Mercredi 22 mars, à l’invitation de TSE Energy, les agriculteurs de la CR 52 se sont rendus sous les canopées du parc agrivoltaïque d’Amance en Haute-Saône pour découvrir les enjeux autour du développement de ces projets. Les sentiments restent partagés au terme de cette visite en deux temps avec le témoignage de Sylvain, propriétaire du parc visité et réactions de nos élus de la Coordination Rurale présents.

Jean-Luc DIDIER, référent agrivoltaïsme de la CR

Accueillis par Cyril Mignot, technicien référent chez TSE Energy, un des principaux producteurs d’énergie solaire en France, et Sylvain, éleveur bovin à qui appartient la parcelle sur laquelle se situent les panneaux solaires, logés à plus de 8 mètres au-dessus du sol, nos agriculteurs ont longuement observé le parc de 3 hectares dont la production annuelle revient à 0,8 MW/ha.

La canopée agricole est définie par TSE Energy comme « une ombrière agrivoltaïque installée au-dessus d’un terrain agricole, équipée de panneaux solaires, compatible avec les activités de grande culture et d’élevage et vertueuse pour l’agriculture ».

A priori, les résultats de la culture sous la canopée, en comparaison avec le champ témoin à proximité, sont encourageants selon TSE : potentiel hydrique supérieur sous l’ombrière, sol plus frais et conservant mieux l’humidité, meilleure protection contre le stress thermique, maturation plus rapide, bonne croissance.

UN PARTENARIAT PROMETTEUR POUR NOTRE EXPLOITANT

Ces projets rempliraient ainsi leur promesse initiale en permettant de lutter contre les aléas climatiques et d’assurer un complément de revenu pour les agriculteurs qui conservent l’usage de leur terrain pour leur travail agricole.
Nous avons toutefois tenu à poser nos questions à Sylvain sur son expérience de l’agrivoltaïsme.

Qu’est-ce que l’agrivoltaïsme a changé pour vous ?

Sylvain : « Au niveau du site et de l’exploitation, cela n’a pas beaucoup changé. L’intérêt était de garder la production agricole tout en pouvant produire de l’électricité. Le partenariat avec TSE et l’approche agronomique nous a ouvert des portes. En effet, je ne suis pas coopérateur donc je ne fais pas forcément partie d’un système d’informations. Ce partenariat nous permet de nous ouvrir vers l’extérieur avec des gens qui ont une vision des choses pour avancer.

Quel est le principal avantage de l’agrivoltaïsme ? Comment réussir à convaincre d’autres agriculteurs de se lancer dans un tel projet ?

D’abord, il y a un avantage personnel : se développer. Ensuite et surtout, c’est l’avantage financier. Quand vous touchez une certaine somme à l’hectare qui représente plus que votre chiffre d’affaires des dix dernières années, ce n’est quand même pas déconnant ! Un jeune qui se lance avec 10 ha et qui va toucher 15 à 20 000 euros, ce n’est quand même pas déconnant pour démarrer. Cela peut lui permettre de payer sa terre, son exploitation, etc.
L’agrivoltaïsme peut ne pas être une contrainte. Dans l’élevage, il n’a presque pas de contraintes. Si on fait pâturer là-dessous, les animaux vont manger et cela ne pose pas de souci. Cela convient totalement à un jeune qui va s’installer avec peu de surface.

Un apport comme les aides PAC aide à tenir l’agriculture mais, avec l’indexation, vous n’êtes pas sûr encore dans 10 ans de pouvoir les toucher. L’agrivoltaïsme, voué à fonctionner pour des décennies, est une aide qui arrive de l’extérieur.

Existe-t-il quand même des inconvénients ?

L’installation vous appartient. Néanmoins, au niveau assurantiel, que ce soit côté TSE ou côté agriculteur, personne n’est au point.

Le côté juridique et administratif laisse un peu à désirer. On a eu des tensions jusqu’à la fin avec TSE mais bon c’est comme tout, il y a des premières partout et des choses auxquelles il faut penser. Là, on a quand même signé pour 40 ans, ce n’est pas un contrat d’un an avec tacite reconduction. Il ne faut pas trop se tromper quand même. Il faut se laisser un peu de souplesse et que les deux parties s’y retrouvent aussi. TSE doit pouvoir produire mais l’exploitant ne doit pas se retrouver bloqué dans ce qu’il veut faire.

