Le 26 janvier à Montastruc-de-Salies dans une exploitation agricole en Haute-Garonne, le Premier ministre a échangé sur les problématiques rencontrées par le monde agricole et lancé des propositions. Un exercice qui n’a pas convaincu Max Bauer, président de la Coordination Rurale du Var et de PACA.
Accompagné du ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, et du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, Gabriel Attal a, certes, réaffirmé le rôle essentiel des agriculteurs pour notre souveraineté alimentaire, indispensable à la France et de l’Union européenne et apporté des réponses d’urgence, car la détresse exprimée l’exigeait.
Ainsi, les demandes sur la fiscalité du gas-oil non routier (GNR), qui étouffe la trésorerie des exploitations, ont été entendues. La hausse de la fiscalité du GNR agricole a été supprimée. L’avance de remboursement arrivera en février au lieu de juin. Cela permettra d’alléger la trésorerie des agriculteurs de 230 M€ dès février. La remise de TICPE sera appliquée à partir du 1er juillet, directement sur la facture. Les agriculteurs n’auront donc pas à avancer les frais et cela permettra à tous les agriculteurs d’en bénéficier, même ceux qui ne le demandait pas (ce qui représente 20 % des agriculteurs). Ces mesures redonneront rapidement de l’air aux exploitants.
10 MESURES
Par ailleurs, le Premier ministre a présenté les 10 premières mesures de simplification pour lesquelles une mise en œuvre immédiate est décidée.
En ce qui concerne la police de l’environnement, il propose de construire un cadre de confiance entre le monde agricole et la police de l’environnement, en assurant un meilleur dialogue, une proportionnalité des peines et leur adaptation en intégrant la bonne foi. En instaurant un contrôle unique pour qu’il n’y a pas plus d’un passage annuel sur une exploitation dans le cadre des contrôles administratif. Il veut aussi mettre fin au régime d’exception sur les délais de recours en les alignant sur le droit commun, faisant passer ces délais de 4 à 2 mois, notamment pour les procédures ICPE et en matière d’autorisation sur les prélèvements en eau pour les projets agricoles.
SURPRODUCTION EN BIO
Une proposition qui laisse dubitatif le président de la Coordination Rurale du Var : « Les recours contre les projets passent de 4 à 2 mois et le juge devra se prononcer dans les 10 mois. Sauf miracle l’autorité judiciaire ne l’acceptera pas ».
Concernant la filière bio, il s’interroge : « 50 millions pour le bio c’est bien. Mais on aurait pu éviter de mettre des agriculteurs en si grande difficulté si toutes nos politiques agricoles n’avaient pas une vision idéaliste du bio. Il faut produire ce que l’on peut consommer. C’est l’un des fondamentaux de la CR. La régulation de la production par les producteurs à travers des Organisations de Productions Transversales et des observatoires de marché. Et, sur le bio, il faut sortir de la trajectoire d’augmentation des surfaces, car on a atteint la surproduction. C’est en partie conjoncturel, mais c’est surtout structurel. Sans l’inflation, nous serions arrivés à la même catastrophe. Donc, oui pour les aides d’urgence, mais que fait-on demain » ?
Sur la question des personnels de l’Office français de la Biodiversité (OFB), ils interviendront sous la tutelle des préfets. Un travail entre l’OFB, les ministères et les préfets sera organisé pour aboutir avant le Salon de l’agriculture sur les conditions d’évolution des modalités d’intervention des agents de l’OFB dans les exploitations.
« Il s’agit aussi de mettre fin aux incohérences et injonctions contradictoires, par exemple concernant le débroussaillement en mettant en cohérence les mesures visant à la protection des biens et des personnes et les mesures de protection de la biodiversité. En lieu et place des multiples règlements sur la haie, un seul cadre réglementaire sera mis en place. La simplification du cadre applicable au curage des cours d’eau agricole sera réalisée par voie réglementaire. Le décret sera publié la semaine prochaine. Les délais seront ainsi ramenés de 9 à 2 mois », a dit Gabriel Attal.
De son côté, la Coordination Rurale exige le désarmement des agents OFB depuis des années : « Il faut le faire et pas dire qu’on va en parler. Certes, le contrôle unique, c’est une bonne chose. Mais pour les aides d’urgence, le Premier ministre a oublié le secteur volaille qui connaît des pertes économiques de 12 à 50% ».
« Sur les haies, il y a une volonté d’uniformiser la législation, c’est une bonne chose. Pour le curage des fossés, c’est peut-être la seule bonne nouvelle. On passe d’autorisation à déclaration. Il y aura encore des temps d’attente. Pour le débroussaillage, là encore une annonce mais pas de détails ! Les interdictions de débroussailler avaient pour source la protection d’espèces animales ou végétales. Comment vont-ils faire sauter ces règlements ? On va passer de 14 réglementations sur les haies à une seule. Excellent mais la question c’est de savoir comment on a pu arriver à 14 réglementations. Cette question n’est pas posée », s’inquiète Max Bauer.
LA LOI EGALIM PAS APPLIQUEE
Sur l’application de la Loi EGALIM et l’article 44 concernant les importations de produits alimentaires, le syndicaliste agricole est en colère : « Il faut que les agriculteurs se révoltent pour que la loi soit enfin appliquée par les pouvoirs publics. C’est pour le moins inquiétant. Et, je constate que le Gouvernement n’est pas en règle. Soyons didactiques et rappelons ce qui dit le texte (article L236-1 A du Code rural) : Il est interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation. L’autorité administrative prend toutes mesures de nature à faire respecter l’interdiction prévue au premier alinéa ».
Pour ce qui concerne l’eau, ressource stratégique pour la pérennité de la production agricole dans un contexte de changement climatique.
« Ainsi, les délais des contentieux relatifs à la gestion de l’eau de l’eau seront drastiquement réduits par la suppression d’un niveau de juridiction et par l’application de la présomption d’urgence pour purger le contentieux en moins de 10 mois. S’agissant de la mise en œuvre des textes européens sur les zones humides et les tourbières, il n’y aura pas de surtransposition et le Gouvernement prendra le temps de la concertation », a ajouté le Premier ministre.
Toutefois, Max Bauer reste sur sa faim : « Rien n’a été annoncé concernant l’Ukraine. Concernant les importations, le problème est renvoyé à l’Europe. Donc, rien ne bouge ! Ainsi, la directive 2010/75/UE, relative aux émissions industrielles, a pour objectif de parvenir à un niveau élevé de protection de l’environnement grâce à une prévention et à une réduction intégrées de la pollution provenant d’un large éventail d’activités industrielles et agricoles ».
Selon Gabriel Attal, certaines mesures pourront être décidées dans le cadre de la présentation du projet de loi en faveur du renouvellement des générations, qui va être enrichi. Par ailleurs, pour préparer l’avenir de l’agriculture, à l’occasion du Conseil européen du 1er février, le président de la République a décidé de porter la demande de dérogation sur la conditionnalité de la PAC imposant sur les terres arables, 4 % d’infrastructure agro-écologique et de jachères.
« En ce qui concerne, le cadre des accords internationaux, les accords de libre-échange ne doivent pas se faire sans intégrer la réciprocité des normes et la mise en place de clauses miroirs : elles doivent protéger les consommateurs et garantir à nos producteurs qu’ils luttent à armes égales avec leurs concurrents étrangers. La France réaffirme sa plus ferme opposition à la signature du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur », a assuré le chef du Gouvernement.