L’artificialisation, aux fins de constructions ou d’infrastructures, consomme chaque année près de 55 000 hectares de terres. Elles sont essentiellement agricoles et cultivables, et le plus souvent parmi les plus fertiles. Mais ce grignotage de l’espace rural n’est que la partie visible d’une tendance de fond de l’opinion publique...

Cette tendance s'est accentuée ces dernières années, notamment depuis l’incident de Villeneuve de Blaye le 5 mai 2014. Ce jour-là, des enfants d’une école avaient été incommodés par des odeurs provenant du traitement fongicide de deux vignerons riverains. Dont un cultivait en Bio.

À l’initiative de l’association « Générations Futures », l’Assemblée nationale a adopté un amendement du gouvernement dans le cadre de la loi d’Avenir Agricole qui réglemente les pulvérisations de produits phytosanitaires près des écoles et lieux sensibles.

La multiplication des arrêtés d'interdiction de traitement

Mais cette disposition ne satisfait pas les pourfendeurs de l’agriculture conventionnelle. Même si la Bio peut être concernée, comme dans le cas de Villeneuve de Blaye. De nombreux maires prennent des arrêtés interdisant l’utilisation de « pesticides » aux abords du voisinage des champs des agriculteurs.

Déjà en 2016, deux arrêtés municipaux interdisaient l'épandage de produits phytosanitaires à proximité des habitations et l'emploi d'herbicides dans les fossés de la commune de Saint-Jean (31).

En 2017, le maire de Ruelle (16) a fait adopter un arrêté interdisant les épandages de « produits phytosanitaires » à moins de 50 mètres des habitations. Cet arrêté a été annulé par le préfet de la Charente au motif qu’un maire n'a pas la compétence pour prendre un arrêté dans un domaine qui relève, selon lui, du seul ministère de l'Agriculture.

Mais depuis, cette initiative a fait des émules, avec des prétentions étendues en matière de distance.

Le maire de la petite commune de Langouët (35), a pris le 18 mai 2019 un arrêté qui interdit l'utilisation de produits phytosanitaires près des habitations ou locaux professionnels. L'arrêté interdit l'utilisation de produits  phytopharmaceutiques  « à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d'habitation ou professionnel ». Dans certaines conditions, la distance peut faire l'objet d'une réduction à 100 mètres. Incité par la Préfète à retirer son arrêté, le maire s’en remet au tribunal administratif.

Le 7 juin 2019, c’est au tour du maire de Chassenon (16) de prendre un arrêté de restriction d’épandage dans les parcelles agricoles à moins de 150 mètres de la limite des parcelles privées voisines.

Les arrêtés d'interdiction des traitements sont-ils efficaces ?

L’opinion publique n’a aucune conscience de l’impact de telles décisions. Aucune étude ne permet de déterminer que cette restriction apportera une amélioration notable de la santé des citoyens vivant près des champs cultivés. La protection des cultures est malgré tout indispensable pour obtenir des récoltes exemptes de parasites ou de mycotoxines.

Ce qui est certain, c’est qu’une restriction d’épandage de produits phytosanitaires de 150 mètres autour d’une habitation de 500 m² incluse au milieu des parcelles agricoles, engendrera une interdiction de fait de cultiver, en bio comme en conventionnel, de 10,35 hectares.

Cette interdiction de cultiver est une grave atteinte au droit de propriété. Elle est ainsi en contradiction totale avec l’article 17 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

L'article 545 du Code civil évoque aussi ce droit inviolable : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. »

Ainsi les maires, par leurs arrêtés, enfreignent la réglementation en n’assortissant pas leurs décisions de mesures d’indemnisation des propriétaires et des exploitants spoliés.

Dans ces conditions, ces arrêtés interdiront de culture des milliers d’hectares. Le phénomène d'artificialisation des terres ne s'en trouvera qu'aggravé de manière exponentielle. Surtout, ils auront un impact catastrophique sur la balance commerciale car il faudra importer la production perdue sur ces surfaces. Et là, aucune garantie que ces produits d’importation ne soient pas contaminés par des produits phytosanitaires interdits en France...

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