On voit le montage particulier que nécessite une installation agrivoltaïque. Avez-vous appréhendé la complexité de ce nouveau système ?

Non, pas du tout. On a déjà fait plusieurs constructions, donc les travaux ne m’ont pas effrayé. Chez TSE, ils ont vraiment de très bonnes équipes, des gens qui sortent de l’industrie, qui connaissent la construction, qui savent gérer et qui s’occupent des affaires. Toute la maintenance est gérée en interne, comme le côté environnemental et juridique.

Total est en train de mettre en place un système similaire avec des panneaux verticaux mais délègue à des cabinets extérieurs pour tout. Les protocoles ne sont pas forcément respectés, la réactivité n’est pas la même non plus. Qui plus est, il y a vraiment des gens très bien chez TSE. On recommencerait !

Les aléas comme l’augmentation du coût des énergies depuis un an ont-ils eu un impact ?

Personnellement, le contrat que j’ai signé il y a plusieurs années me protège encore pour les années à venir. En en discutant avec ma chambre d’agriculture récemment, les nouveaux contrats qui vont être signés prochainement font fixer les prix à 0,11 €/kW. Pour les contrats signés actuellement, la courbe est déjà redescendue. L’exploitant qui arrivait sur le marché au mois d’octobre 2022 n’était forcément pas bien mais le marché de l’électricité est redescendu depuis. Le gaz n’a pas flambé, le pétrole est resté peu cher et il n’y a pas eu de surconsommation non plus. Tout le monde avait levé les bras aux ciel au mois de septembre en alertant sur le risque de coupures et le manque d’électricité mais il y a eu ce qu’il fallait ! Tout est une histoire de spéculation…

ET À LA CR, QU’EST-CE QU’ON PENSE DE TOUT CELA ?

Jean-Luc Didier, référent agrivoltaïsme à la Coordination Rurale et administrateur de la CR 52 ainsi qu’Arnaud Buat, président de la CR 52, y voient une réalité plus nuancée…

« TSE nous a dit prévoir des projets de 3 à 5 ha par ferme, compris en système de grappes qui feraient plus de 100 ha. Cela donne entre 4500/6000€ à 7500/10000€ par an, à partager si le propriétaire et le preneur sont des personnes différentes.

En contrepartie, on a vu une installation très lourde (ferraille, béton, pieux de 9 mètres) compliquant particulièrement la culture, avec des zones à entretenir. Il semble y avoir un effet dépressif sur la culture aux endroits d’accumulation d’eau, des blés à l’ombre qui semblent monter trop vite, des panneaux en panne qui nécessite des interventions au milieu de la culture.

Le coût d’investissement élevé au Mwc (mégawatt-crête) nécessitera probablement d’être subventionné. Enfin, nous n’avons pas pu avoir de prévisionnel de production à l’hectare.

Également, quelques incertitudes subsistent : quid du vieillissement général ? Des câbles ?

Finalement, pour éventuellement 2250 à 5000€ par an si fermier, est-ce que ça vaut le coup face aux incertitudes ? Cela ne semble pas très réaliste pour de la culture. Pour des prés peut-être, à condition d’avoir des animaux déjà chez soi. À voir en arboriculture et vignes…»

Arnaud Buat, président de la CR 52 et éleveur laitier tend plutôt à s’inquiéter pour les animaux que l’on pourrait laisser pâturer sous ce type d’installation : « Moi je voyais au début de ma visite un pâturage tournant pour des vaches laitières mais après un petit tour du site, l’herbe sera plus piétinée à certains endroits et le sol s’en trouvera vite matraqué. Une inconnue nous fait également nous interroger : les bêtes ne sont-elles pas perturbées par tous les pieux ancrés dans le sol, la ferraille, etc…Doit-on craindre un effet de courant tellurique ? »

La conclusion semble sans appel pour la CR 52 : « Étant donné qu’ils n’ont pas été honnête sur le retournement du blé prévu à cause soi-disant du tassement de l’installation, la confiance est déjà perdue ».

Dans la même catégorie

Grand-Est
Grand-Est
Grand-Est
Grand-Est