Michel Cartier est agriculteur dans le Cher, sur l’aire d’alimentation du captage de Bourges. Selon lui, l’utilisation de glyphosate peut être réduite mais cet herbicide demeure indispensable dans certains cas.

Le glyphosate, herbicide total, détruit monocotylédones (graminées…) et dicotylédones (crucifères, légumineuses…) mais est-il aussi efficace dans les deux cas ?

M. Cartier : non, il est très efficace contre les graminées, à des doses assez bases (1 ou 1,5 litre/ha) mais beaucoup moins contre les dicotylédones : 2,5 à 3 litres de produit (à 360 g. de matière active) sont alors nécessaires (cela reste peu, comparé aux 10 à 15 litres/ha épandus sur le soja OGM brésilien, argentin…).

Pour une céréale, plutôt que de nettoyer la parcelle au glyphosate avant le semis, je préfère utiliser un anti-dicots en végétation. Cela permet de réduire la quantité de glyphosate employée sur la ferme.

Je sème aussi plus tardivement, pour éviter la levée d’adventices dans les céréales à l’automne et cela permet de repousser le désherbage anti-dicots au printemps.

Mais que faites-vous si ce sont des mauvaises herbes graminées qu’il faut gérer avant une céréale ?

M. Cartier : si ce sont ray-grass, brome ou vulpin qu’il faut détruire, alors là, oui, il faut un passage de glyphosate avant le semis. Car autrement, une fois la céréale semée, la seule solution est l’anti-graminées (une sulfonylurée), coûteux et pas très efficace.

En fait, le mieux est de croiser les luttes : détruire les graminées dans les cultures de colza et légumineuses et détruire les dicots dans les cultures de céréales. J’essaye au maximum de pratiquer des rotations dites « 2-2 » : 2 cultures de légumineuses-colza, suivies de 2 cultures de graminées, afin de renforcer l’effet de la lutte croisée. Par la rotation, on peut réduire la pression des adventices et les gérer en période de végétation, ce qui permet de limiter le recours au glyphosate entre deux cultures.

Cela veut-il dire que vous utilisez davantage d’autres produits que le glyphosate ?

M. Cartier : c’est un équilibre à trouver. Le peu de glyphosate que j’utilise entre deux cultures me permet aussi d’économiser sur d’autres produits en période de végétation. Et des rotations allongées et raisonnées procurent des avantages en réduisant le salissement des parcelles. De plus, je sème des plantes compagnes (ex : luzerne avec colza) qui subsisteront dans les cultures suivantes (la luzerne résiste au temps sec). Cette permanence du couvert empêche les mauvaises herbes de s’installer et réduit encore le recours au glyphosate. Sur ma ferme, l’IFT (indice de fréquence de traitement) est à 3,6 ou 4 alors qu’il se situe habituellement autour de 6 dans un système classique. Mon système est donc plus économe, tous produits phytos confondus et une interdiction du glyphosate pourrait le mettre en péril.

Et si l’adventice qui précède une dicotylédone est également une dicotylédone ?

M. Cartier : le cas s’est présenté cette année. J’avais semé un sarrasin en dérobé derrière un blé. Du géranium (dicot) s’est mis à pousser dedans. Une fois le sarrasin récolté, je voulais implanter un couvert de féverole (dicot elle aussi). Ne pouvant utiliser d’anti-dicots sur une féverole en végétation, j’ai donc dû nettoyer au glyphosate à 3 litres/ha avant de semer la féverole. L’énorme avantage du glyphosate est de ne pas avoir de rémanence (persistance) sur la culture suivante, contrairement aux anti-dicots qui sont presque tous rémanents. Si un anti-dicots est appliqué avant de semer une dicot, celle-ci risque de ne pas lever.

Comment détruisez-vous vos couverts ?

M. Cartier : en principe, je les détruis au rouleau les années où le couvert est épais. Si lors d’un été sec, le couvert n’a pas levé et que des adventices résistantes à la sécheresse s’installent (ambroisie, chardon), le glyphosate est alors la seule solution.

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