Le vendredi 04 décembre 2020, la Coordination Rurale d'Île-de-France (CR IDF) a rencontré M. Marc GUILLAUME, préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, lors d'une réunion en visioconférence.

La CR a débuté l'entretien par une présentation de la problématique de la Politique agricole commune (PAC) qui va nécessiter la prise en compte du changement climatique par les transformateurs et entreprises de l'agroalimentaire. Le changement climatique aura des conséquences en matière d'amplitude thermique et d'aléas climatiques, ce qui induira de fait des fluctuations des volumes produits en agriculture. Cela aura inévitablement un impact dramatique sur la situation économique des exploitations. L'agriculture a besoin d'une analyse et d'une prise de hauteur par rapport à toutes ces années de PAC afin d'en dresser le bilan.

À propos de la directive nitrates, la Coordination Rurale pointe une erreur de diagnostic fondamentale. En effet, l'ion nitrate est naturellement présent dans le sol et est bon pour la santé. Les légumes racines et feuilles en contiennent de grandes quantités et les bienfaits des nitrates sont également reconnus dans le milieu sportif. Pour ce qui est de l'eutrophisation, le problème est lié au phosphore. On ne peut pas lutter contre l'eutrophisation en s'attaquant uniquement aux nitrates, c'est impossible.

Dans le cadre d'une réorientation vers une agriculture durable, les agriculteurs ont besoin d'azote. Avec la couverture des sols, l'azote est prélevé par les racines et sert à la synthèse des protéines des plantes. L'agriculture de conservation des sols agit pour une régénération durable des sols. Pour ces pratiques agricoles alternatives, l'azote est nécessaire, tout comme l'est également le glyphosate, argumente la CR. Le ministre de l'Agriculture, M. Julien DENORMANDIE, l'a bien compris concernant le glyphosate.

Nous en sommes à la 7e campagne de surveillance des nitrates, et l'agriculture est encore la seule activité désignée comme coupable. Or, la CR a rappelé qu'on devrait également tenir compte des terrains de golf, de sports et de loisirs. Il faut que ces derniers soient soumis aux mêmes règles que l'agriculture.

La préfecture affirme que cette problématique des nitrates est un enjeu social fort et très médiatisé qu'il n'est pas évident de traiter. Elle entend notre alerte et sera vigilante quant à l'usage d'azote par les propriétaires de terrains sportifs et d'espaces verts qui ne manquent pas au sein de la région.

Concernant l'instauration des Zones de non traitement (ZNT) riverains, la CR argue que cela va engendrer d'importantes pertes de surfaces agricoles productives sans aucune compensation pour les agriculteurs. C'est alors une perte directe de revenu pour ces derniers. Ces surfaces coûteront de l'argent aux agriculteurs en foncier, en assurance, en MSA, en loyer... Ces ZNT riverains risquent également de devenir des friches, des réserves de gibiers... Avec cette mesure ZNT riverains, les agriculteurs sont encore exposés et stigmatisés pour leur utilisation de produits phytopharmaceutiques alors qu'au final, la société oublie de regarder ses propres pollutions (utilisation de médicaments et d'hormones qui se retrouvent dans les eaux usées, ou encore utilisation de produits de traitement pour les animaux ou pour l'intérieur des maisons avec des molécules interdites d'usage en agriculture). Pour que les ZNT riverains soient utiles, il va falloir une politique agronomique sérieuse pour que ces bandes tampons servent réellement la biodiversité endémique.

La préfecture répond que c'est un sujet de société délicat qui dispose d'une couverture médiatique importante. Les chartes départementales visaient à faire face à cette situation. Ils nous affirment qu'il va falloir être attentif sur la destination de ces bandes ZNT riverains et sur ce qu'il en sera fait en matière de fréquentation. Il nous a été affirmé la nécessité d'un comité de direction et d'un réel suivi de ces dossiers.

La Coordination Rurale a ensuite parlé des produits phytopharmaceutiques (PPP). La France est un des pays qui, en quantité, consomme le moins de ces produits par hectare. Les agriculteurs se retrouvent aujourd'hui face à des impasses, car des interdictions de PPP sont prononcées sans alternatives viables. Par exemple, le secteur de la betterave a subi cette année un grave problème de jaunisse. Les néonicotinoïdes, produits d'enrobage des semences interdits depuis 2018, ont été mis sur le marché sans prise en compte environnementale suffisante selon la CR IDF. Les agriculteurs en subissent aujourd'hui les conséquences. La vie du sol est primordiale et la réintroduction temporaire de ce produit par le gouvernement ne sauvera pas les agriculteurs, c'est une utopie qui dessert notre profession et qui ne permettra que de venir en aide à l'agro-industrie.

