De quoi les abeilles meurent-elles ?

La section Apicole de la Coordination Rurale observe que d'après la littérature scientifique, de nombreux facteurs impactent la santé de l'abeille : maladies, alimentation, conditions climatiques, génétique, pratiques apicoles, produits phytopharmaceutiques, frelon asiatique...

Le dispositif de suivi des causes de mortalité des abeilles, mis en place fin 2014 par le ministère de l’Agriculture, a montré qu'en 2015, les abeilles meurent dans 39 % des cas de maladie : varroa, paralysie aiguë, loque américaine ou européenne, nosémose, virus des ailes déformées, mycoses, virus de la cellule royale noire… Dans 14 % des cas, elles meurent de mauvaises pratiques apicoles, telles que l’utilisation d’acaricides interdits. Dans 11 % des cas, elles meurent de faim. Les intoxications phytosanitaires n'expliquent que 6 % des cas, loin du cliché ressassé à la télévision, reportage après reportage, de l’abeille mourant uniquement des « pesticides ».

La liste des maladies est longue mais le varroa en particulier, acarien responsable à lui seul de 21 % des cas de mortalité, affaiblit le système immunitaire de l’abeille et la rend sensible aux virus. Bien maîtrisé par les acaricides dans les années 1980, il serait devenu résistant dans les années 1990 et plus difficilement maîtrisable. Le varroa a d'ailleurs entraîné une importante surmortalité aux USA, ce avant la mise sur le marché du premier néonicotinoïde.

Néonicotinoïdes, bouc émissaire de la problématique sanitaire des abeilles

Plusieurs études démontrent la nocivité de cette famille de molécules sur les abeilles, par exemple la désorientation des abeilles par le thiaméthoxame. Mais sur le terrain, nombreux sont les apiculteurs disposant leurs ruches à proximité de cultures traitées par enrobage de semences sans observer de mortalité particulière. L'interdiction des néonicotinoïdes en France, à partir du 1er septembre 2018, puis en Europe d'ici fin 2018, ne résorbera donc qu'une partie de la surmortalité.

En outre, les médicaments vétérinaires eux-mêmes pourraient impacter la santé de l'abeille : les abeilles traitées avec du tau-fluvalinate voient leur butinage perturbé, effet semblable à celui provoqué par l'imidaclopride. Lors de l'utilisation d'acide formique et de thymol pour lutter contre le varroa, un surdosage peut provoquer la mort de nombreuses abeilles et détruire le couvain. Des résidus de coumaphos dans la cire, acaricide non autorisé en France mais utilisé illégalement, entravent l'élevage des reines et impactent le développement de la colonie.

Autre menace, le cynips du châtaignier

Cette micro-guêpe chinoise, apparue en France en 2005, prive les abeilles d’une ressource essentielle à la colonie dans une majorité de régions françaises. Il peut y avoir sur le châtaignier jusqu’à 80 % de fleurs en moins. La lutte biologique par lâchers de Torymus sinensis est coûteuse et la disponibilité de cette autre micro-guêpe chinoise est surtout limitée aux zones de castanéiculture. Le nectar de châtaignier est une composante majeure de la miellée d’été. Sans elle, la production de miel diminue et les abeilles sont privées d'une nourriture essentielle à leur survie.

Nuage toxique, une théorie fumeuse !

Les semis de graines enrobées peuvent produire des nuages de poussières potentiellement toxiques pour les abeilles. Mais ce type d'accident est exceptionnel et toujours localisé. Pourtant, certains vont jusqu'à prétendre qu'une seule molécule entraînée dans l'air depuis la parcelle agricole peut impacter l'abeille en zone non agricole ou naturelle, très éloignée de la source d'émission.

Or, la toxicologie nous enseigne que c'est la dose qui fait le poison. Autant l'intoxication aiguë par contact direct au champ ne fait guère de doute, autant cette théorie du nuage toxique paraît être fabriquée pour les besoins idéologiques de la cause anti-phyto et mériterait d'être préalablement validée scientifiquement.

Faute d'un examen scientifique sérieux de cette théorie du nuage de pollution diffuse, affirmer que les produits phytosanitaires sont responsables d'une aggravation déterminante des problèmes de santé de l'abeille en zone sauvage relève de l'imposture.

Facteur stress : une théorie insuffisamment étudiée

Le centre de recherche apicole suisse (Agroscope de Berne-Liebefeld) a montré qu'un emplacement optimal est plus important pour le développement des colonies que le facteur génétique ou les mesures d'élevage.

Les 2 principaux agents de stress sont le froid et la faim mais il y en a d’autres (une branche qui casse, une intrusion dans la ruche…). Les abeilles réagissent à la menace en émettant un signal, une phéromone de défense particulière, à un degré proportionnel à l’intensité du stress. Ce signal chimique, encore mal connu par la recherche, peut entraver le développement de la ruche, voire la mettre à l’arrêt (stopper la ponte de la reine par exemple). Si le stress s’accumule, cela peut provoquer un affaiblissement général de la colonie pouvant être fatal.

Le froid et les accidents climatiques figurent parmi les facteurs de stress les plus importants, les mortalités hivernales variant du simple au double d’une année sur l’autre, d’une région à l’autre, mais aussi d’un apiculteur à l’autre, parfois voisins sur un même terroir… mais encore au sein d’un même rucher, selon le degré d’exposition au vent des ruches et selon leur emplacement topographique. Un bon emplacement favorisera le développement d’une colonie mais le contraire est aussi vrai. Le froid conjugué au vent et/ou à l'humidité peut faire des ravages ! Les longues périodes de mauvais temps ou de basses températures empêchent les abeilles de récolter du nectar et du pollen. Or, le froid entraîne une consommation accrue de nourriture afin de maintenir la chaleur de la ruche.

Pour la section Apicole de la Coordination Rurale, il y a là tout un domaine à explorer : quels sont les modes de conduite générant le moins de stress, donc de mortalité ? Quels sont les mécanismes sous-jacents à même d’expliquer ces différences ? En tant que dénominateur commun, cette gestion du stress par la colonie pourrait apporter un éclairage nouveau sur les origines multifactorielles de la mortalité des abeilles.

 

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