valeur vénale des terres augmente rapidement : +38% ces 10 dernières années. Le prix de la terre a doublé, de 1997 à 2015, passant de 3 000 € à 6 000 € en moyenne par ha[1]. Le foncier agricole français est encore l’un des moins chers d’Europe (1 ha vaut 52 000 € aux Pays-Bas) et l’un des plus productifs, d’où l’attrait qu’il peut exercer sur les investisseurs étrangers.

Ces achats, encore très isolés, ne sont pas suffisants pour faire monter les prix. Mais qu’en sera-t-il si ces acteurs étrangers sont de plus en plus nombreux à se positionner à l’avenir ?

Les Chinois ou autres étrangers ne sont pas les seuls à lorgner sur les terres agricoles. Il y a aussi nos coopératives. Dans un rapport assez détaillé, Coop de France leur a expliqué comment elles doivent s’y prendre[2]. En outre, les banques pressent parfois les agriculteurs, jugés trop endettés, de vendre des terres à des investisseurs.

Rajouter de la complexité administrative n’est qu’un palliatif aux carences de notre politique agricole européenne dérégulatrice.

La solution passe par l’amélioration durable des conditions économiques de l’activité agricole. Durcir la régulation sur le foncier (pouvoirs élargis de la SAFER ou de la CDOA) s’attaque aux symptômes et non pas à la racine du mal, qui est la dérégulation des marchés agricoles appauvrissant les agriculteurs et les mettant dans l’incapacité de détenir leur outil de production et de travail. Que dirait-on par exemple d’un entrepreneur de maçonnerie qui serait incapable de s’acheter son matériel ?

Au contraire, la CR souhaite recentrer les SAFER sur les seules opérations d’intérêt public et limiter leur droit de préemption à la seule installation des nouveaux agriculteurs. Devenues des « marchands de biens », les SAFER servent d’intermédiaires dans des transactions, en faisant bénéficier les parties de leur privilège fiscal.

De plus, la CR est favorable à l’expérimentation de la réduction ou de la suppression de la réglementation du contrôle des structures, mais sous conditions. Cette refonte en profondeur doit viser à :

– faciliter et encourager la transmission des exploitations ;

– dissuader les investissements contraires à la souveraineté alimentaire de la France

Elle doit aussi permettre de :

– garder une connaissance précise de l’évolution des structures et connaître les montants des transactions ;

– conserver la Commission départementale d’orientation agricole (CDOA), en raison de son rôle de lien entre monde agricole et administration.

Légiférer en fonction de la réciprocité des possibilités d’achat de terres dans les pays tiers

Il est effectivement choquant de voir des Chinois acheter en France, dans la mesure où la réciproque n’est pas réellement possible. Les achats de foncier en Chine sont impossibles, si ce n’est par concession d’un droit d’usage à durée limitée, car c’est l’état chinois qui est propriétaire du sol. Ceux qui veulent s’y installer doivent aussi composer avec la corruption et l’opacité du système, la Chine étant en réalité excessivement protectionniste.

Il ne serait donc pas aberrant de limiter par la loi les possibilités d’achats par les ressortissants de pays où les Français ne peuvent pas acheter, ou alors avec de grosses contraintes.

Il va sans dire que cette loi ne concernerait pas les ressortissants d’états membres de l’UE, où la liberté d’établissement est garantie par les traités européens.

Faciliter l’accession progressive au foncier des nouveaux installés et donner l’envie aux particuliers d’acquérir du foncier sous forme de parts

En plus de permettre aux agriculteurs de conserver leur foncier, il faut aussi faciliter l’accession des nouveaux installés. La pyramide des âges des agriculteurs est telle que de nombreuses parcelles seront à vendre dans les prochaines années. Mais comment les racheter, dans un contexte de crise économique agricole si aiguë ?

La Coordination Rurale propose la mise en œuvre de sociétés agréées ayant pour objet le financement du foncier agricole en vue d’une installation d’un nouvel agriculteur, avec accession progressive à la propriété (par un mécanisme de location avec option d’achat) et avec avantages fiscaux pour les acheteurs de parts, à l’image de ce qui se pratique pour soutenir la création cinématographique.

Elle propose aussi le développement de groupements fonciers agricoles territoriaux (de type GFA), faisant participer au financement du foncier, des collectivités locales ou des particuliers d’un territoire de proximité bénéficiant ainsi d’avantages fiscaux. Le transfert des parts serait rapide et fluide entre acheteurs et vendeurs. D’autres personnes morales que les collectivités ne pourraient pas y prendre part. La majorité des droits de vote reviendrait systématiquement aux exploitants preneurs.

Avec d’autres systèmes d’investissement, comme Labeliance, l’exploitant est mis sous tutelle et doit rendre des comptes. En cas de motif grave, il peut être exclu de la SCEA ! Il doit s’acquitter de frais de gestion (2% du capital investi), verser des intérêts à Labeliance (supérieurs à 6%) et à l’échéance, racheter les parts sociales détenues par le fonds. S’il ne parvient pas à racheter, 100% des parts seront cédées à la valeur du marché. Tout cela relève d’un quasi-esclavage et il est choquant que les chambres d’agriculture se prêtent à un tel jeu ! (voir notre article détaillé sur Labeliance).

La CR encourage enfin le recours au dispositif « crédit-transmission », avec un 1er apport du jeune de 50% à 30% du prix, le reste du paiement étant fractionné dans le temps. Le cédant doit bénéficier alors d’un crédit d’impôt sur le revenu et la CR demande que celui-ci soit total, et non limité à 50% des intérêts perçus dans une limite de 5 000 ou 10 000 € comme c’est le cas actuellement.

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[1]           Source : Agreste ; http://agreste.agriculture.gouv.fr/donnees-de-synthese/valeur-venale-des-terres-agricoles/

[2]           https://www.coordinationrurale.fr/cooperatives-3/

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