Pour ce qui est des semences, la CR considère que la recherche n'est orientée que sur l'utilisation de la chimie. La recherche est définie pour que la production et le rendement soient quantitativement satisfaisants, mais il n'y a aucune prise en compte de la résistance aux maladies et aux insectes, car on ne mise que sur les PPP pour régler les problèmes. Les agriculteurs ont été poussés à faire n'importe quoi avec la chimie. Selon la CR IDF, l'Inrae ne travaille pas dans le bon sens, il ne développe pas assez la recherche de solutions agronomiques alternatives. Il faut plus de recherche sur les couverts végétaux, sur le stockage de carbone et de matière organique, ainsi que sur la résistance aux insectes et aux maladies comme dit précédemment.

Les représentants de la préfecture nous confirment qu'une partie de la société et de certaines associations ont tendance à faire de l'agribashing. Ils nous affirment la nécessité de lutter ensemble contre cela car ces discours sont anxiogènes et excessifs. Le ministre de l'Agriculture est très investi sur ce sujet et déterminé à revaloriser le métier d'agriculteur et les productions agricoles françaises. En ce qui concerne le problème de jaunisse sur les betteraves, la préfecture répond que l'on est dans une période où nous cherchons à rééquilibrer les pratiques et les tensions et que ce n'est pas une tâche facile.

Les représentants CR ont également martelé que, depuis le début de la crise sanitaire liée à la Covid-19, les agriculteurs n'ont jamais cessé de travailler dans leurs champs pour nourrir la population. Cependant, la fermeture des restaurants aura des répercussions différées qui se traduiront par des invendus alimentaires ou une surproduction et, au final, des pertes de trésorerie pour les agriculteurs. En Île-de-France, les agriculteurs étant majoritairement en grandes cultures, ils vont inévitablement subir la baisse de consommation de farine, de pain et de viennoiseries, ce à quoi s'ajoute un bilan de moisson 2020 catastrophique. Les élus de la CR IDF estiment que beaucoup de fermes connaîtront de grosses difficultés financières et auront du mal à terminer l'année 2020 convenablement. Certains exploitants risquent même de devoir céder leur exploitation ou de chercher un travail secondaire. Les agriculteurs n'ont pas toujours accès aux aides sociales car ils peuvent être bloqués s'ils possèdent du patrimoine immobilier par exemple. De plus, les représentants CR constatent que les coopératives ne prennent plus les mêmes produits qu'avant. Ces dernières privilégient surtout le blé, l'orge, le maïs et le colza. Les agriculteurs ne peuvent donc plus facilement diversifier leurs cultures et essayer de s'en sortir via des productions stratégiques.

Monsieur le préfet nous assure que le ministre de l'Agriculture s'est battu pour qu'une partie du plan de relance soit bien attribuée à l'agriculture. Il y aura un dispositif mis en place pour soutenir les agriculteurs via de nombreuses primes et aides. La Coordination Rurale est d'ailleurs conviée à la réunion de présentation du volet agricole, agroalimentaire et alimentaire du plan de relance le 07 janvier 2021.

Pour la Coordination Rurale, le problème est que ce plan de relance ne consiste surtout qu'en des aides à l'investissement. Les agriculteurs ont avant tout besoin d'aide pour redresser leurs exploitations. Si l'aide proposée ne concerne que des investissements qui ne sont pas pris en charge à 100 %, les agriculteurs ne pourront se permettre d'en bénéficier car ils ne disposent pas de trésorerie leur permettant d'investir.

À propos des coopératives, la CR a émis des inquiétudes quant à l'annonce récente d'Axéréal de fermer très prochainement une centaine de sites. Cela va engendrer la perte de nombreux points de collecte importants pour les agriculteurs. La CR demande que cette affaire soit suivie de près et que le devenir des friches fasse l'objet d'une vigilance particulière. La préfecture a répondu qu'elle était preneuse d'informations à propos de la fermeture des silos et des impacts induits pour les agriculteurs.

Les élus CR ont également demandé où en était le projet de mise en place d'abattoirs mobiles dont les éleveurs ont grandement besoin pour éviter le stress des animaux et pour leur permettre un gain de temps non négligeable. Monsieur GUILLAUME affirme qu'une partie du budget du plan de relance est prévue pour être consacrée à leur création.

À propos des certiphytos arrivant à échéance, la CR a demandé que la durée soit reportée à cause du confinement car les agriculteurs ont besoin de souplesse sur cette problématique. La préfecture a répondu qu'elle allait faire remonter l'information mais qu'elle ne pouvait garantir que cela soit accepté.

Enfin, la CR a tenu à rappeler la nécessité d'une vigilance importante concernant la création de retenues d'eau en utilisant des terres agricoles pour prévenir des inondations en milieu urbain, notamment au sud de la Seine-et-Marne. Les services de la préfecture devraient se rapprocher de la DRIEE pour suivre cette problématique.

Monsieur le préfet Marc GUILLAUME a tenu à remercier la Coordination Rurale pour ces échanges directs, précis, pleins de vie et d'informations sur les thématiques agricoles. La Coordination Rurale d'Île-de-France le remercie en retour pour la qualité de l'écoute proposée et de l'intérêt porté aux discussions qui ont eu lieu. La CR espère continuer à travailler en collaboration avec la préfecture et les services de l'État dans l’intérêt des agriculteurs.

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